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Les femmes et le poker peinent encore à faire la paire

Maria Konnikova est l'une des joueuses les plus redoutables du circuit. Maria Konnikova est l'une des joueuses les plus redoutables du circuit.[PokerStars]

Où sont les femmes ? Leurs gestes pleins de charme font malheureusement encore trop souvent défaut dans l’univers impitoyable du poker, où il reste difficile pour elles de s’immiscer à la table des hommes. Si les choses tendent à évoluer ces dernières années, le chemin est encore très long pour rééquilibrer la balance et redistribuer les cartes.

Car sur le circuit professionnel, la testostérone tourne à plein régime. Selon différentes études, plus de 90% des joueurs sont du sexe masculin, et donc moins de 10% sont des femmes. Un chiffre, à un peu plus important pour le poker en ligne (15% environ), qui démontre la complexité pour les femmes de bousculer dans les grandes largeurs l’ordre établi. «J’aimerais voir plus de femmes dans les tournois, lance la championne Maria Konnikova. Je fais tout ce que je peux pour qu’elles aiment le poker et qu’elles comprennent qu’il n’est pas uniquement réservé aux hommes. C’est un jeu pour tout le monde». «Tout le monde devrait pouvoir jouer, car nous sommes tous égaux dans le jeu et que le poker relève avant tout de l’esprit», insiste, pour sa part, Aleeyah Jadavji, journaliste spécialisée dans le poker et rencontrée à Londres à l’occasion d’un événement organisé par Pokerstars pour la Journée internationale de la Femme.

Mais, dans cette atmosphère qui peut s’avérer intimidante, il n’est pas toujours simple de se lancer. Il faut une bonne dose de courage et de caractère pour braver un milieu réputé pour son machisme avec ses remarques en tout genre et ses préjugés. «Ce n’est pas évident d’être une femme à une table de poker. A plusieurs reprises, j’ai subi des remarques désobligeantes. Parfois même des insultes, regrette Maria Konnikova. Quand j’ai commencé, je n’étais également pas toujours prise très au sérieux. C’est un peu moins le cas maintenant. Mais cela ne m’empêche pas de jouer. Je peux même en tirer un avantage.»

Fatima Moreira De Melo n’a pas été confrontée à ce genre de situation depuis ses débuts en 2008. Mais, pour l’ancienne joueuse néerlandaise de hockey sur gazon, championne du monde en 2006 et Olympique deux ans plus tard, l’ignorance est la meilleure des réponses. «Je n’accorde aucune importance à ce qu’un homme peut penser de moi. Je suis là pour jouer au poker. Le reste, je m’en moque, confie celle qui a également remporté la version hollandaise de Koh Lanta. Toutes les femmes devraient en faire autant.»

des tournois réservés aux «Ladies»

Pour inciter les femmes à franchir le pas, des tournois réservés aux «Ladies» ont été créés. Certaines y sont favorables comme Fatima Moreira De Melo, vainqueur du PSC Ladies en 2017. «Certaines femmes s’y sentent plus à l’aise, peut-être parce que le niveau est un peu moins relevé comparé à un tournoi avec des hommes. Ils peuvent aussi être de bons entraînements pour pratiquer le poker dans un environnement un peu moins agressif, avant de s’assoir à des tables mixtes», argumente-t-elle. «C’est un très bon moyen pour se lancer et aider les femmes, qui hésiteraient à s’immiscer dans cet univers très masculin, à tenter leur chance», assure Aleeyah Jadavji.

D’autres ne les voient pas forcément d’un bon œil. A l’image de Maria Konnikova. «Je suis contre ces tournois, confie-t-elle. Je comprends pourquoi ils existent. Mais je n’aime pas le sentiment que les femmes ne puissent pas jouer avec les hommes et qu’on puisse penser qu’elles sont inférieures. Elles sont aussi intelligentes que les hommes pour jouer au poker.»

Intelligentes, et pas seulement. Elles ont plusieurs autres atouts dans leur manche pour affirmer leur légitimité. «Les femmes sont beaucoup plus terre à terre et conscientes de leur capacités, alors que les hommes ont plus tendance à bluffer. Ce qui n’est pas sans risque», glisse Fatima Moreira De Melo. «Comparativement aux hommes, on a davantage de patience et de concentration, tranche, de son côté, Maria Konnikova. Les femmes savent aussi bien, voire mieux gérer leurs émotions et leur sang-froid.» «Les femmes ont une meilleure intuition. Nous ressentons davantage les choses. Et de manière général, les femmes savent prendre les risques au bon moment», ajoute Aleeyah Jadavji, qui croit en une possible parité. «Ce sera compliqué d’atteindre l’équilibre, mais il n’est pas impossible qu’on s’en approche dans les années à venir.» 

Leurs résultats, ramenés au faible nombre de femmes qui gravitent dans le monde du poker, prouvent en tout cas qu’elles peuvent être tout aussi performantes. Elles sont d’ailleurs nombreuses à avoir hissé haut l’étendard du poker féminin, de Vanessa Selbst à Liv Boeree en passant Vanessa Rousso, Isabelle Mercier, Annie Duke, Kathy Liebert... Sans oublier Maria Konnikova, qui a remporté le PCA National Championship 2018, un des plus gros tournois du monde, et ses 70 000 euros à la clé. Son destin hors du commun peut servir de modèle pour certaines femmes indécises. En pleine écriture d’un livre sur le rôle de la chance dans la vie, elle a décidé de s’intéresser au poker et à ses différentes facettes.

Complétement novice dans le jeu, au point de ne pas connaître le nombre de cartes nécessaires pour jouer, la journaliste et écrivaine, diplômée en psychologie, s’est prise de passion et a connu une ascension fulgurante accumulant plus de 200 000 euros de gains en à peine deux ans. Devenue membre du team pro PokerStars, comme Fatima Moreira De Melo, elle est aujourd’hui l’une des joueuses les plus redoutables, malgré son élimination dès le premier jour au PSPC organisé à l’Atlantis Resort & Casino de Nassau (Bahamas).

«Ce serait une fierté si je pouvais servir d’exemple. J’essaie d’être une bonne ambassadrice et mon parcours peut m’y aider. J’avais une vie avant le poker et j’ai envie que les femmes se disent que ce n’est pas impossible d’en changer en regardant mon parcours. C’est toujours très important de pouvoir s’identifier à quelqu’un pour se décider à franchir le pas.» Et prendre son destin, ainsi que les cartes, en mains.

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