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Le choix de BDSphère : dans les pas de Camus

[Jacques Ferrandez / gallimard / Fétiché]

Jacques Ferrandez s’attaque à un monument de la littérature française en adaptant le célèbre roman d’Albert Camus. Au plus près du texte original, le dessinateur excelle à retranscrire le drame de Meursault, le héros indifférent aux autres et à lui-même de L’étranger.

« Aujourd’hui, Maman est morte. Ou peut-être hier, je ne sais pas ». La bande dessinée commence comme le roman. Par une chaude journée, Meursault s’est assoupi à bord de l’autobus qu’il a pris pour rejoindre à Marengo, à 80 kilomètres d’Alger, l’asile de vieillards où sa mère, placée trois ans auparavant parce qu’il ne pouvait pas subvenir à ses besoins, vient de décéder.

Sur place, d’abord face au directeur de l’établissement, puis devant le cercueil dans la chambre mortuaire, où il apprécie le café que lui offre le concierge et n’hésite pas à griller une cigarette pendant la veillée, enfin pendant l’enterrement le lendemain, Meurseault semble totalement indifférent. La mort de sa mère ne lui tire pas une larme.

Cette attitude lui sera reprochée plus tard lorsqu’il comparaîtra devant les assises pour avoir commis un acte irréparable. Pour tous ceux qui l’approchent, son patron, ses rares amis et même Marie Cardona, sa jeune maîtresse, avec laquelle il a entamé une liaison au lendemain même de la mort de sa mère, Meursault passe pour un être insensible, froid et résigné. C’est que le jeune homme, qui refuse les conventions sociales et les convenances, ne sait pas mentir. Etranger aux autres, il l’est aussi à lui-même, ce qui l’amène à assister détaché et désabusé à son procès et à sa condamnation à mort.

Jacques Ferrandez s’attaque à un monument de la littérature française en adaptant le célèbre roman d’Albert Camus. Natif comme lui du quartier populaire de Belcourt à Alger, le dessinateur a su retranscrire au plus près du texte original les thèmes chers à l’écrivain : la mer et le soleil de son Algérie natale, mais également l’absurdité d’une vie dont il pressentait qu’elle serait brève.

La peine de mort aussi. Meusault est condamné à la peine capitale, non pas parce qu’il a tué un homme, mais parce qu’il n’a pas pleuré à l’enterrement de sa mère. Jacques Ferrandez n’a pas son pareil pour restituer cette Algérie coloniale de la fin des années trente si bien décrite par Camus. Son adaptation en bande dessinée respecte la structure même du roman en deux parties : l’existence simple et sans histoire d’un petit employé de bureau dont la vie bascule avec le meurtre d’un jeune Arabe sur une plage.

Aux pages solaires et lumineuses du début succèdent donc des planches plus sombres et plus sourdes lorsque le personnage est confronté au procès et à la prison. Reprenant une technique déjà utilisée pour son adaptation de L’hôte, une nouvelle de Camus également, Jacques Ferrandez travaille sur des doubles pages où les vignettes dialoguées propres au récit viennent s’incruster sur des grandes aquarelles de paysages ou de décors plus intimistes, à la manière de ce qu’il nous proposait déjà dans ses sublimes Carnets d’Orient. Une très belle façon de redécouvrir l’une des œuvres majeures d’Albert Camus dont on célèbre cette année le centenaire de sa naissance.

 

L’étranger, Jacques Ferrandez d’après l’œuvre d’Albert Camus, Gallimard, 136 pages, 22 euros.

 

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