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Inde : un baiser homosexuel au cinéma

Une personne installe l'annonce de la projection du film "Bombay Talkies", le 3 mai 2013 devant un cinéma de Bombay [Indranil Mukherjee / AFP/Archives] Une personne installe l'annonce de la projection du film "Bombay Talkies", le 3 mai 2013 devant un cinéma de Bombay [Indranil Mukherjee / AFP/Archives]

Le film "Bombay Talkies" fera date pour sa sortie sur les écrans indiens à l'occasion du 100e anniversaire de Bollywood mais pas seulement: c'est l'un des rares films grand public à montrer un baiser homosexuel, dans une société encore très conservatrice.

Egalement diffusé au festival de Cannes, où la Palme d'Or a récompensé un film français sur un amour lesbien, "Bombay Talkies" réunit quatre courts métrages de réalisateurs de renom inspirés de l'amour que l'Inde voue au septième art et de l'impact du cinéma sur la vie des gens.

Dans l'un des court-métrages, le réalisateur Karan Johar filme un baiser entre un jeune homme et le mari de sa meilleure amie, dans le cadre d'une exploration de l'identité sexuelle et de la discorde conjugale.

Si de telles scènes auraient pu autrefois susciter des huées dans les petits cinémas indiens, où le public commente parfois à voix haute les faits et gestes des personnages, le baiser a au contraire été accueilli par des applaudissements, selon un défenseur des droits des homosexuels, Nitin Karani.

"C'est une réaction positive qui pourrait signifier que la société est plus disposée aux histoires homosexuelles que les producteurs de films", estime-t-il.

L'un des acteurs jouant la scène du baiser est un "sex symbol" du cinéma indien, Randeep Hooda, et grâce à ce choix-là, "le film fait plus vite voler en éclats les stéréotypes", juge Nitin Karani.

Dans l'un des autres court-métrages, la réalisatrice Zoya Akhtar, filme de son côté un jeune garçon explorant sa part de féminité en imitant et s'habillant comme Katrina Kaif, une héroïne de Bollywood.

"Bombay Talkies était un film important pour Karan et Zoya parce qu'il était présenté pour les 100 ans du cinéma indien. Alors évoquer des sujets de sexualité était méritoire", souligne Nitin Karani.

A Bollywood, (B pour Bombay), l'homosexualité a longtemps été ignorée ou dépeinte de façon caricaturale.

L'acteur indien Randeep Hooda, le 26 avril 2013 à Bombay [ / AFP/Archives]
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L'acteur indien Randeep Hooda, le 26 avril 2013 à Bombay
 

"Le cinéma grand public en hindi dépeint souvent les homosexuels comme des hommes efféminés qui en font des tonnes et prêtent à rire", estime le réalisateur Onir, qui se présente sous ce seul nom.

"Lorsqu'ils ne sont pas stéréotypés comme ça, ils sont montrés comme des briseurs de couples", analyse-t-il, soulignant que même "Bombay Talkies" montre "l'homosexuel en train de faire du gringue au mari de sa meilleure amie".

Le film d'Onir, "Mon frère... Nikhil" (2005) avait été salué par la critique pour avoir raconté l'histoire d'amour d'un gay et le problème du sida à la fois avec maturité et sensibilité, des qualités qui restent souvent confinées au champ documentaire et au cinéma indépendant.

Mais les films alternatifs commencent à gagner du terrain sur les grosses productions. Le quatrième "festival international Kashish Mumbai du film queer", à Bombay, s'est tenu récemment pour la première fois dans un cinéma grand public.

Les organisateurs avaient sélectionné 132 films de 40 pays, dont 18 d'Inde, évoquant des thèmes lesbiens, gays, bisexuels et transgenres (LGBT).

Les chiffres de fréquentation ne sont pas encore connus pour cette édition mais le festival avait rassemblé l'an dernier un millier de personnes, dont un tiers n'était pas LGBT, selon le directeur du festival, Sridhar Rangayan.

En dépit du succès du festival, Rangayan, qui a lui-même fait des films liés à l'homosexualité, estime que ces sujets restent encore très peu explorés, même après 100 ans de cinéma.

La réalisatrice indienne Zoya Akhtar, le 29 avril 2013 à Bombay [ / AFP/Archives]
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La réalisatrice indienne Zoya Akhtar, le 29 avril 2013 à Bombay
 

L'homosexualité reste un sujet tabou en Inde en dépit de la dépénalisation en 2009 des relations homosexuelles, une décision de justice qui s'était heurtée à une vive opposition.

De rares films grand public ont eu du succès en abordant ces thèmes, comme "Honeymoon Travels Pvt Ltd", une comédie dramatique sur six couples en voyage de noces, dont deux nouveaux mariés attirés l'un par l'autre.

Le film de Deepa Mehta "Fire", sorti en 1996, qui montrait une relation lesbienne entre deux belles-soeurs, avait été retiré des écrans après des manifestations de groupes hindous d'extrême-droite.

Pour Vajir Singh, le rédacteur en chef du magazine professionnel Box Office, il va falloir encore du temps pour que la société conservatrice indienne accueille sereinement de tels thèmes.

"Ces sujets n'ont pas le soutien de grands acteurs pour jouer les rôles. Ce sont en général des nouveaux venus ou des acteurs moins connus", souligne-t-il.

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