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Tarzan, un mythe universel

Couverture de Tarzan et l'empire oublié d'Edgar Rice Burroughs[CC/cdrummbks]

«Qui serais-je si j’avais grandi seul, coupé des hommes, dans un lieu perdu, loin de tout ?» Rares sont ceux qui ne se sont pas posé cette question un jour. Sans l’éducation et la culture, serions-nous des mammifères comme les autres, sinon bien plus faibles et inadaptés ? De la légende de Romulus et Remus – les fondateurs de Rome élevés par une louve – aux aventures de Mowgli, cette question n’a cessé de hanter l’humanité. Au XXe siècle, l’histoire de Tarzan fut sans doute la transcription la plus populaire de cette interrogation universelle. Des anthropologues au grand public, ce personnage né au début du siècle dernier a fasciné les générations.

 

Archives – Article publié le mardi 16 juin 2009

 

Succès populaire

«Moi, Tarzan ! Toi, Jane !». Avant d’être un sujet de dissertation anthropologique ou philosophique, Tarzan reste avant tout l’histoire d’un formidable succès culturel. A telle enseigne que pour le commun des mortels, en rappeler l’origine tient de la gageure. Un roman ? Un film ? Un dessin animé ? Un «comics» américain ? Difficile de définir précisément l’origine de Tarzan tant il est devenu une figure mythique.

Quelques clichés : l’homme de la jungle s’est attiré l’affection d’une guenon nommée Cheeta, il rencontrera un jour une femme nommée Jane Parker, il se déplace dans la forêt vierge de liane en liane, rivalisant en agilité avec les singes. Et surtout, il pousse un cri inimitable, à la fois vulnérable et terrorisant.

 

Vidéo : Johnny Weissmuller dans Tarzan

 

 

Rien de faux dans ce portrait, qui pourtant n’a plus grand-chose de commun avec le «premier Tarzan», celui de l’Américain Edgar Rice Burroughs. Né en 1875 à Chicago, il est le père légitime de Tarzan, dont il raconte les premières aventures en 1912 dans Tarzan of the Apes, traduit en français en 1926 (Tarzan chez les singes) aux éditions Fayard. A partir de 1918, il livrera une aventure inédite de Tarzan à un rythme quasi annuel, tandis que l’industrie du cinéma s’est déjà emparée du personnage. L’auteur déplorera la grande distorsion entre «son» Tarzan et les adaptations qui en sont faites au cinéma. Egalement connu pour ses œuvres de science-fiction, comme le Cycle de Mars, Edgar Rice Burroughs meurt en 1950.

Aucune Cheeta dans son œuvre, ni de Jane. Ces deux personnages clés sont apparus ultérieurement, au fur et à mesure des innombrables adaptations des aventures de l’homme-singe au cinéma. Car c’est bien le septième art qui fit de Tarzan un héros international. Le septième art certes, et surtout Johnny Weissmuller, repéré par la Metro Goldwyn Mayer, qui l’incarne à partir de 1932 et lui fait pousser son premier cri après 14 ans d’aventures silencieuses au cinéma muet où s’illustrèrent les premiers interprètes de Tarzan.

 

Vidéo : Tarzan contre les nazis

 

 

Avant de devenir l’idole des sales obscures, Johnny Weissmuller – qui avait quitté, enfant, l’Autriche-Hongrie – fut un immense champion. Premier nageur à passer en dessous de la minute au 100 m nage libre en 1922, il cumula records du monde et médailles d’or au cours de sa carrière sportive. Il incarna Tarzan à partir de 1932, et ce, à douze reprises. Il fut le héros d’une série B, Jungle Jim, jusqu’au milieu des années 1950. Johnny Weissmuller est mort en 1984, à l’âge de 79 ans.

 

Industrie culturelle

Bien loin du personnage dont les vingt-six romans d’Edgar Rice Burroughs racontent les aventures, «Tarzan- Weismuller» rencontre Jane, recueille un enfant, part à New York, combat les nazis, adopte Cheeta... Tarzan a définitivement échappé à son créateur, comme il échappera ensuite a Weissmuller. En 1948, il tire sa révérence en incarnant une dernière fois Tarzan sur grand écran, à l’occasion d’une confrontation avec des sirènes.

