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Aïssa Maïga : «Le travail des soignants doit être valorisé», selon l'actrice à l'affiche du film «Quand tu seras grand»

À l'affiche ce mercredi de «Quand tu seras grand», Aïssa Maïga incarne une animatrice pour enfants qui découvre le quotidien d'un Ehpad. A cette occasion, l'actrice nous parle d'humanité, de vieillesse et des bienfaits du «vivre ensemble».

Après le drame «Les chatouilles», sorti en 2018 et récompensé de deux César, les réalisateurs Andréa Bescond et Éric Métayer reviennent au cinéma, ce mercredi 26 avril, avec «Quand tu seras grand», une comédie dramatique pétrie d'humanité et pleine d'espoir, dans laquelle Aïssa Maïga donne la réplique à Vincent Macaigne. 

L'actrice y joue le rôle d'Aude, une animatrice pour enfants débordant d'énergie et profondément optimiste, qui, après la fermeture du réfectoire du collège pour cause de travaux, doit accompagner chaque midi le groupe d'élèves dont elle s'occupe dans la maison de retraite voisine. C'est là, au milieu de cet Ehpad, que deux générations vont cohabiter et partager les repas, au grand dam de Yannick, un aide-soignant qui malgré sa bonne humeur contagieuse, peine à tout gérer au quotidien par manque de moyens. 

En quoi ce scénario vous a-t-il intéressé ?

Aïssa Maïga : J’aime les films choraux dans lesquels les personnages qui sont censés être secondaires, se révèlent soudainement. «Quand tu seras grand» est une œuvre qui reflète la vie, qui parle du spectre de l’humain. On suit les personnages dans toutes leurs émotions. Je suis rentrée dans cet Ehpad et j’y ai rencontré une communauté de gens. Des enfants qui ont chacun leurs rêves et leurs tragédies personnelles, et des anciens qui ont pour certains choisi d’être en maison de retraite, ou qui sont, au contraire, isolés de leurs familles. Avec Vincent (Macaigne), nos personnages sont totalement dédiés à leur travail, mais sont obligés de sortir de leur zone de confort quand les enfants et les aïeux doivent cohabiter dans ce lieu unique. Cette interaction entre deux générations, c’est le cycle de la vie. Il faudrait mutiplier ces rencontres au quotidien. 

Andréa Bescond et Éric Métayer expliquent qu’ils se sont inspirés des Atsem (agents territoriaux spécialisés des écoles maternelles) de l’établissement scolaire de leurs enfants pour construire le personnage d’Aude, que vous incarnez à l’écran. Comment pourriez-vous décrire cette femme ?

Aude a choisi d’être là, et n’est pas devenue Atsem parce qu’elle a raté ses études. Elle a à cœur d’être avec les enfants, de les accompagner, de leur donner de l’écoute et de l’énergie. Dans sa vie personnelle, cette femme souffre de solitude, mais ne s’apitoie jamais sur son sort. 

La société est devenue très individualiste. Mais on ne peut pas vivre les uns sans les autres.

Pendant le tournage, j’ai été animée par la dynamique collective. Un esprit de troupe qui a participé à construire mon personnage pour lequel je me suis également inspirée de personnes issues de mon cercle familial ou amical.

Alors que le fonctionnement des Ehpad a été largement décrié ces derniers mois, que pensez-vous de la manière dont on s'occupe des personnes âgées en France ?

Si je suis Française, je suis aussi Africaine (elle est née à Dakar d'une mère sénégalaise et d'un père malien, ndlr). Chez nous, on ne laisse pas les personnes âgées de côté. J’ai été élevée dans une culture où les gens attendent d’être vieux avec impatience. Ils savent qu’ils vont être respectés comme jamais et qu’ils vont atteindre l’âge de la rétribution. Les anciens récoltent le fruit d’une vie souvent passée à s’occuper des autres. J’ai des tantes et des oncles que j’appelle les «vieux», ils adorent ce terme et ce qu’il représente. J’essaie toujours de me souvenir d’où je viens. Nos aînés sont des personnes âgées à part entière.  

Comme le souligne les réalisateurs, la vieillesse, à l’instar de l’enfance, est un maillon oublié de notre société occidentale…

Il n’y a pas de place pour la fragilité. Si le film montre des gens heureux d’être en Ehpad et en adéquation avec leurs choix, il met aussi en lumière des femmes et des hommes qui n’ont parfois pour seule interaction sociale que les aidants et les pensionnaires. La société est devenue très individualiste. Mais on ne peut pas vivre les uns sans les autres. Le personnel soignant et les aidants jouent un rôle primordial, et cette réalité nous a éclatés au visage pendant le confinement.

Ce sont des professions mal payées, qui manquent de reconnaissance et disposent de moins en moins de moyens. J’ai notamment un profond respect pour les éducateurs spécialisés, métier qu’exerce ma cousine et qui est figurante dans le film. Ils aident au développement des jeunes qu’ils suivent parfois pendant de nombreuses années. Cela requiert un incroyable don de soi, de la patience, de la pédagogie et un important accompagnement psychologique. En toute logique, on devrait tous se mettre d’accord pour que ces métiers soient valorisés.

Selon vous, le milieu du cinéma est-il parfois déconnecté des préoccupations actuelles, de cette réalité que l’on se doit de regarder et que le film dénonce de manière frontale, oscillant entre rire et émotion ?

On a une forme de responsabilité, que l’on fasse du pur divertissement ou des films très conscients. On n’exerce pas un travail qui est voué à rester dans un cercle circonscrit. Il est fait pour être vu. Il ne faut jamais oublier l’importance des images et la manière dont elles façonnent les esprits et l’imaginaire.

Actrice, vous avez également réalisé les documentaires «Regard noir» et «Marcher sur l’eau», sortis tous deux en 2021. Où en êtes-vous de votre projet sur votre père, journaliste malien et proche du président burkinabé Thomas Sankara, qui fut assassiné alors que vous n’étiez encore qu’une enfant ?

Je reviens de huit mois de tournage. Ce projet, j’y réfléchis depuis deux ou trois ans. L’année prochaine, cela fera quarante ans que mon père est mort. C’est une durée à la fois abyssale, vertigineuse, et complètement abstraite. Je souhaite rendre hommage à mon père, mais aussi à cette génération d’intellectuels qui ont œuvré pour la libération du continent africain, pour la liberté des femmes, pour le respect des droits de l’enfant ou de l’environnement. Ce sont des sujets qui sont encore tellement vivaces aujourd’hui. Ces êtres ont été décimés et n’ont pas eu la reconnaissance qu’ils méritaient. C’est important que j’apporte ma pierre à cet édifice à la fois mémoriel et patrimonial.

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