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Immobilier : épilogue heureux, 25 ans après un legs empoisonné à l'Institut de France

La villa Beau-Site à Nice le 5 février 2013 [Valery Hache / AFP] La villa Beau-Site à Nice le 5 février 2013 [Valery Hache / AFP]

Une harpiste, décédée en 1988 avait légué à l'Institut de France l'une des plus extravagantes villas de Nice surplombant la baie des Anges de sa tour dentelée et ses curieuses annexes troglodytes. Un cadeau patrimonial empoisonné, tombé en ruine puis revendu, mais enfin sur le point de retrouver son lustre d'antan grâce à un étranger fortuné.

La villa "Beau-Site", classée monument historique, devait rester ouverte au public pour des événements culturels comme des concerts, selon les voeux de sa propriétaire Gisèle Tissier, premier prix du conservatoire de Paris, amie du compositeur Gabriel Fauré et couturière de mode à Paris.

"Aujourd'hui, si un legs comptait un patrimoine immobilier lourd, nous hésiterions à l'accepter", confie Gabriel de Broglie, académicien et chancelier de l'Institut de France, navré par une histoire qui a mal tourné mais dont l'épilogue s'avère plutôt heureux.

La villa Beau-Site à Nice le 5 février 2013 [Valery Hache / AFP]
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La villa Beau-Site à Nice le 5 février 2013
 

Car vingt-cinq ans après la mort de Gisèle Tissier, l'Institut de France répond en partie à ses souhaits en présentant bientôt au public son exceptionnelle collection de 66 instruments anciens, dont 18 harpes.

Gabriel de Broglie vient de signer une convention de dépôt pour cinq ans avec la ville de Nice, qui abritera la deuxième collection de France dans un palais baroque. "Cela a été très long, mais c'est un merveilleux accomplissement", juge le chancelier.

L'Institut gère la fondation "Tissier-Grandpierre", dotée de 50.000 euros par an, utilisés pour décerner un prix et des subventions dans le domaine de la musique, et restaurer les instruments de Gisèle Grandpierre et de son mari aquarelliste et architecte Paul Tissier.

La harpiste nonagénaire avait laissé l'usufruit de sa propriété à un jeune locataire, devenu ami et gardien. La propriété devient dès lors l'objet de procès entre l'occupant et l'Institut de France.

"La situation s'est dégradée, l'homme s'enfermait dans la villa, il laissait les sculptures antiques tomber les unes après les autres", résume le chancelier. Un arrêt de péril sera enfin prononcé entraînant l'interdiction d'y habiter.

L'Institut de France a pour vocation d'abriter des fondations qui doivent chacune s'autofinancer. Or "l'entretien de patrimoine immobilier de prestige ne génère pas son propre équilibre" et nécessite des mécènes, relève-t-il.

"Nous avons eu une période faste au début du 20ème siècle avec le legs de patrimoines immobiliers importants, mais ce courant s'est tari", retrace l'académicien, en citant d'abord le château de Chantilly et sa collection de peintures anciennes. Sur la Côte d'Azur, l'Institut veille sur la Villa Ephrussi de Rothschild et la Villa grecque Kérylos, confiées à un gestionnaire privé.

Il préfère ne pas s'appesantir sur deux décennies de dégradation de la villa Beau-site, une exception.

Faute de moyens, la villa sera revendue à un marchand de biens qui souhaitait la diviser... Avant d'être heureusement cédée à une seule famille allemande, installée à Monaco, capable de consacrer des millions d'euros à sa restauration. Les lieux seront donc privés, mais sauvés.

L'architecte niçois Philippe Mialon espère démarrer prochainement les travaux, en embauchant quelque 600 artisans spécialisés. Face à un navrant délabrement qui s'accentue, "le temps presse" pour ce sauvetage dans le respect des techniques de la fin du 19ème siècle et du début du 20ème siècle.

La maison principale avec ses immenses baies vitrées offrant une vue époustouflante sur la Méditerranée, une loggia de colonnes corinthiennes et un salon de musique raffiné, paré de fresques murales et d'un plafond à caissons de bois, résume le style éclectique de sa reconstruction vers 1890 par un architecte niçois réputé, Sébastien Marcel Biasini.

Plus intrigantes sont les annexes pour invités construites vers 1910 et empreintes d'un grain de folie: "L'isba", cabanon russe avec une structure en béton imitant à merveille des rondins de bois, et "Les Roches", maison à l'apparence troglodyte, avec ses fenêtres irrégulières taillées dans la pierre. Sans oublier un jardin classé, baroque et insouciant, délimité par des allées de rocailles, peuplé de grottes cachées et de promontoires romanesques.

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