Le personnage continuera une carrière au cinéma, mis en scène et joué par une succession de personnalités. Ses aventures sont déclinées en BD, dès 1936, avec le dessinateur Burne Hogarth tandis que de nouveaux romanciers prennent la relève d’Edgar Rice Burroughs.

Le petit écran n’est pas en reste, proposant la première adaptation des aventures de Tarzan à la télévision en 1966, tandis que le dessin animé trouve avec ces aventures un support rêvé pour enchanter les plus jeunes. Et l’on ne compte plus les produits dérivés, figurines, dessins animés (les studios Disney en produisirent une version dans les années 1990), pastiches (comme La Honte de la jungle, réalisé par Picha, et George de la jungle, en 1997), chansons (le mythique « Tarzan Boy » de Baltimora en 1985) et autres films X, inspirés par ce personnage.

 

Vidéo : La Honte de la jungle, une parodie scabreuse du mythe de Tarzan

 

 

À  ce jour, l’adaptation la plus fameuse est celle que livra Hugh Hudson en 1984, Greystoke, avec Christophe Lambert – le compagnon de Sophie Marceau – dans le rôle de Tarzan. Salué par la critique, ce film, qui est peut-être l’une des plus fidèles à l’œuvre d’Edgar Rice Burroughs, explore notamment les origines aristocratiques de Tarzan. L’actrice américaine Andie MacDowell y interprète le rôle de Jane.

L’aventure continue, preuve du génie de l’industrie des loisirs Made in USA, s’inspirant des mythes universels pour les rendre toujours plus proches du public, quitte à faire disparaître la création originale sous la pression du public.

 

Vidéo : Bande-annonce de Greystoke

 

 

L’homme seul face à la nature : Un sujet d’inspiration inépuisable

De Robinson Crusoé, perdu dans l’île déserte imaginée par Daniel Defoe en 1719, à Tom Hanks perdu lui aussi sur un îlot isolé dans le film Seul au monde (2000), la thématique de l’Occidental perdu dans une contrée hostile et sans âme a inspiré des générations d’artistes.  A telle enseigne que cet exercice littéraire puis cinématographique est devenu un style à part entière : les robinsonnades dont certaines œuvres ont fait date. Du Robinson Suisse de Johann David Wyss (1812) au fameux Vendredi où la vie sauvage, de Michel Tournier (1971), bien connu du jeune public français.

 

Vidéo : Tom Hanks apprend à faire du feu dans Seul au monde Robert Zemeckis

 

 

Nostalgie ou critique de la civilisation, réflexion sur la vulnérabilité et la sociabilité de l’homme: tels sont quelques-uns des thèmes abordés par les œuvres de ce genre qui sont souvent des romans haletants. Le thème de l’île ou de la contrée perdue est en effet un cadre idéal pour nourrir l’inspiration romanesque mais aussi la réflexion philosophique. C’est encore à la suite d’un naufrage que Gulliver aboutit dans une île peuplée de Lilliputiens, dans le roman de Jonathan Swift (1721) qui dénonce au passage certains des travers de son époque. Mais à la différence de Tarzan, tous ces héros connaissent la contrée d’où ils sont issus.

 

Vidéo : Le Livre de la Jungle, vu par Disney : « Il en faut peu pour être heureux »

 

 

D’où viens-je ? Cette question, Tarzan se l’est sans doute posée en accédant au stade de la conscience. Mais un autre petit homme de la jungle, Mowgli, l’avait précédé. Sorti de l’imagination de Rudyard Kipling, ce héros du Livre de la jungle (1894), élevé par un ours, un python, une panthère et un loup, préfigure Tarzan par bien des aspects, même si Burroughs affirma toute sa vie qu’il n’avait pas lu ses aventures lorsqu’il rédigea celles de Tarzan.

Plus près de nous, le cinéaste François Truffaut s’est inspiré d’une histoire vraie, celle de Victor de l’Aveyron, pour raconter l’histoire de L’enfant sauvage (1970). De même Werner Herzog a puisé dans la vie d’une jeune enfant pour tourner L’énigme de Kaspar Hauser en 1974.

 

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