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Cancer : «La France est pionnière en Europe sur la recherche clinique des formes pédiatriques», se félicite Christophe Grosset, directeur de recherche à l’Inserm

Christophe Grosset alerte sur une autre date-clé : le mercredi 15 février avec la journée internationale du cancer de l’enfant. [JEAN-PHILIPPE KSIAZEK/AFP]

A l’occasion de la journée mondiale contre le cancer qui a lieu ce samedi 4 février, Christophe Grosset, directeur de la recherche pédiatrique à l’Inserm de Bordeaux (Gironde), revient pour CNEWS sur les avancées récentes des travaux en France sur le cancer pédiatrique. Entretien.

Dans le cadre de la journée mondiale de lutte contre le cancer ce samedi, Christophe Grosset revient pour CNEWS sur les avancées de la recherche en France autour du cancer pédiatrique. Il se réjouit d'une excellence française en la matière et trace ses perspectives à court terme.

Spécialiste de la tumeur du foie chez les jeunes enfants, Christophe Grosset est responsable de l'équipe «Méthodes et Innovations pour la Recherche sur les Cancers de l'Enfant» à l’Institut d'Oncologie de Bordeaux. Il travaille aussi comme directeur de recherche à l’Inserm de la capitale girondine.

L'expert alerte aussi sur une autre date-clé, celle du mercredi 15 février avec la journée internationale du cancer de l’enfant. A cette occasion, il va rencontrer les députés de l’Assemblée nationale, toutes couleurs politiques confondues, pour sensibiliser à la cause.

1. Quels ont été les progrès réalisés ces dernières années par la médecine pour lutter contre les différents types de cancers (prévention, dépistages, techniques…) ?

Je dirais qu'une avancée majeure s'est faite en France en 2015 et elle n’était pas médicale. Elle a été de parler de la problématique liée aux cancers de l’enfant, notamment en partenariat avec les médias, puis avec les instances gouvernementales. La mobilisation de plusieurs collectifs et fédérations d’associations, notamment sous l’impulsion des Associations Eva Pour La vie, Aidons Marina, et de la fédération Grandir Sans Cancer, a joué un rôle central dans cette campagne de communication.

La seconde avancée a été la mobilisation dès 2016 de nombreux hommes et femmes politiques. On peut citer notamment Frédérique Vidal, ex-ministre de l'Enseignement supérieur, de la Recherche et de l'Innovation, et les députés Martine Faure, Benoît Simian, Eric Woerth, Béatrice Descamps ou Paul Christophe. Grâce aux fonds spécifiquement alloués par l’Etat à l’Institut National du Cancer en 2018 puis en 2020, les travaux de recherche fondamentale et translationnelle en oncologie pédiatrique se sont fortement intensifiés, renforcés et la qualité des projets a nettement progressé.

Sur le plan technologique, il y a de grandes avancées médicales dans de nombreux domaines comme l’immunothérapie, le repositionnement de médicaments, la thérapie génétique ou la combinaison de plusieurs médicaments pour lutter contre la récidive et la chimiorésistance. La classification des tumeurs en différents groupes fait aussi partie des avancées notables en oncologie pédiatrique. Les retombées de ces avancées scientifiques et technologiques auront là encore une répercussion très positive pour les patients et les familles.

Sauf dans de très rares cas, il n’y a pas de test de dépistage systématique chez les enfants, tout simplement parce qu’il ne font pas partie des populations «à risque de développer un cancer», contrairement aux personnes de plus de 50 ans avec le dépistage du cancer du côlon chez l’homme ou du sein chez la femme.

2. La recherche est-elle basée sur le nombre de cas de cancers observés en France ?

Oui, en France, les moyens financiers alloués à la recherche contre le cancer par l’Institut National du Cancer sont souvent influencés par le nombre d’équipes travaillant sur un cancer précis. Plus le cancer est fréquent et plus vous aurez de chercheurs spécialisés dans ce domaine. Dans la mesure où les cancers pédiatriques représentent 2 % de tous les cancers diagnostiqués chaque année en France, les fonds alloués à l’oncologie pédiatrique étaient donc proportionnés à la rareté de la maladie et peu d’équipes en bénéficiaient.

Depuis le vote de la loi de novembre 2018 et celle de 2020, l’oncologie pédiatrique a davantage de moyens financiers. Cela se sent à la fois au sein des équipes de recherche mais aussi dans les services hospitaliers avec de nouveaux espoirs en termes de thérapies. A l’étranger, les pays anglo-saxons, comme les Etats-Unis, le Royaume-Uni ou l’Australie, sont aussi fortement mobilisés sur ce sujet. La France est restée très mobilisée sur le sujet des cancers de l’enfant, surtout dans le domaine de la recherche clinique où elle est pionnière en Europe depuis les années 1950 et avec notamment la création de la société internationale d’oncologie pédiatrique en 1969 sous l’impulsion d’Odile Schweisguth.

3. Comment expliquez-vous que la recherche française soit considérée comme étant à la pointe sur le plan mondial ?

La formation des jeunes médecins pédiatres et des jeunes chercheurs à l’Université est excellente. D’ailleurs, la France exporte beaucoup de ses cerveaux à l’étranger, notamment aux Etats-Unis, avec de belles réussites au niveau des avancées technologiques et scientifiques. La France possède des chercheurs formés en temps réel aux technologies de pointe pour un usage dans les laboratoires ou à l’hôpital. Nous avons aussi les moyens d’acheter des équipements de haut niveau et de développer les technologies de pointe.

Les chercheurs français sont particulièrement créatifs, dynamiques, et surtout passionnés par leur métier. Le point noir est la formation des plus jeunes en raison des salaires bien inférieurs à ceux des pays voisins. Ces derniers ne tiennent pas compte des dix-quinze années de formation et d’études requises pour obtenir un poste dans la recherche académique.

4. Quelles sont les perspectives à court ou moyen terme de la recherche en France ?

L’argent est toujours le nœud du problème. Il permet de réaliser des analyses avec des outils performants et innovants, de recruter du personnel et de former les plus jeunes. Les fonds alloués par l’Etat depuis 2018 ont eu un impact très positif pour les équipes académiques. A la fin de l’année 2022 et pour la première fois en dix ans, j’ai été contacté par trois start-up privées désireuses de tester leur innovation dans nos modèles en laboratoire. Les industriels se tournent désormais vers nous et cela ne peut qu’être positif pour les enfants malades et leurs familles. Cela donne l’espoir d’avoir de nouvelles solutions thérapeutiques dans les cinq années qui viennent.

Deux choses restent à améliorer, c’est le soutien financier aux start-up s’engageant dans le développement de nouveaux médicaments et dispositifs médicaux pour la pédiatrie au sens large. La seconde, c’est le recrutement des jeunes chercheurs au sein des instances de recherche académique (Inserm, CNRS et universités) afin d’enseigner l’oncologie pédiatrique, qui a ses spécificités par rapport aux cancers chez les adultes.

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