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La semaine de Philippe Labro : le Centre sous l'eau, le central débordé

Blois, dans le Loir-et-Cher, fait face à des inondations inquiétantes.[GUILLAUME SOUVANT / AFP]

Philippe Labro est écrivain, cinéaste et journaliste. Chaque vendredi, pour Direct Matin, il commente ce qu'il a vu, vécu et observé pendant la semaine. Un bloc-notes subjectif et libre.

LUNDI 30 MAI

Quand il pleut en mai, il pleut à Roland-Garros. Il y avait, ce jour-là, quelque chose de triste à voir ces sièges mouillés, ces bâches porteuses de flaques, ces quelques fous d’illusions qui, malgré le constant rideau de pluie sur leurs ponchos, leurs parapluies, leurs bonnets de laine ou leurs casquettes en toile, attendaient avec le vain espoir que ça s’arrête : «On va jouer !» Ils étaient de moins en moins nombreux à mesure que la pluie leur dictait sa loi. On finit par annoncer que les matchs ne reprendraient plus, mais plus du tout, ce jour-là, et les derniers irréductibles quittèrent les lieux. Alors, tout devint vide, désolé et désolant, avec le départ de ces gens, certains venus de province, qui avaient fait d’une journée à Roland-Garros, leur jour d’évasion, leur certitude de n’avoir au moins pour une fois, d’autre préoccupation que celle de la victoire de leur favori, d’autre plaisir que celui du spectacle. Les couleurs vert et orange qui dominent l’environnement de «Roland» passèrent au gris. Tout était gris. L’éternelle réflexion «à quand un toit protecteur ?» surgit, plus lancinante que jamais. Les autres grands tournois peuvent tous déployer un toit quand il pleut : Wimbledon, Open d’Australie, US Open, mais en France, non. Et l’on déborda sur cette sempiternelle constatation : nous sommes en retard, nous ne parvenons pas à nous moderniser. Nous ne sortons pas du gris.

LES 31 MAI, 1er et 2 JUIN

En toutes choses, il faut savoir relativiser et comparer. La tristesse grise d’un stade en manque de lumière et d’euphorie n’est rien, strictement rien, face à ce qui s’est passé et se passe encore dans les villes et les villages inondés dans le centre de la France. Une inondation, comme un incendie, signifie un bouleversement de votre foyer, la disparition partielle de ce qui constitue «la vie normale» (expression utilisée par le ministre de l’Intérieur), routine quotidienne, des habitudes, des souvenirs, le rythme régulier et rassurant des allées et venues, la perte des repères, la désorganisation de ce qui fait le tissu d’une vie de tous les jours. Au concert modeste, à la musique à peine perceptible des petits bonheurs sans éclat, a succédé un déferlement diluvien, la cruelle et banale réalité de la nature.

JEUDI 2 JUIN

Cet Euro 2016 auquel on a déjà consacré tant d’espace médiatique, il serait préférable, pour le moral d’un pays en proie au gris, de l’attendre et de le vivre comme un événement souriant. Ce serait très agréable de n’avoir pas à se soucier du bon déroulement des fan-zones ; de n’avoir pas à s’alarmer sur les séries de blessures qui, peu à peu, handicapent ces Bleus, dont on ne sait plus ce que l’on peut en espérer ou attendre ; de ne pas s’arrêter trop longtemps sur le nouveau débat, lancé par Cantona, renforcé et amplifié par Benzema, à propos de «choix racistes» – bref, de ne voir dans le foot que le simple théâtre de vingt-deux athlètes se disputant un ballon rond. Seulement, voilà : depuis déjà bien longtemps, le football est sorti de la rubrique sport. Il occupe les rubriques «société», «politique», «économi­e», il fait souvent l’ouverture des JT, la une de la presse, on lui consacre sans doute trop de temps et d’attention – mais c’est ainsi. Il s’est fait autour de ce sport, qui n’est plus un sport mais un business et un spectacle, un phénomène de concentration d’intérêts et de polémiques, sur lequel, là encore, il serait sage de relativiser.

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