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«Sausage Party»: un dessin-animé accusé de pornographie

L'équipe du film de Sausage Party, réalisé par Seth Rogen (a côté de la saucisse géante). [JAMIE MCCARTHY / GETTY IMAGES NORTH AMERICA / AFP]

Le tribunal administratif de Paris a étudié ce mardi la plainte de deux associations conservatrices, qui accusent le film d'animation «Sausage Party» de véhiculer des images pornographiques à destination du jeune public. 

Le film, sorti sur les écrans français il y a deux semaines, met en scène, sur un ton humoristique, des aliments dans un supermarché, dotés d'une conscience et capables de parler. Ils rêvent d'être sélectionnés par des humains qui les amèneront, croient-ils, au paradis. Ils se rendent rapidement compte, avec horreur, qu'ils seront en réalité dévorés. 

La salle d'audience n°3 du tribunal a ainsi été le théâtre de dialogues surréalistes entre la présidente et l'avocat des associations.

- «Maître, sauf erreur, la bande-annonce contient la scène très violente d'épluchage de légumes que vous venez d'évoquer».

- «Oui, mais pas celle de la partouze finale».

«La première comédie d'animation pour adultes»

«Sausage Party», interdit aux moins de 12 ans en France (aux mineurs aux Etats-Unis), a provoqué l'ire de l'association proche des catholiques traditionalistes Promouvoir (qui s'est déjà attaquée à la Vie d'Adèle, Antichrist ou encore Baise-moi), et d'Action pour la dignité humaine. On y trouve en effet des dialogues crus, des scènes à caractère sexuel (des saucisses «s'accouplant» avec des pains à hot dog, notamment), de la violence et des personnages font usage de drogue. 

Les associations réclament une reclassification en film interdit aux moins de 16 ans, ce qui requiert un retrait préalable du visa d'exploitation. Présenté comme «la première comédie d'animation pour adultes à l'humour particulièrement osé», le film réalisé par Greg Tiernan et Conrad Vernon, raconte la vie intime d'une intrépide saucisse et dans le rôle du méchant, d'une poire à lavement vaginale.

Il y a «urgence», selon l'avocat de Promouvoir, Me André Bonnet, «vu qu'il est déjà visible en salles et susceptible de créer un trouble chez le jeune public». Faux, rétorque Me Jacques Molinié l'avocat du ministère de la Culture: «Personne ne peut être confronté à un film contre sa volonté».

Ce qui choque et créé la confusion ? Le format, d'après ses détracteurs. «C'est un dessin animé qui prend volontairement le ton, les expressions de visage, les intonations de Pixar», le studio d'animation.

Les légumes en accusation

D'autant que, selon Me Bonnet, la bande-annonce «ne dit rien sur le véritable contenu du film». «Il s'agit d'une entreprise délibérée de toucher les plus jeunes, avec des images et des concepts qui ne sont pas adaptés à eux», s'insurge-t-il, allant jusqu'à parler d'une «question de civilisation et de protection de l'ensemble de la société».

«Oui, vous mettez en scène des légumes. Que peut-on reprocher à des légumes?» ironise-t-il. Mais «vous aurez très vite des films d'animation avec des scènes pornographiques».

Objet des attaques les plus virulentes, la «scène finale de partouze»: «une orgie sidérante entre scènes de fellation, de sodomisation (...) où l'on voit un paquet de corn-flakes - un objet assez corpulent - assénant des mouvements de va-et-vient brutaux et demandant 'tu aimes ça salope?'» .

Outre «la vulgarité et l'obscénité», l'avocate d'Action pour la dignité humaine pointe un «viol»: «On va tenter de relativiser, raille-t-elle, ce n'est qu'une brique de jus de fruits, on montre ça sous un jour très rigolo...»

«Un film un peu libertaire»

Et les associations de citer des extraits du film pour s'en indigner: «La poire vaginale cherche à tout prix un cul, car, nous dit-on, 'elle est faite pour ça'», «'Qu'est-ce que ça doit être bon de glisser la saucisse dans le pain!'».

En face, Me Molinié moque «la volonté de censure» de ses contradicteurs «à l'égard d'un film qui est un peu libertaire»: «L'un des buts du film est de critiquer sur un mode humoristique la société de consommation, la religion aussi en prend pour son grade, mais il ne s'agit pas d'inciter à la violence».

«Oui, le langage est cru mais regardez les protagonistes», «il n'y a pas de représentation de sexe, juste une activité sexuelle», le ton est celui «du grotesque, déjanté et permet de prendre de la distance, tout ce qui est montré n'est pas réaliste». Le tribunal rendra sa décision mercredi midi.

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