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Rencontre avec Olivier Morin, animateur de Canal Esport Club

Olivier Morin anime Canal eSport Club sur Canal+Sport.[CANAL+/Maxime Bruno]

Spécialiste du sport électronique depuis une dizaine d’années, Olivier Morin anime depuis octobre dernier le Canal Esport Club, le premier magazine consacré à la discipline, sur Canal+ Sport.

Direct Matin en a profité pour s’entretenir avec ce passionné pour parler de l’émission, bien évidemment, mais aussi, et surtout, de ce qu’elle représente pour le monde de l’esport, de l’impact que peut avoir la médiatisation de la discipline, ainsi que de son évolution fulgurante ces dernières années. Bonne lecture.

Qu’est-ce que le Canal Esport Club ?

Le Canal Esport Club a vocation à informer tous les fans de compétitions de jeux vidéo de la même façon que Canal a pu le faire avec le Canal Football Club. Il est important de rappeler que le décodage du sport chez Canal+ a été fait avec de la vulgarisation, de la mise en image, du reportage, et des experts. L’idée est de reprendre ces mêmes codes de langage, mais adaptés à l’esport, à savoir les compétitions de jeux vidéo.

La seule grosse difficulté que nous rencontrons, c’est que dans l’esport, il y a énormément de jeux, et qu’il est donc très difficile de les vulgariser en gardant ce côté expert. C’est toute la contrainte que nous avons aujourd’hui : être capables de rentrer dans des discours de fond tout en restant accessibles au grand public.

A quel public s’adresse ce magazine justement ?

Je viens de ces communautés de joueurs qui ont un langage très singulier, et qui sont très identitaires. Il a donc fallu identifier ce que la télévision allait pouvoir apporter à ces joueurs qui ont l’habitude de se voir, et de vivre l’information, sur Internet. Il était donc primordial d’apporter un certain regard, soit en allant à la rencontre de gens qui sont en temps normal inaccessibles, soit avec des discussions sur des sujets et des débats qui n’ont pas trouvé leur place sur Internet.

Et en même temps, être capable de donner toutes les clefs de compréhension pour qu’un nouveau passionné de jeux vidéo ou un simple curieux puisse comprendre de quoi on parle. Résultat, dans l’émission, il y a des moments où on rend tout cela facile et tangible pour un public plus ouvert, et parfois, on parle plutôt à l’expert. Parce qu’on veut lui montrer que cette émission est aussi pour lui.

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Réussir à jouer sur les deux tableaux représente un travail colossal, à savoir être capable de parler au grand public tout en ne trahissant pas les experts…

Mais c’est possible parce que cela fait 10 ans que je fais cela. Je n’aurais jamais pu prétendre écrire une émission de qualité si je n’avais pas les clefs pour décoder. Et surtout, cela nous demanderait des heures de prise de tête pour trouver la bonne formulation. J’ai démarré les sports électroniques il y a plus de dix ans, et aujourd’hui, j’ai constitué une équipe éditoriale qui travaille avec moi, qui est passionnée, qui maîtrise ça, et a aidé à vulgariser le tout durant toutes ces années. La télévision est simplement une suite dans notre parcours.

Que symbolise le Canal Esport Club pour le monde de l’esport ?

Je n’aurais pas la prétention de dire que nous sommes inscrits dans un paysage. Car nous sommes en train de le faire. Il va probablement nous falloir entre 3 à 6 mois minimum pour être identifiés et que le rendez-vous s’installe. Le Canal Esport Club, avec sa mensuelle et son hebdomadaire de 5 minutes, a été identifié comme un magazine permettant de suivre l’essentiel de l’actualité. La qualité de la réalisation et de la production, et la profondeurs dans les sujets, font qu’il y a des discussions qui n’ont jamais eu lieu dans l’esport. On devient un peu les premiers à apporter du recul. Et une forme de densité à l'ensemble.

L’arrivée de l'esport à la télévision est-elle une bonne chose pour la discipline ? Sachant que la télévision offre moins de liberté qu’Internet…

J’ai écrit un article sur ce sujet, la médiatisation de l’esport et sur ce que la télévision va apporter. C’est-à-dire qu’il faut une tête de proue qui va être un catalyseur et permettre à l'esport d’accéder à une audience extrêmement large. Et la télévision est, malgré tout, encore utile pour fidéliser et permettre l’existence de cette figure de proue crédible et bien produite. Mais cet élan médiatique va forcément amener une torsion, une déformation, à cause notamment du format de la télévision qui est court, et qui ne permet pas toujours d’aller dans le détail, de rendre compte de la densité de la discipline. On va tordre la réalité du «gamer», et de l’esport, un petit peu. Donc la télévision, c’est bien parce que ça ouvre vers le grand public. Par contre, cela va forcément tordre une réalité.

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C'est pourquoi je pense qu’il est important de ne pas se lancer dans l’aventure exclusivement dans la télévision – et je suis ravi d’avoir eu tous ces échanges avec Canal+ sur la question en amont – mais avec une couverture globale qui permet d’avoir le Canal Esport Club à la fois en plateau de manière mensuelle, en format court et dynamique chaque semaine, mais aussi sur un site internet où il y a énormément d’articles avec beaucoup plus de densité. C’est comme si tous les sujets vus dans l’émission trouvaient une passerelle plus gourmande sur le site qui permet aux vrais fans de trouver le reste de l’information. On a également des réseaux sociaux pour faire vivre une communauté (Twitter et Facebook). Donc en soit, je pense qu’il n’y a que dans ce cadre-là que la télévision peut prendre son sens. La télévision seule, cela ne marcherait pas. Par contre, la télévision inscrite dans le digital, ça marche.

Un mot sur vos chroniqueurs. Qui sont-ils ?

Tout dépend de l’actualité. Il y a une actualité qui touche jusqu’à 8 à 10 jeux différents, et il est important d’avoir en plateau les intervenants les plus à même d’apporter leur regard d’experts, de challenger nos invités, ou d’aller dénicher des infos dont la communauté aurait besoin. Il faut également que la communauté les reconnaisse comme leurs ambassadeurs. Plus les sujets sont variés dans l’émission et plus on va devoir faire tourner nos chroniqueurs.

A quel moment a explosé l’esport, et vous attendiez-vous à une telle évolution ?

Je pense qu’on a franchi une étape avec League of Legends. C’est le dénominateur commun qui a inscrit la réussite de l’esport au niveau planétaire et qui a mis tout le monde d’accord. Cela a intéressé les médias. League of Legends est le premier jeu à avoir accumulé des millions de joueurs et des millions de téléspectateurs.

A quand cela remonte-t-il ?

En ce qui concerne le boom médiatique, je dirais trois ou quatre ans. La première saison a eu lieu en 2010. Et très vite, le phénomène a pris de l’ampleur, les images ont commencé à faire le tour du monde.

Vous vous doutiez, il y a dix ans, que cela prendrait une telle tournure ?

Naïvement, je pensais que ça n’intéresserait jamais la télévision, et donc que ça resterait sur Internet en raison de son caractère trop spécifique. Et je découvre finalement que le mouvement a pris plus d’ampleur que ce que j’imaginais. Et que l’effet implacable, quand tu as du succès, c’est que le monde commercial se jette sur une discipline qui est en mouvement, qui a de l’attractivité et qui sait comment séduire les jeunes. Personne n’imaginait que ça prendrait de telles dimensions.

Canal Esport Club : la mensuelle, ce 25 novembre à 22h45, et l’hebdo, chaque samedi à 14h20, sur Canal+ Sport.

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