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La Tunisie désenchantée

De nombreux tunisiens sont descendus dans la rue ce dimanche pour fêter le septième anniversaire de la révolution et demander des comptes au gouvernement.

Malgré la chute de Ben Ali en 2011, la grogne reste vive dans une nation plongée en pleine cure d'austérité.

Les espoirs nés en 2011 semblent désormais bien loin. Alors que la Tunisie célébrait hier le septième anniversaire de sa révolution, la colère populaire est, elle, toujours intacte.

Une semaine après des heurts opposant des manifestants et des policiers dans plusieurs villes du pays, les rassemblements massifs organisés hier, sur l’emblématique avenue Bourguiba, à Tunis, illustrent l’insatisfaction des Tunisiens.

En cause ? La persistance des maux - pauvreté et chômage en tête- à l’origine de la chute du dictateur Ben Ali le 14 janvier 2011, après vingt-trois ans de règne sans partage.

Morosité économique et sociale

Dans l’ultime pays rescapé du Printemps arabe et des dérives autoritaires, le désenchantement est immense au sein de la population, qui a l’impression que la révolution lui a échappé. Alors qu’un sentiment de liberté est né, le peuple tunisien a vu son niveau de vie considérablement baissé.

Ainsi, le 17 décembre, 250 signataires, intellectuels et citoyens, ont estimé que «ce sont les groupes affairistes et mafieux» qui sont les «bénéficiaires du renversement de l’ancien régime», et non le peuple. C’est le vote du budget en décembre, prévoyant la hausse de la TVA et la création de nouvelles taxes sur certains produits alimentaires et sur l’essence, qui a mis le feu aux poudres.

C’est pourquoi les Tunisiens sont descendus dans la rue le 8 janvier, répondant à l’appel du mouvement «Fech Nestannew» («Qu’est-ce qu’on attend ?») pour demander plus de justice sociale.

«Ces mobilisations révèlent une colère portée par les mêmes qui s’étaient mobilisés en 2011 et n’ont rien obtenu comme droits économiques et sociaux», résume ainsi la politologue tunisienne Olfa Lamloum.

Mais, en sept ans, c’est la première fois que les émeutes entre policiers et manifestants atteignent une telle violence. L’un d’eux est mort lundi dernier, et 803 personnes ont été arrêtées. Ces arrestations jugées «arbitraires» ont été critiquées par les ONG comme Amnesty International.

Dans le même temps, la situation économique n’a cessé de se dégrader : le taux de chômage stagne à 15 % (un jeune sur trois est touché) et la dette publique avoisine pour 2017 les 70 % (contre 40 % en 2010).

De même, le tourisme, jadis moteur de l’économie, s’est effondré avec les attentats de 2015, et peine à redécoller.

Enfin, si le FMI soutient le pays avec 2,4 milliards d’euros versés en 2015, les mesures d’austérité négociées en échange passent mal.

Contenir la gronde

Contrairement à 2011, le pouvoir semble aujourd’hui prendre la mesure de la contestation, et veut donner des gages à la population.

«Le climat social et politique n’est pas bon», a ainsi admis avant-hier le président Béji Caïd Essebsi au palais de Carthage, avant d’annoncer une myriade de mesures.

Ce plan d’action, d’une valeur de 23,5 millions d’euros, prévoit une augmentation de 20% des allocations sociales et une «couverture médicale pour tous».

Autre signe apparent d’ouverture du pouvoir : la main tendue à l’opposition.

Ce week-end, Rached Ghannouchi, le leader d’Ennahdha - parti islamiste dont sont issus plusieurs ministres - a suggéré que le parti d’opposition de gauche, le Front populaire, rejoigne le gouvernement.

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