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Le référendum d'initiative partagée, une «usine à gaz» à réformer ?

Conseil constitutionnel Le Conseil constitutionnel n'a validé qu'un seul RIP, celui «visant à affirmer le caractère de service public national de l’exploitation des aérodromes de Paris» en 2019. [BERTRAND GUAY / AFP]

Alors que le Conseil constitutionnel examine ce mercredi 3 mai le second référendum d'initiative partagée (RIP) soumis par la gauche pour contrer la réforme des retraites, de nombreuses voix appellent à repenser un dispositif vu comme trop complexe.

Encore un (maigre) espoir pour les opposants à la réforme des retraites. Ce mercredi, le Conseil constitutionnel rend son avis sur le second référendum d'initiative partagée (RIP) proposé par la gauche.

Le premier RIP, déposé le 20 mars pour limiter l'âge de départ à 62 ans, avait été rejeté par le Conseil constitutionnel. Les Sages avaient considéré qu'il n'emportait pas de changement du droit car au moment de la saisine, l'âge légal de départ à la retraite était toujours fixé à 62 ans (la réforme portant cet âge à 64 ans n'a été promulguée que le 14 avril).

Ce second RIP, déposé le 13 avril pour anticiper l'échec du premier, crée un deuxième article qui assure le financement du système des retraites en relevant le taux de la CSG à 19,2% sur certains revenus. Pensée comme une roue de secours, cette disposition est censée apporter au texte cette notion de «réforme» qui faisait défaut dans le premier RIP.

Mais cet article pourrait lui aussi être rejeté par les Sages. «Dans sa décision d'octobre 2022 invalidant le RIP sur les superprofits, le Conseil constitutionnel avait jugé que le simple fait de faire varier un impôt n'est pas en soi suffisant pour considérer qu'il s'agit d'une réforme», explique à CNEWS le professeur de droit public Benjamin Morel.

des RIP voués à l'échec ?

Alors que cette nouvelle tentative de RIP semble vouée à l'échec, de nombreuses voix s'élèvent pour réformer un dispositif jugé trop complexe. Nécessitant l'appui d'un cinquième des parlementaires et d'au moins un dixième des électeurs (soit environ 4,8 millions de personnes), le RIP est «une usine à gaz conçue pour ne jamais être utilisée», dénonce Benjamin Morel.

Outre la question du seuil de voix trop élevé, le spécialiste de la Constitution regrette que dans les textes, le RIP «ne doit pas avoir pour objet l’abrogation d’une disposition législative promulguée depuis moins d’un an». «C'est absurde car la plupart des RIP sont des "référendum veto" pour contrer un loi adoptée et contestée par le peuple», estime-t-il.

Dans une décision du 18 juin 2020, le Conseil constitutionnel a lui-même pointé une procédure «dissuasive et peu lisible pour les citoyens». Il estime que le nombre de soutiens à atteindre est «très élevé» et regrette que, «même dans le cas où ce nombre serait atteint, la tenue d'un référendum n'est qu'hypothétique (un examen du texte par les deux assemblées suffisant à mettre un terme à la procédure)». «Le parlement peut s'assoir sur l'avis de 4,8 millions d'électeurs, c'est une bombe à retardement démocratique», abonde Benjamin Morel.

Les Sages soulignent également «qu'il n'existe aucune disposition relative à l'organisation d'un débat public ou d'une campagne d'information audiovisuel» autour du RIP.

le groupe liot propose des solutions

Alors qu'aucun RIP n'a été adopté depuis son introduction dans la Constitution en 2008, et qu'un seul a passé le filtre du Conseil constitutionnel, le groupe de députés LIOT (Libertés, Indépendants, Outre-mer et Territoires) a déposé une proposition de loi constitutionnelle visant à faciliter le recours au référendum d’initiative partagée. 

Le texte propose d'«élargir le périmètre des référendums» pour qu'un référendum puisse avoir lieu «sur tout sujet qui intéresse une des grandes politiques de la Nation». Actuellement, seules l'organisation des pouvoirs publics, la politique économique, sociale et environnementale peuvent faire l'objet d'un référendum. Il propose aussi d'abaisser le seuil d'électeurs requis à un cinquantième des électeurs inscrits, au lieu d'un dixième.

Enfin, les députés LIOT entendent mettre fin au «véto» des parlementaires en obligeant que «le Président de la République soumette directement le texte au référendum dans un délai de six mois» après le recueil des signatures. Ces propositions seront examinées le 8 juin, date de la niche parlementaire du groupe LIOT.

Si elle paraît nécessaire à de nombreux élus, la réforme du RIP est elle-même incertaine car elle passe par une révision constitutionnelle qui nécessite l'appui des deux chambres, tempère Benjamin Morel. Pour le professeur de droit public, il est aussi possible de jouer sur la loi organique de 2013 qui porte sur l'application du RIP.

«On pourrait jouer sur les délais : passer de 9 à 18 mois pour la collecte des soutiens et diminuer de six mois à six jours le temps d'examen du RIP au parlement pour favoriser la tenue d'un référendum, propose l'universitaire. On pourrait aussi ouvrir davantage la collecte des voix qui se fait aujourd'hui uniquement par voix électronique». Des ajustements à la marge qui pourrait néanmoins rendre le RIP plus démocratique.

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