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Kosovo : pourquoi la situation sur place inquiète-t-elle la France ?

L'indépendance du Kosovo n'est pas reconnue par Belgrade, qui encourage la majorité serbe du nord du pays à défier l'autorité de Pristina. [Armend NIMANI / AFP]

La situation se dégrade entre la Serbie et le Kosovo, au point de susciter des réactions à l'international. La France a notamment fait part de son inquiétude et appelé les deux pays à «faire preuve de responsabilité».

La Serbie et le Kosovo doivent d'urgence «se réengager dans le dialogue», selon la France. Dans un communiqué publié lundi, le Quai d'Orsay s'est dit «très préoccupé» par le regain de tension observé entre les deux pays. Des échanges de tirs et des explosions ont eu lieu à la frontière, où des barricades ont également été érigées.

Le Kosovo est une ancienne province serbe qui a été le théâtre d'une guerre à la fin des années 1990, opposant l'armée yougoslave aux indépendantistes kosovars et dans laquelle s'est impliquée l'Otan. Le conflit s'est soldé par la proclamation d'indépendance du Kosovo en 2008, qui a été reconnue par les Etats-Unis et la majorité des pays de l'UE mais pas par Belgrade. Au contraire, cette dernière encourage la majorité serbe du nord du Kosovo à défier l'autorité de Pristina.

Dernièrement, les tensions se sont avivées au point que la France elle-même a appelé les deux parties «à la plus grande retenue et à faire preuve de responsabilité». Dans un communiqué, Paris a rappelé son soutien à la médiation européenne entre la Serbie et le Kosovo, jugée indispensable pour «progresser vers un accord global».

La France a condamné «tous les actes de violence sur le terrain» et notamment «l'attaque inacceptable contre la mission EULEX Kosovo» portée par l'Union européenne. Dimanche 11 décembre, la police de l'UE a en effet déclaré avoir été visée par une grenade assourdissante, en marge de protestations des Serbes du Kosovo.

Ces derniers représentent environ 120.000 personnes, sur une population kosovare totale de quelque 1,8 million d'individus très majoritairement d'origine albanaise. Dernièrement, la minorité serbe s'est notamment élevée contre la décision de remplacer des plaques minéralogiques automobiles serbes par d'autres, émises par la République du Kosovo.

En guise de protestation, les Serbes du Kosovo ont démissionné en masse des institutions kosovares. Des centaines de policiers, juges, procureurs et autres fonctionnaires ont quitté leur poste, ce qui a fragilisé l'Etat de droit et favorisé les conflits. Depuis, le Premier ministre kosovar, Albin Kurti, a accepté de reporter le remplacement des plaques minéralogiques, mais les démissionnaires serbes n'ont pas repris leurs fonctions.

Pire, les tensions se sont encore accrues après l'annonce par le Kosovo de la tenue d'élections locales le 18 décembre, au sein de municipalités à majorité serbe, dans le nord du pays. Le principal parti politique serbe a d'ailleurs immédiatement annoncé qu'il boycotterait ce scrutin.

Dans ce contexte explosif, les policiers kosovars albanais mobilisés pour combler le vide laissés par les démissionnaires serbes ont été la cible d'attaques. Vendredi 9 décembre, un véhicule de police a notamment été visé par les tirs «de personnes munies de fusils». Selon le ministère de l'Intérieur, un membre des forces de l'ordre a été blessé.

Le jour suivant, samedi, des centaines de Serbes du Kosovo ont érigé des barricades sur une route dans le nord du pays, bloquant le trafic à deux importants points de passage à la frontière avec la Serbie. D'après les médias locaux, ils protestaient contre l'arrestation d'un ancien policier d'origine ethnique serbe, soupçonné d'être impliqué dans les attaques récentes contre des patrouilles de police.

«Eviter l'escalade»

Ces dernières ont d'ailleurs été à nouveau plusieurs fois visées dans la soirée du samedi 10 décembre, au point que la présidente du Kosovo, Vjosa Osmani, a décidé de reporter les élections locales au 23 avril prochain, espérant ainsi apaiser les esprits. Mais des dizaines de protestataires étaient à nouveau réunis sur les barricades le lendemain, afin de paralyser le trafic. L'attaque contre la police de l'UE a eu lieu à ce moment-là, dans la nuit du 10 au 11 décembre.

La condamnation du chef de la diplomatie européenne, Josep Borrell, ne s'est pas fait attendre. Il a appelé les Serbes du Kosovo à retirer «immédiatement» leurs barricades et a appelé tous les protagonistes à «éviter l'escalade». «Le calme doit être rétabli», a-t-il écrit sur Twitter. L'attaque a également été jugée «inacceptable» par l'Otan, qui dispose d'une mission de 4.000 membres au Kosovo, sous mandat de l'ONU.

Le Kremlin a lui aussi réagi, lundi 12 décembre, au travers de la porte-parole de la diplomatie russe, Maria Zakharova. Estimant que «la situation glisse vers une confrontation ouverte aux conséquences déplorables», cette dernière s'est dite «alarmée». La Russie a appelé à régler les tensions entre la Serbie et le Kosovo par des «moyens diplomatiques»... avant de se ranger du côté de Belgrade, dont elle est un soutien historique.

Maria Zakharova a non seulement accusé Pristina d'avoir «pris le virage d'une répression plus dure contre les Serbes du Kosovo» en recourant «à la violence directe à motivation ethnique», mais a aussi fustigé ce qu'elle décrit comme une «connivence» de l'UE et des Etats-Unis avec les autorités du Kosovo.

Pour l'heure, les tensions ne semblent pas s'apaiser puisque le président serbe, Aleksandar Vucic, a dit qu'il demanderait aux forces de l'Otan de permettre le déploiement de policiers et de militaires serbes au Kosovo, même s'il n'y a «aucune chance de cette requête soit approuvée» selon lui. Le Premier ministre kosovar, Albin Kurti, a accusé la Serbie de «menacer le Kosovo d'une agression».

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