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Najat Vallaud-Belkacem : «rendre l'élève citoyen»

«La laïcité, pour qu’elle ne soit pas contestée, doit être comprise par les élèves», explique la ministre de l'Education. [JOEL SAGET / © AFP]

Deux ans après la marche du 11 janvier 2015, l’Etat veut remercier les enseignants, mobilisés au quotidien autour des valeurs républicaines.

Une date symbolique. Deux ans jour pour jour après la marche républicaine du 11 janvier, réunissant des millions de Français dans la rue après les attentats, le gouvernement veut rendre hommage aux enseignants, dont le travail s’est retrouvé en première ligne pour expliquer aux élèves la situation. La ministre de l’Education Nationale décorera une centaine d’entre-eux, mercredi pour leur engagement. En insistant sur l’apprentissage des valeurs de la République

Deux ans après, que reste-t-il de l’esprit Charlie ?

Il y a eu à la fois une émotion terrible, partagée par toute la France, les élèves et les enseignants. Et puis, en même temps, des incidents se sont parfois produits ici ou là qui ont légitimement placé l’école au-devant des débats. Cela nous a conduits à réagir en profondeur, en organisant sans attendre une grande concertation sur l’ensemble du territoire qui a abouti au printemps 2015. En tout, 80 000 personnes, enseignants, élus, parents, association, se sont mobilisées au cours de ces assises de l’école pour aider cette dernière dans sa mission de transmission des valeurs de la république.

Comment les valeurs de la République ont-elles été enseignées ?

Les professeurs se sentaient parfois démunis pour évoquer ces questions de valeurs de la république, de laïcité, ou encore de théories du complot avec les élèves. Pour mieux les accompagner, nous avons lancé des formations à l'adresse de 300 000 enseignants. Il fallait aussi des outils pédagogiques, nous les avons développés. Nous avons enfin mis en place à la rentrée 2015 un nouvel enseignement moral et civique, allant de la primaire à la fin du lycée. Ces temps permettent désormais aux élèves de débattre, de faire valoir leurs opinions, de réfléchir ensemble autour des droits et des devoirs d'un citoyen. De faire par eux-mêmes l'expérience de cette citoyenneté (y compris sur le web) : liberté d'expression, débat contradictoire, lutte contre le racisme, l'antisémitisme, le harcèlement, le sexisme, toutes les formes de discriminations. Des valeurs fortes à enseigner.

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Comment la laïcité est-elle enseignée depuis janvier 2015 ?

La laïcité, pour qu’elle ne soit pas contestée, doit être comprise par les élèves. En faire une règle qui s’impose dans l'enceinte scolaire est nécessaire mais pas suffisant. Désormais nous veillons  à ce que les élèves comprennent que derrière le mot laïcité, il y a la liberté de croire ou de ne pas croire et l'assurance qu'on sera traité pareillement par un service public de l'éducation neutre à l'égard de ces questions. Et que c'est à ce titre qu'eux-mêmes doivent laisser leurs croyances et attributs ostentatoires à l'entrée  de l'école.

Quel bilan tirez-vous de l’instauration de la réserve citoyenne ?

Avec la grande mobilisation de l’école pour les valeurs de la République, il y a eu cette idée que tout ne pouvait pas reposer sur les seules épaules des professeurs. En janvier 2015, en tant que ministre, je me souviens avoir reçu énormément de courriers de Français qui disaient vouloir les aider dans cette difficile mission. C’est à ce moment qu’est née l’idée d’une réserve citoyenne offrant la possibilité aux citoyens engagés et  désireux d'aider  de venir de temps en temps dans les établissements. Des gens de tous profils s'en sont saisis, des journalistes, des médecins, des avocats, des retraités de l’éducation nationale… Autant de parcours de vie, d'engagement et d'expérience des valeurs républicaines à transmettre, avec leurs mots à eux, aux côtes des enseignants.  Ils sont aujourd’hui 6 000 et dans chaque académie, un référent fait le lien et les interventions sont de plus en plus nombreuses et très appréciées.

Quel regard portez-vous sur le traitement de ces valeurs, en politique ?

Les attentats qui ont frappé notre pays ont rendu plus aigüe que jamais la nécessité de défendre et de promouvoir ces mêmes  valeurs de la République que les terroristes ont pris pour cible. Au lendemain des attentats, la cohésion dont a fait preuve la nation, ces images du défilé du 11 janvier, ce refus de tomber dans le piège de la division tendu par les terroristes, étaient un bien précieux. La communauté nationale est restée soudée. Aujourd'hui, comme toujours durant une campagne, des dérapages de certaines forces politiques malmènent cette cohésion. Je souhaite que chacun soit à la hauteur et mesure l'impact de ses mots sur ces sujets-là.

Avez-vous d’autres pistes à mettre en œuvre pour les jeunes ?

Beaucoup de choses ont été faites pour améliorer par exemple notre capacité à  identifier puis signaler  dans les établissements les situations problématiques, les suspicions de radicalisation et à y répondre en temps utile. Des progrès législatifs ont été obtenus aussi pour empêcher par exemple que se développent dans des établissements hors contrat des enseignements qui soient en contradiction avec les valeurs de la République. Enfin, j'en suis convaincue : la meilleure façon de se prémunir de l'obscurantisme  c'est l'éducation. Une éducation qui conduise vers la réussite. Que notre école fasse réussir tous ses élèves c'est ma priorité. Qu'elle les fasse se côtoyer véritablement, c'est pour moi le meilleur bouclier  contre le repli sur soi et le communautarisme. C'est aussi pour cette raison qu'il est si important de développer la mixité sociale dans tous nos établissements. Nous y travaillons.

Autre mission : la sécurité. Comment l’assurer ?

Malheureusement, la menace terroriste est aujourd’hui encore importante et n’épargne pas nos établissements scolaires. Il y a une culture de la sécurité qui s’installe et nous amène à avoir une vigilance quotidienne. Les chefs d’établissement sont par exemple formés à la gestion de crise et les élèves initiés aux premiers secours.

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