En direct
A suivre

La semaine de Philippe Labro : le bonheur sur scène, la séquence du malheur

[AFP]

Philippe Labro est écrivain, cinéaste et journaliste. Chaque vendredi, pour CNEWS, il commente ce qu'il a vu, vécu et observé pendant la semaine. Un bloc-notes subjectif et libre.

mardi 22 juin

Retour au théâtre des Champs-Elysées, pour la première fois depuis la levée des restrictions. Quel bonheur, quel plaisir de retrouver les gestes, les lieux, les rites du spectacle vivant ! A l’entrée, le remarquable directeur du lieu, Michel Franck, effectue lui-même le contrôle du QR code sur votre portable, avec un sourire, celui qu’ont, sans doute, à la même heure dans Paris, les responsables des autres salles.

Il y a comme une atmosphère de sourde gaieté, de satisfaction. On croise des visages familiers, de celles et ceux qui raffolent du concert, toutes et tous masqués, bien sûr, mais peu importe, on est venu écouter de la musique, en direct. On joue, ce soir-là,  La Sonnambula, ce chef-d’œuvre de Bellini (1801-1835), le petit génie d’un opéra (celui-ci est son septième) vivace, rythmé, aux mélodies pures et romantiques, nostalgiques, simples en apparence, mais ciselées et inspirées. Afin de respecter les distances, on a ouvert la fosse de l’orchestre. En bas, c’eût été trop serré, les musiciens auraient été trop rapprochés. Les avoir installés au niveau du parterre change tout : on les voit mieux, on les entend mieux, le son est «plus aéré», comme l’écrit notre confrère du Figaro, Christian Merlin. C’est sans doute le seul bénéfice apporté par la crise du Covid.

Et puis, surtout, il y a la soprano qui interprète le rôle principal, Pretty Yende. C’est une Noire sud-africaine d’une grande beauté, pleine de grâce, de charme et de talent. Elle a déjà une vraie carrière derrière elle. A 36 ans, à Vienne, à New York, sur bien d’autres scènes, l’artiste a connu des «ovations debout» (je ne me résoudrai jamais à écrire «standing ovation» !). A l’instant des saluts sur scène, lorsqu’elle apparaît après les autres interprètes, Pretty s’est agenouillée pour remercier les déferlantes d’applaudissements qui se succédaient, et nous l’avons vue, alors, baisser la tête pour dissimuler ses larmes. Nous apprendrions un peu plus tard qu’elle avait été, à son arrivée à l’aéroport Roissy-Charles-de-Gaulle, «traitée comme une criminelle, déshabillée, fouillée, placée dans une cellule», selon ses termes, pour un contrôle de visa manquant. D’après la jeune femme, qui a raconté cet incident sur Instagram et Facebook, la manière dont les autorités douanières l’ont traitée a été inadmissible. Du côté des policiers, une «source» au sein de la police aux frontières a contesté cette version des faits. «Contrôle normal, comme tout ressortissant étranger» qui n’est pas en règle. Pretty Yende a, depuis, atténué ses accusations mais confirmé que son visa était bien valable. A chacun sa vérité. Je ne veux retenir que ses larmes, à 22h45, sur la scène d’un TCE revenu à la vie – symbole de ce retour général à la culture, qui nous est «essentielle».

mercredi 23 juin

Une femme est morte à Paris après avoir été violemment renversée par une trottinette. Elle était serveuse dans un restaurant italien du 6e arrondissement. Elle marchait tranquillement le long des voies sur berge, près de l’île de la Cité. Elle avait 31 ans. Miriam a été tuée par deux jeunes femmes perchées sur cet engin de mort. Elles ont pris la fuite. Ce sont des criminelles, et cette histoire est révoltante. La «trottinettomania» est telle que, très vite, on va étouffer l’affaire pour nous expliquer que «le partage de l’espace public parisien est un sujet complexe».

Cette langue de bois est inacceptable. Les réactions ont été multiples. Le plus odieux, dans ce fait divers, aura été le délit de fuite des deux inconscientes, qui ont été interpellées depuis. J’espère qu’elles seront sévèrement jugées. Mais rien ne pourra faire revenir la jolie Miriam, venue de Toscane pour vivre dans notre «Ville lumière», où elle n’a finalement trouvé que le noir absolu et fatal. Saluons ces deux femmes : Pretty Yende, «contrôlée» à Roissy, et Miriam, «exécutée» sur les bords de la Seine. 

À suivre aussi

Ailleurs sur le web

Dernières actualités