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Jean-Pierre Garrigues : "La tauromachie, une bulle malsaine"

Le torero espagnol Jose Tomas, à la feria de Pentecôte de Nîmes, le 15 septembre.[PASCAL GUYOT / AFP]

Pour certains c’est un art quasi traditionnel, pour d’autres, la corrida n’est que cruauté. Jean-Pierre Garrigues fait partie de ces derniers. Président du comité radical anticorrida (Crac), il livre ses arguments à la veille d’une décision historique du Conseil constitutionnel. Les sages diront si oui ou non, la corrida peut continuer en France.

 

Quelle sera, selon vous, la décision du Conseil constitutionnel ?

Depuis cet été, nous échangeons nos arguments par mémoire écrit interposé. Je pense que nous avons d’ores et déjà gagné cette bataille. Donc si le conseil constitutionnel apporte une réponse juridique, nous gagnerons. Mais si la décision est politique, il n’y a qu’à voir le soutien de Manuel Valls à la corrida, nous allons perdre.

 

En quoi la corrida pourrait-elle être illégale ?

En transmettant la requête au Conseil constitutionnel, le Conseil d’Etat a considéré que la question était sérieuse et que la loi posait problème. Concrètement, l’alinéa 7 de l’article 521-1 du Code pénal coupe le pays en deux ; il rompt avec l’égalité des citoyens devant la loi. Ce texte permet, sur 10% du territoire, de torturer veaux, vachettes, taureaux en toute légalité à cause de l’exception corrida.
Par ailleurs, si un torrero exerce à Paris ou à Strasbourg, il sera puni de 2 ans de prison et 30 000 euros d’amende.

 

Au-delà de ce point juridique, pourquoi voulez-vous l’interdiction de la corrida ?

Cette même loi rappelle que la corrida représente des sévices et des actes de cruauté. Il est hors de question de torturer des animaux pour s’amuser. L’être humain s’abaisse quand il va voir ces spectacles où l’on châtie des taureaux.
Et quand j’entends dire que ce serait une tradition, permettez-moi de relever un paradoxe. La corrida vient d’Espagne, et même dans ce pays, ce n’est pas inscrit à leur patrimoine culturel.

 

Certains font le parallèle avec la chasse. Dans les deux cas, c’est un loisir qui se termine par la mort d’un animal. Qu’en pensez-vous ?

A moins de tomber sur un chasseur sadique –il doit y en avoir je ne le nie pas- l’objectif n’est pas de faire souffrir l’animal ; qui plus est, de manière codifiée et pendant une vingtaine de minutes. De plus, le chasseur ne demande pas à un public de l’applaudir pour ce qu’il fait…
La psychiatre Martine Danaux (elle exerce à Béziers, ndlr) affirme que « les arènes sont le lieux du sadisme autorisé ». Cette expression est très vraie.

 

Vous êtes déjà allé dans une arène. N’y a-t-il pas un coté esthétique dans la corrida ?

Personnellement, je ne vois pas où est l’esthétisme à voir une telle cruauté. C’est le dernier argument des aficionados. En parlant de l’esthétisme, ils s’empêchent de penser à l’animal qui souffre. Les amateurs de corrida sont dans une bulle malsaine qui nie la sensibilité du taureau. Il a pourtant le même système nerveux que nous.

 

Iriez-vous jusqu’à dire que la souffrance de l’animal est comparable à celle de l’homme ?

Bien sûr, je ne mets pas les deux au même niveau. Mais je trouve qu’en France, nous avons tendance à mettre l’être humain sur un piédestal. Tout cela est très lié aux idées que Descartes a développées. Elles ont fait beaucoup de dégâts. Avec ses expériences, il a développé le concept d’animal-machine. C’était un barbare.

 

Et que répondez-vous à ceux qui assurent qu’avec «la fin des corridas, la race des taureaux de combat disparaîtrait» ?

Sur cette temporada française 2012 (la saison s’achèvera dans quelques semaines, ndlr), 85% des taureaux sont espagnols ou portugais. Par ailleurs, dans les élevages français de taureaux de combat dits taureaux bravo, entre 80 et 90% vont directement à l’abattoir, sans passer par les arènes. La corrida, c’est simplement une cerise sur le gâteau pour les éleveurs. Donc si l’on interdit la corrida, il n’y aura pas de péril pour cette race. Il y a une chose sur laquelle nous sommes d’accord : ces taureaux sont de superbes animaux. Alors laissons les grandir en paix dans les grands espaces ; on pourra alors refaire des safaris pour les admirer.

 

Dernier argument des villes taurines, les corridas seraient vitales pour leur économie. Les commerçants nîmois annoncent même la fin des férias s’il n’y a plus de corridas…

La tauromachie, c’est le mensonge permanent. Nous faire croire que ce serait une part importante de l’économie, c’est un renversement de la réalité. En vérité, c’est un spectacle presque toujours déficitaire que les collectivités locales sont obligées de subventionner. Quant au mélange féria-corrida, il est fait pour toucher la corde sensible des commerçants locaux. Mais si on compare les fréquentations des deux, on se rend compte que moins de 5% des visiteurs de férias se rendent aux corridas. Par ailleurs, de nombreux tour-opérators du nord de l’Europe boudent les férias du sud de la France à cause des corridas.

 

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