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Manga : pourquoi il faut (re)lire «Dragon Head»

Ce récit horrifique explore la nature humaine. [© Minetaro MOCHIZUKI / Kodansha Ltd.]

Sombre, violent, poisseux et sans compromis, «Dragon Head» a tout du manga choc. Edité au Japon durant les années 1990, il est devenu une œuvre culte, qui captivera à coups sûrs les fans de «The Walking Dead».

L'éditeur Pika a donc choisi de republier en cinq tomes ce travail de Minetarô Mochizuki, dans le cadre de sa collection Pika Graphic. Cet auteur japonais méconnu est cette année sous le feu des projecteurs. Récompensé par le prix de la meilleure série au festival d'Angoulême pour «Chiisakobe», il voit également une autre de ses œuvres «Tokyo Kaido» arriver dans nos contrées, toutes deux étant éditées par Le Lézard Noir.

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Le retour de «Dragon Head» dans les librairies s'inscrit donc dans une forme de découverte du travail de ce mangaka talentueux, dont les récits et le coup de crayon ont évolué de belle manière avec le temps. Lorsqu'en 1995, les premières planches de «Dragon Head» paraissent, celles-ci font l'effet d'un électrochoc aux lecteurs de Young Magazine, qui les pré-publie. Durant cinq ans et 89 chapitres, ils seront tenus en haleine par cette histoire terrifiante. Ce récit haletant nous propulse au cœur d'un sombre tunnel qui s'effondre à la suite d'un mystérieux cataclysme. La catastrophe éradique alors la quasi-totalité des passagers d'un TGV. Des décombres s'éveillent trois lycéens hagards (Teru, Ako et Nobuo), qui vont devoir survivre, coupés du monde...

A la lecture du premier tome du manga, les cases font immanquablement penser à l'œuvre de William Golding, «Sa Majesté des Mouches» (1954), ainsi qu'au chef d'œuvre controversé de Kazuo Umezu, «L'Ecole Emportée» (1972) (éd. Glénat), qui explorent la nature humaine et plus particulièrement celle des enfants, lorsqu'ils se retrouvent hors de tout cadre sociétal. En proie aux angoisses, les tempéraments de Teru, Nobuo et Ako, de «Dragon Head» nous montrent des êtres devenus irrationnels, prêts à s'entretuer pour s'en sortir. Toutefois, la force de Minetarô Mochizuki reste de ne pas tomber dans la caricature.

Je me demande toujours si ce que je fais est bien, si je fais les bons choix.Minetarô Mochizuki, dans une interview au magazine Atom

 

Les cases sont remplies d'un noir profond, amplifiant le sentiment d'isolation des personnages, qui se retrouvent seuls avec leurs tourments. Tous transpirent, beaucoup, dans les décombres où les corps de leurs camarades se décomposent. Leur malaise est donc palpable, d'autant que l'auteur multiplie les gros plans sur les regards de ses protagonistes piégés comme des rats. Mochizuki prend également un soin tout particulier à dessiner des décombres crédibles, autour de son monde apocalyptique. Une manie qui fait également penser au travail de Katsuhiro Otomo autour d'«Akira» (éd. Glénat), tout comme l'aspect poisseux développé par le maître.

«Dragon Head» est donc un incontournable pour les fans qui cherchent à composer une «mangathèque» idéale, ou pour ceux qui sont attachés aux histoires post-apocalyptiques sans concession, à l'instar de «The Walking Dead». Une œuvre précieuse que l'auteur a aujourd'hui dépassée, avec des récits moins sombres et plus délicats. Un point commun demeure : explorer d'autres facettes de la nature humaine. «Je me demande toujours si ce que je fais est bien, si je fais les bons choix. Je sais que je vais continuer à douter de moi et de mes choix dans le futur», avait-il confié lors d'une interview récente publiée par le magazine Atom.

 

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