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Antoine de Caunes : "Canal+ ? Une proposition de télévision différente" (1/2)

Antoine De Caunes. [M.Bruno Canal+]

Canal+ fête ses 30 ans à partir du 31 octobre. Présent sur la chaîne au moment de son lancement, et aujourd’hui présentateur du Grand Journal, Antoine de Caunes connaît mieux que quiconque ce qui fait sa particularité. Entretien.

 

Quel regard portez-vous sur les 30 ans de Canal+ ?

C’est comme tous les anniversaires. Ça me réjouit et ça m’émeut à la fois. Parce ce que ce sont des marqueurs sur le temps qui passe, un signe que l’horloge biologique est en route et qu’elle s’affole un peu. Et en même temps, c’est assez joyeux parce que c’est agréable de voir qu’une chaîne comme ça a réussi non seulement à survivre, mais aussi à s’installer au point de devenir quasi-institutionnelle, ou en tout cas quelque chose d’important dans la culture française.

 

Qu’est-ce que Canal+ a apporté au PAF pendant ces années ?

Je crois que, dès le départ, cela a été une proposition de télévision différente de ce qui se pratiquait jusqu’alors. Aujourd’hui, ce n’est plus du tout le même paysage qu’en 1984. Mais cette année-là, quand cette chaîne démarre, il y a très peu de chaînes de télévision. Une télévision assez classique, académique et formatée – avec toujours des exceptions qui confirment la règle – mais le tableau d’ensemble reste classique.

L’ambition de 1984 était de proposer quelque chose de différent. C’est toute une bande de gens qui ont une trentaine d’années, en moyenne – moi-même j’avais 30 ans le jour du lancement de la chaîne – et qui ont tous en commun d’avoir grandi pendant les trente glorieuses, d’avoir été abreuvés par cette pop-culture, ce mélange de cinéma, de littérature, de musique, etc. On avait tous les mêmes référents comme on dit aujourd’hui. Et on a aussi tous grandit en regardant la télévision anglo-saxonne, les late-show américain, les Saturday Night Live, la télévision anglaise, etc. donc avec l’envie de faire quelque chose de différent de ce qui se faisait à l’époque. J’ai l’impression que la permanence entre 1984 et aujourd’hui, c’est cette différence.

 

Qu’est-ce qui a le plus changé entre aujourd’hui et maintenant ?

C’est plus facile pour moi de repérer ce qui est toujours là. Car ce qui a changé, c’est le monde, la société française. On n’est plus du tout dans le même univers mental que dans les années 1980. On n’est pas dans le même univers économique, environnement télévisuel non plus avec la multiplication des chaînes. Le trait d’union qui reste entre les deux, c’est, de mon point de vue, le fait de travailler sur une chaîne où rien ne peut me faire rougir sur la grille des programmes.

Quand je la vois, il n’y a rien que je trouve un peu gênant, où je me dis que ça m’emmerderait d’être sur la même chaîne qu’un programme de téléréalité. J’ai le sentiment d’être sur une chaîne où il y a une ligne éditoriale qui se tient. Il y a surtout un ton et une humeur qui restent, à mon sens, différents et originaux. Et qui se retrouvent dans tous les programmes, que ce soient les historiques du type Groland, Les Guignols, ou Le Supplément de Maïtena Biraben, Le Tube de Daphné Bürki. Pour moi, il y a entre eux une ligne tendue et cohérente.

 

Vous arrive-t-il d’être nostalgique des débuts de la chaîne ?

Non, car je ne suis pas nostalgique. Je n’ai pas du tout de penchant pour la nostalgie. Il m’arrive d’être mélancolique – mais cela est très différent – mais la nostalgie, non. D’abord parce que je la trouve vaine et improductive. C’est regretter quelque chose qui a été mais ne sera plus. Je suis comme les hamsters dans leur cage, je suis dans le moment présent, et éventuellement dans le moment qui suit. Mais ce qui m’intéresse, c’est ce que je fais en ce moment. Et en même temps, je suis la somme des personnages que j’ai pu être auparavant.

Si vous me demandiez d’être aujourd’hui celui que j’ai été il y a 30 ans, vous seriez le premier à m’en faire le reproche. À me dire : « Mais ce n’est pas possible, tu ne vas pas faire Bozo toute ta vie ». Et il n’y a rien de plus triste que les vieux clowns vieillissants. J’éprouve autant de plaisir aujourd’hui à essayer de trouver le lien entre tous ces personnages, à donner une unité à l’émission que je présente (Le Grand Journal, ndlr), c’est-à-dire à m’intéresser aussi bien au problème politique du jour qu’aux témoignages du moment, que de proposer du divertissement en fin d’émission, et à passer le relai à tous ces jeunes gens, les Jérôme Niel, les Poulpe, les Pablo Mira du Gorafi. Voilà.

J’aime être et m’amuser avec eux. Pour moi, le plaisir est là aujourd’hui.

 

Philippe Gildas trouve qu’il y a moins de liberté aujourd’hui à l’antenne. Quel est votre opinion ?

Pour moi, c’est vraiment difficile de comparer. Une fois de plus, nous ne sommes pas dans le même moment, la même société qu’il y a 25 ans. On a beaucoup perdu en insouciance. C’est une période assez tendue. Les gens sont inquiets. Il n’y a pas de travail. On est en plein cœur d’une crise économique qui touche à peu près tout le monde. L’insouciance et la légèreté ne sont pas les vertus cardinales du moment.

On est une chaîne de télévision qui, avec d’autres, sont aussi un peu le reflet de l’air du temps. Et on essaie d’anticiper et de faire un pas en avant pour essayer de dégager les tendances, anticiper plutôt que suivre. Mais je ne sais si cela se traduit en termes de liberté. À l’époque de Nulle part Ailleurs, nous étions encouragés par nos patrons à s’amuser avec l’outil. Aujourd’hui, on s’amuse avec de manière différente.

J’ai l’impression très honnêtement qu’on continue à essayer de pousser les murs dans tous les sens pour échapper au formatage et au cadrage. C’est un exercice qui est difficile parce que tout ce qui s’est développé autour de nous – je ne dirais pas qu’on a inspiré toute la télévision – mais à l’époque nous étions le seul talk-show à réaliser cet exercice, et aujourd’hui, il y a partout des émissions avec des gens autour d’une table en train de parler, de commenter l’actualité, et d’essayer d’être marrant. La marge de liberté s’est aussi réduite en fonction de ce qui nous entoure. Car aujourd’hui, il faut faire les choses autrement, continuer à inventer. Et honnêtement, ce n’est pas la liberté elle-même qui semble menacée là-dedans.

Même si c’est vrai qu’il faut faire gaffe à ce que l’on dit et que , il y a encore 25 ans, on pouvait faire des vannes sur à peu près tout, et que désormais, il faut faire attention si on ne veut pas que tel ou tel lobby ne vous tombe sur le coin de la gueule le lendemain matin. Ça m’est arrivé il n’y a pas longtemps avec les «gamers» après un propos déplacé sur l’utilité à passer beaucoup de temps à jouer aux jeux vidéo. Enfin bon. Disons que tout est pris très au sérieux maintenant.

 

Et puis l’information circule très rapidement avec les réseaux sociaux…

Elle est immédiatement relayée sur les réseaux sociaux, ce qui donne le sentiment d’être sans arrêt dans la ligne de mire d’un sniper vigilant. Donc c’est plus à cela qu’il faut attention.

 

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