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Vendée Globe 2020 : Yannick Bestaven, classement, Cap Horn... l'avis de Christopher Pratt, co-skipper Charal

Yannick Bestaven.[AFP]

Remplaçant de Jérémie Beyou sur le Vendée Globe 2020, le skipper professionnel Christopher Pratt, aussi entrepreneur chez Marsail, ne participe pas cette année à la reine des courses au large en solitaire. Il n’en demeure pas moins un observateur averti et livre chaque semaine à CNEWS son éclairage sur le déroulé sur ce tour du monde à la voile qui s'annonce historique.

Ce Vendée Globe n’en finit pas de nous surprendre. Le leader, s’il était classé parmi nos outsiders principaux n’était clairement pas favori pour la victoire finale avec son IMOCA de génération 2016.

Le classement et la course 

Pourtant Yannick Bestaven trône solidement sur la première marche de la course, et ce depuis plus de deux semaines. Avec plus de 400 milles d’avance sur ses principaux poursuivants et une bonification de dix heures pour s’être dérouté lors du sauvetage de Kevin Escoffier ; le skipper de Maître Coq semble dans une position idéale pour remporter la course.

Non seulement il possède une avance conséquente, qui devrait certes fondre un peu lors des prochains jours, mais en plus son bonus équivaut à un matelas virtuel de 150 à 200 milles ; enfin, ses deux poursuivants les plus proches sont tous deux handicapés par des avaries majeures sur leur foil bâbord. Lors de la remontée de l’atlantique le vent vient de la droite du bateau et c’est donc ce foil bâbord situé du côté « sous le vent » qui est utilisé. Ruyant et Dalin ne pourront donc pas exploiter la pleine puissance de leurs foilers dernière génération. Tous ces éléments placent, à mon sens, Bestaven dans une position très favorable pour la victoire finale. Derrière la bagarre fait rage pour les places d’honneur.

Sauf avarie majeure ou situation météo exceptionnelle, on peut miser sur un trio de tête Bestaven, Dalin, Ruyant, mais pour la suite du classement tout est encore très incertain. Damien Seguin, qui fait une course fantastique tient pour le moment la dragée haute au groupe des poursuivants pourtant composé de bateaux bien plus performants que le sien. Il fait un sans-faute stratégique depuis son entrée dans l‘océan Pacifique.

Derrière Louis Burton est revenu comme une balle et me parait être le favori pour jouer la quatrième place. Son bateau, vainqueur aux mains de Le Cleac’h en 2016 devrait bientôt pouvoir exprimer son plein potentiel ; à condition bien sûr que ses multiples avaries (drisse de grand-voile, pilote automatique, voiles déchirées) ne viennent de nouveau l’obliger à ralentir ou s’arrêter pour réparer.

Parmi les autres membres de ce groupe, il est difficile de dégager une hiérarchie, on sent le roi Jean un peu fatigué, moins incisif sur ces trajectoires, et un peu moins rapide que lors de la descente de l’Atlantique. Mais je ne doute pas que son expérience va parler dans l’emballage final et il faut bien se garder de l’enterrer. Benjamin Dutreux qui fait lui aussi une course de dingue est aussi clairement un prétendant au top 5. Enfin, parmi les trois foilers du groupe, Herrmann et Pedote devraient pouvoir accélérer une fois dans l’alizé, ce sera un peu plus dur pour Joschke qui, suite à la rupture de son vérin de quille navigue avec cet appendice dans l’axe ce qui est très pénalisant.

Les cap horniers 

Yannick Bestaven, a franchi samedi dernier le mythique Cap en tête de la course après cinquante-cinq jours de mer. Loin, bien loin du temps de référence de Armel Le Cleac’h en 2016. Mais l’important n’est pas là, le Cap Horn marque la sortie des mers du Sud. Il indique le retour dans l’océan Atlantique, un retour « à la civilisation », un retour dans des latitudes moins hostiles, un retour à la vie après plus d’un mois loin de toute forme de vie, loin de toute terre habitée.

C’est cela qui rend ce caillou mythique, au-delà de son historique meurtrier (ndlr : le Cap Horn fût au dix-neuvième siècle un point de passage meurtrier pour les navires marchands qui l’affrontaient vent debout pour rejoindre les Indes).

Dans le monde de la voile moderne, être Cap Hornier signifie avoir vaincu les mers du sud. Passer ce cap en solitaire est une forme de consécration. Il ne faut d’ailleurs pas oublier que seul Vincent Riou, en 2004, remporta le Vendée Globe sans franchir en premier le Cap Horn.

Derrière lui, 12 concurrents se sont succédés dans un intervalle record de quatre jours. Du jamais vu ! Ils ont tous évoqué leur soulagement, leur fierté, leur joie, émotion lors de leur passage. C’est aussi un moment où chaque skipper fait le bilan de son passage dans les mers australes, s’étonnant tour à tour de ce que leur bateau et eux-mêmes sont parvenus à endurer pour en arriver là.

Certains ont pu le voir de près, d’autres pas, mais tous ceux-là ont basculé en Atlantique. Ils pointent désormais leurs étraves vers le nord, ils ont changé de mode, passant de la survie à la course, des grandes dépressions et des vagues gigantesques aux anticyclones et la mer courte de l’Atlantique sud, du froid humide et perçant à la chaleur étouffante.

Le dernier grand cap de cette circumnavigation est derrière eux, il leur reste néanmoins plus de 8000 milles à parcourir et deux océans à traverser du Sud au nord, pour presque 1 mois de course. Rien n’est joué, mais le plus dur est derrière eux, place à la course, place au sprint final.

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J’ai beaucoup navigué avec et aussi contre Romain. C’est un marin aguerri, mais aussi et surtout un vrai bon mec. Il est marrant, intelligent et simple, dans le bon sens du terme. J’adore sa manière de communiquer depuis le début de la course. Il ne se cache pas, il dit ce qu’il pense, parle de ses loupés, de ses peurs, ses doutes, partage ses craintes et ses joies. C’est un régal de le suivre. Il y a quelques jours lors d’une vacation, on lui demandait s'il avait enfin compris « ce qu’il foutait là », pourquoi il avait voulu retourner dans les mers du sud ?

Sa réponse : « ça y est je crois que j’ai enfin compris, j’ai compris pourquoi on voulait y revenir alors qu’au moment même où je vous parle je me pose la question. C’est parce que, pour avancer pour survivre dans ces contrées-là il faut faire corps avec son bateau les éléments, être connecté avec la nature. Quand on est là on est vivant, on est complètement dans le moment présent. Je crois que c’est ça que l’on vient rechercher et qui nous manque une fois rentré. »

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Les deux avaries majeures qu’ont subies Isabelle Joschke et Pipe Hare. Ces deux marins naviguent à un niveau de fou depuis le départ, et c’est leur machine qui dépose les armes avant elles, nul doute qu’elle trouveront les ressources pour aller au bout de l’aventure. Mais leur classement ne reflètera pas l’étendue de leurs performances respectives.

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