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Antoine de Caunes : "Canal+ ? Une proposition de télévision différente" (2/2)

Antoine De Caunes. [M.Bruno Canal+]

Canal+ fête ses 30 ans à partir du 31 octobre. Présent sur la chaîne au moment de son lancement, et aujourd’hui présentateur du Grand Journal, Antoine de Caunes connaît mieux que quiconque ce qui fait sa particularité. Entretien.

 

Comment voyez-vous l’avenir de Canal+ à l’aube de l’apparition de nouvelles concurrences induites, notamment, par la présence de Netflix ?

Je ne suis pas un excellent visionnaire. Je ne sais même pas ce que je vais faire samedi prochain donc (rire). Mais pour le futur… il y a à la fois le fait que le monde bruisse de rumeurs et qu’on est toujours en train d’annoncer la fin de quelque chose. Moi qui aime la musique, et le rock en particulier, on m’annonce depuis 40 ans la mort du rock, ou la mort de telle forme de cinéma, etc. Et puis finalement, les choses survivent.

Il y a plein de nouveaux paramètres qui se mettent en place, notamment la consommation de l’image via internet qui file un coup de vieux à la consommation classique, à savoir être assis devant son écran télé. Aujourd’hui, ça passe par la tablette, ou d’autres écrans, et vous devenez plus maître de votre temps, vous regardez la TV comme vous le voulez. Et en même temps, quand j’entends que le temps moyen passé devant un écran de télévision a encore augmenté de 50 minutes par jour, il y a quelque chose qui m’échappe là-dedans. On m’annonce d’un côté que les gens regardent moins la télévision, mais qu’en fait ils la regardent beaucoup plus. C’est-à-dire que moins on est censé la regarder, plus on la regarde.

Donc c’est très difficile pour moi de tirer des prospectives à partir de cela. Je pense que la télévision telle qu’elle existe n’a pas fini d’exister telle qu’elle est.

 

Que répondez-vous à ceux qui qualifient Canal+ de chaîne pour bobos ?

Je n’ai jamais compris ce que cela voulait dire «bobos». On me l’a souvent expliqué comme étant la contraction de «bourgeois bohêmes». Moi j’ai grandi dans un monde où l’ennemi, c’était les «cocos». Déjà, on a gagné une lettre. Si on remonte encore, on va finir en «Ao». Il y a aussi les «zozos»… Honnêtement, je ne sais pas ce que cela veut dire. C’est une façon de résumer le monde à quoi ? Une bourgeoisie insouciante ?

 

Il semble qu’il y aurait l’idée que Canal+ serait une chaîne «parisianiste» qui se moque du français moyen…

Bon, alors cela voudrait dire qu’on se moque allégrement de millions d’abonnés, de famille, ce qui fait beaucoup de monde qui seraient soit très masochistes, soit indifférents, auquel cas je ne comprendrais pas pourquoi ils continueraient à s’abonner. Dire que c’est une chaîne parisienne, ça c’est certain, c’est un fait objectif puisqu’on n’est pas installé ni à Toulouse, ni à Bordeaux. Bien que j’aimerais bien qu’on s’installe à Trouville si vous me posiez la question (sourire).

Nous luttons tous les jours pour justement ne pas donner ce sentiment que nous sommes des « parigos » en train de commenter le monde et la société. Je fais mon possible pour avoir autant que possible sur le plateau du Grand Journal des invités pour venir témoigner de la réalité des choses, de la vie en France. On continue également de donner la parole aux politiques malgré le discrédit dont ils souffrent. Et je pense qu’il ne faut justement pas rejeter la politique. Il y a un danger énorme à avoir ce genre d’attitude. Il faut continuer à les écouter, il faut savoir comment les faire parler et comment les aborder. Et pour ce qui est du divertissement, on essaie de toucher tout le monde, ce qui permet de recevoir aussi bien Frank Gehry que Brad Pitt, ou Johnny Hallyday. On essaie vraiment d’en donner à tout le monde… mais avec une ligne éditoriale.

Après, c’est un peu comme si on faisait le reproche à Paris Match de faire trop de photos, ou à Vanity Fair d’être trop haut de gamme dans la presse. On essaie de faire plutôt du haut de gamme que du bas de gamme, tout en restant populaire. Car il y a un nombre gigantesque de gens qui nous font confiance et qui s’abonnent. Donc je trouve que c’est un faux procès. C’est un résumé un peu grossier et irrespectueux.

 

Avez-vous un souvenir particulièrement marquant à Canal+ ?

Oui, mais il y en a pleins. Le moment où il y a eu une émotion particulière, c’est évidemment le 4 novembre 1984 quand la première image apparaît sur l’écran et que vous assistez à cela. C’est comme la naissance d’un enfant, c’est très émouvant. Mes parents ont vécu la même chose en 1949 avec la naissance de l’ORTF. Il y a le sentiment de vivre un moment unique.

Après, entre les moments de délire pur sur Nulle Part Ailleurs, les Césars, les documentaires que j’ai pu faire. C’est un peu la somme de tout cela. Je cite toujours une émission, parce que pour moi, c’est la référence absolue, à l’époque de Nulle Part Ailleurs avec José (Garcia, ndlr) où on avait reçu Sharon Stone à Cannes. On avait traité très sérieusement son arrivée par la mer, une entrée en scène grandiose sur un yacht avec une musique pompeuse, des milliers personnes sur la Croisette en train de l’acclamer. J’allais la chercher, je l’emmenais sur le plateau. Après, elle est partie monter les marches du Festival.

Et à la fin de la même émission, avec José refaisant l’arrivée mais dans une pauvre barque toute pourrie en présidente du fan club de Sharon Stone, Simone Clone, une espèce de «cagole» atroce. Je me suis démerdé pour qu’il passe à la baille avant d’entrer sur le plateau. Sa robe devenue transparente soulignait une toison prononcée, avant de finir par se jeter dans le public, pour offrir ce que Sharon Stone n’avait pas offert à son public, à savoir un bain de foule. Il s’était fait tripoter comme un malade. Il y avait ce sentiment d’avoir bouclé la boucle. Dans la même émission, on avait traité l’information de la manière la plus sérieuse possible, avant de la détourner en temps réel.

Je sais que j’avais été très fier de ce coup-là. Mais c’est un exemple parmi tant d’autres.

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