En direct
A suivre

Réforme des retraites : quand le 49.3 pourrait-il être dégainé par le gouvernement ?

C’est une petite musique qui se fait de plus en plus insistante et qui pourrait bien éclater comme une rengaine dans les toutes prochaines heures. Alors que les débats portant sur la réforme des retraites sont englués à l'Assemblée nationale, le gouvernement se préparerait bien à recourir au 49.3, et cela dès cette semaine qui s'ouvre. L'opposition, elle, s'insurge.

Qualifié parfois «d'arme nucléaire législative», l'article 49 alinéa 3 de la Constitution permet au gouvernement de faire adopter un projet de loi sans passer par le vote des parlementaires.

Concrètement, c'est le Premier ministre, Edouard Philippe actuellement, qui enclenche ce mécanisme après délibération du Conseil des ministres.

Une possible mise en oeuvre dès ce mercredi

Sauf changement de calendrier, celui-ci doit se réunir, comme il est de coutume, ce mercredi matin au palais de l'Elysée. Quoi qu'il en soit les Français doivent s'attendre «à un 49.3 dès cette semaine», a d'ores et déjà fait savoir un poids lourd de la majorité sous couvert de l'anonymat, cité ce dimanche dans le JDD.

Avant cette échéance, et à en croire toujours le Journal du dimanche, le sujet sera de toute façon dès ce lundi au menu d'une rencontre entre Emmanuel Macron et Edouard Philippe, avant de revenir sur la table mardi lors du petit déjeuner des dirigeants de la majorité puis à l'occasion de la réunion de groupe La République en marche (LREM) à l'Assemblée.

Mettre fin à l'obstruction parlementaire

But à peine voilé de l'exécutif : mettre fin à l'obstruction parlementaire de l'opposition, France Insoumise (LFI) en tête, après les 41.000 amendements déposés la semaine dernière au palais Bourbon, en réaction au controversé projet de loi retraites.

Alors que le texte est débattu en séance publique depuis le 17 février, les députés ont adopté samedi - après six jours de débats - seulement les deux premiers amendements relatifs aux aidants familiaux et au handicap.

Ce dimanche, il en restait donc encore plus de 34.500 à examiner, alors que les députés s'apprêtaient à siéger lors d'une séance dominicale exceptionnelle. Impossible dans ces conditions de voir le texte adopté avant les municipales, comme le souhaite la majorité.

Face au «blocage» de l'opposition, le «49.3 va devenir inévitable» a ainsi prévenu sur franceinfo Jean-Baptiste Moreau, député LREM de la Creuse, sans être démenti.

Mercredi dernier, Olivier Véran, le nouveau ministre de la Santé avait lui aussi donné le ton en indiquant que le recours au 49.3 n'était pas «l'option envisagée» par le gouvernement, sans l'exclure totalement. Une parole similaire qui avait ensuite eu cours les jours suivants parmi de nombreux ministres et députés marcheurs.

Gagner la bataille de l'opinion publique

«Une manière de préparer l'opinion publique», a d'ailleurs reconnu samedi un député macroniste cité par le Monde, mais qui va alors poser au moins deux enjeux.

Pour l'opposition comme pour la majorité, le premier va d'abord consister à gagner la bataille de l'opinion publique. 

La République en Marche l'assure, c'est la gauche qui, en faisant du «sabotage parlementaire», pousse le gouvernement à se servir du 49.3 pour, ensuite, mieux dénoncer un «passage en force».

L’opposition, elle, s’insurge déjà d’un «déni de démocratie», selon les mots de l'insoumis en chef Jean-Luc Mélenchon, qui dénonce aussi «la brutalité» et «l’autoritarisme» des troupes macronistes. 

Alors que 72 % des Français désapprouvent la réforme, selon un sondage BVA publié vendredi, la stratégie du 49.3 pourrait donc s'avérer risquée pour la majorité. Du moins à première vue. 

Pour Frédéric Dabi, directeur général adjoint de l'institut de sondage Ifop, les choses ne sont en effet pas si simples. «Il n'y a pas vraiment de risque politique, car l'absence de dialogue et d'écoute est déjà très fortement ancrée dans la perception de ce pouvoir par les Français», a-t-il affirmé dans les colonnes de l'Opinion.

Convaincre les macronistes indécis

Mal vécu par la population, le recours au 49.3 pourrait aussi creuser davantage le fossé entre l'exécutif et une partie de la majorité.

Alors que quatre députés de l’aile gauche de LREM et deux élus apparentés ont indiqué «ne pas vouloir du 49.3», dans une tribune publiée vendredi sur le site du Monde, le deuxième enjeu va consister pour le gouvernement à convaincre les indécis du bien-fondé d'une manœuvre considérée comme «l'arme ultime».

Et le sujet est d'autant plus sensible que les effectifs du groupe LREM et apparentés à l'Assemblée nationale n'ont cessé de fondre ces dernières semaines.

Il est, à ce jour, constitué de 300 membres, contre 314 en 2017 (en comptant le président de l'Assemblée, Richard Ferrand), alors que la majorité absolue est de 289 sièges. 

Une motion de censure pas exclue

Une fois l'article 49.3 enclenché, le projet de loi retraites pourrait enfin se heurter à une motion de censure dans les vingt-quatre heures qui suivent.

Une possibilité prévue dans la Constitution et une idée qui avait déjà été émise par la gauche lors des débats en commission spéciale et qui n'est pas non plus totalement abandonnée par le Rassemblement national.

La France Insoumise compte par ailleurs remettre les retraites sur le devant de la scène politique et médiatique le 26 mars prochain à l'occasion d'une niche parlementaire qui, exceptionnellement, va leur permettre d'imposer, le temps d'une journée, leurs sujets à l'ordre du jour des députés.

À suivre aussi

Ailleurs sur le web

Dernières actualités