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Un ex-officier colombien raconte comment des militaires exécutaient des civils pour gonfler les chiffres de la guérilla

En marge de la guérilla, l'armée colombienne a tué plusieurs milliers d’innocents durant la première décennie des années 2000 pour faire croire à de meilleurs résultats.[LUIS RAMIREZ / AFP]

Abattre des civils pour les présenter comme des guérilleros. Un ancien major de l’armée colombienne a révélé l’effroyable pratique des militaires pour gonfler les résultats de la guerre menée contre les Farc et les narcotrafiquants, il y a plus de dix ans.

L’officier Gustavo Soto, à la tête du corps d’élite contre l’enlèvement et l’extorsion (Gaula) de mai 2006 à octobre 2007 dans le Casanare (nord-est du pays), a affirmé à l’AFP avoir appliqué une directive suggérée par sa hiérarchie de l’époque. «Ce n’est pas moi qui ai lancé ça (…). Les soldats savaient comment présenter les morts (…). L’ordre était de capturer, abattre et présenter comme mort au combat», a-t-il expliqué.

Lui-même a été témoin d’une de ces exécutions et avoue avoir fourni à ses hommes des armes qu’ils mettaient dans les mains de leurs victimes, pour les faire passer pour des combattants rebelles comme les Farc (Forces armées révolutionnaires de Colombie) ou des narcotrafiquants organisés en groupes paramilitaires (contre qui le gouvernement a lutté pendant plus de cinquante ans).

des permissions pour les soldats qui tiraient

«L’argent que je devais utiliser pour chercher des personnes enlevées, je m’en suis servi pour acheter des armes et payer de nombreux recruteurs» de civils, qui les suivaient en croyant obtenir un «petit boulot». Cinq jours de permission étaient ensuite accordés aux soldats qui appuyaient froidement sur la gâchette pour les abattre. Le major Soto en a eu le droit à 15, en 2007, car son unité faisait partie des dix meilleures.

Et pour cause. Au moment de prendre la tête de son unité, elle présentait 10 à 14 guérilleros abattus. Avec lui, le record de 83 a été atteint. «Parmi ces victimes, il y en a eu quatre ou cinq totalement légales, les autres étaient illégitimes», avoue-t-il.

L’officier a été arrêté par la justice peu de temps après. Il a été emprisonné jusqu’en 2018, avant d’être placé en liberté provisoire à la condition de comparaitre et témoigner devant la Juridiction spéciale de paix (JEP), qui doit juger militaires et anciens guérilleros, suite à l’accord conclu avec les Farc (aujourd’hui désarmées) en 2016.

Il pourra alors peut-être bénéficier d’une peine alternative aux 32 années de prison qu’il doit faire, pour enlèvement et homicide.

Plus de 2.200 dossiers devant la justice, l'Onu parle de 5.000 exécutions

Au total, le parquet a été saisi de 2.248 cas de «faux positifs», réalisés par plus de 200 unités de l’armée (les Nations unies parlent de leur côté de 5.000 exécutions). Six sur dix datent des années Alvaro Uribe, ancien président (2002-2010) redevenu sénateur, et qui nie toute responsabilité. Près de la moitié des victimes avaient entre 18 et 30 ans.

Vingt-neuf généraux sont visés par des enquêtes, dans lesquels plus de 2.000 militaires sont cités. Après s’être arrêtées à cause de l’épidémie de coronavirus, les comparutions devant la JEP ont repris le 4 mai dernier.

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