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Les 10 romans les plus marquants des années 2010

Que retenir de cette décennie côté romans ? On fait le point années 2010 Que retenir de cette décennie côté romans ? On fait le point années 2010 [JOEL SAGET / AFP]

En dix ans, des milliers de titres ont défilé sur les étals des libraires. Quels romans retiendra-t-on ? Rien de plus subjectif et de nombreux textes ne font malheureusement pas partie de cette liste. Chacun dans son style, et que l'on aime ou pas, ces dix livres ont marqué la décennie 2010.

«Au revoir là-haut», de Pierre Lemaître

Envoyés au front, Albert, un employé modeste, et Edouard, un artiste prometteur devenu «gueule cassée», ont tout perdu. Rassemblés par le destin, ces deux anciens poilus exclus d'une société qui glorifie les morts mais oublie les rescapés, montent ensemble une gigantesque escroquerie.

Bardé de prix, et notamment le célèbre Prix Goncourt 2013, «Au revoir là-haut» dépasse le phénomène littéraire du moment. En livrant un véritable récit picaresque à partir des décombres de la Grande Guerre, Pierre Lemaître signe un véritable manifeste humaniste et entre par là-même dans deux types de salles : celles, obscures, avec l'adaptation éponyme au cinéma par Albert Dupontel et les salles de classe, le livre étant d'ores et déjà étudié à l'école.

Au-revoir là-haut, de Pierre Lemaître, le livre de Poche, 624 p., 8,70€.

«Freedom» de Jonathan Franzen

Patty est une femme accomplie. Après avoir été une sportive brillante l'université, elle est désormais mariée et maman modèle. Mère au foyer, sa gentillesse est appreciée par ses voisins, sa famille, ses amis. Son mari ? Un être pour qui elle a autant de tendresse que de respect et qui reste la solution idéale pour vivre une vie confortable sans trop de tourments. Car c'est d'un bad boy - le meilleur ami de son mari en l'occurrence -  dont Patty est tombée amoureuse mais se lancer dans cette histoire d'amour pourrait lui coûter trop cher.

Jonathan Franzen plonge dans dans une Amérique des années 1970 jusqu'à 2010 afin d'en décrire subtilement les rouages. Au-delà de ces Etats-Unis decryptés à la loupe, Jonathan Franzen a su séduire la planète avec ce pavé en se penchant surtout sur l'humanité, ses travers et ses contradictions, que cela soit dans le couple ou en société. Chacun se reconnaîtra un peu dans ces personnages aussi antipathiques qu'attachants. Un bon moyen de faire glisser son propre curseur sur la notion de liberté.

Freedom, de Jonathan Franzen, éd. Points, 792 p., 9€

«La carte et le territoire», de Michel Houellebecq

Peu d'auteurs sont arrivés à cette notoriété en seulement cinq romans. C'est pourtant le cas de Michel Houellebecq, qui, à chaque publication, bénéficie d'une vaste et belle couverture médiatique. L'auteur a su en jouer avec «La carte et le territoire», Prix Goncourt 2010 par ailleurs, et fiction dans laquelle il se met en scène, ou plutôt : fiction dans laquelle l'auteur met son image en scène. Il s'agit ici de la vie de Jed Martin, artiste connu d'abord pour ses photographies, devenu peintre.

Il se rend en irlande rencontrer Michel Houellebecq - qu'il a peint - pour lui demander d'écrire le catalogue de sa prochaine exposition. Il évoque alors sa vie, sa rencontre avec Olga, une jolie russe rencontrée au début de sa carrière de photographe, mais aussi la mort, les rapports avec son père, la France devenu un musée à ciel ouvert... Un roman rempli de nombreux thèmes qui, jugulés à une écriture unique et addictive, en font un livre à lire et relire.

La carte et le territoire, de Michel Houellebecq, Flammarion, GF, 492 p., 9€.

«L'amie prodigieuse» d'Elena Ferrante

Elena et Lila vivent toutes deux dans un quartier pauvre de Naples à la fin des années cinquante. Si les deux amies sont douées à l'école, l'une choisira de travailler dans l'échoppe de cordonnier de son père, quand l'autre ira au collège puis au lycée. La vie les séparera et les réunira plusieurs fois.

«L'amie prodigieuse» reste le premier tome d'une grande saga (quatre volumes publiés entre 2014 et 2018 en France) orchestrée par Elena Ferrante, pseudonyme d'un(e) auteur(e) italien(ne) inconnu(e), ce qui n'a pas gâché son succès en librairie. Succès tenant d'ailleurs certainement plus de ce que dit cette saga et du magnétisme de ses héroïnes que de la valeur intrinsèque de l'écriture. Mais peu importe, les fans aiment avant tout cette histoire d'amitié indéfectible, d'émancipation, de lutte pour la liberté dans une Naples tourbillonnante et envoûtante.

Loin de cette époque, de cette ville et de ses tourments, des femmes du monde entier se sont pourtant reconnues dans le désir de vivre de ces deux fillettes devenant tour à tour adolescentes puis adultes. La saga a, depuis, été adaptée en série, très appreciée aussi des fans.

«L'amie prodigieuse», d'Elena Ferrante, Gallimard, Folio, 448 p., 8,40€.

«La couleur des sentiments», de Kathryn Stockett

1962, Mississippi. A Jackson, il y a les blancs, et les noirs, qui travaillent chez les blancs. Deux mondes qui se cotoient mais ne se mêlent pas. Aibileen a appris à ne pas trop parler, alors que sa meilleure amie est au bord de se faire renvoyer par une famille et que Constantine, qui a élevé la jeune Skeeter pendant près de vingt-deux ans, est partie du jour au lendemain sans laisser d'adresse. La jeune femme, de retour de ses études, est d'ailleurs bien décidé à comprendre ce qui s'est réellement passé et se lie d'amitié avec les deux bonnes noires. Ensemble, elles vont parvenir à passer au-dessus des différences.

«La couleur des sentiments» de Kathryn Stockett s'est écoulé Outre-Atlantique à sept millions d'exemplaires l'année de sa sortie. Ce phénomène montre à quel point la question raciale est toujours aujourd'hui aux Etats-Unis un sujet sensible. Adapté en film depuis par Tate Taylor, et porté avec talent par Viola Davis, Emma Stone et Jessica Chastain, «La couleur des sentiments» remue autant qu'il émeut.

La couleur des sentiments, de Kathryn Stockett, Actes Sud, Babel, 624 p., 9,70€.

«vernon Subutex», de Virginie despentes

Disquaire au chômage, Vernon Subutex ne fait rien pour se sortir de son marasme et vit au crochet d'un ami et ancienne star du rock. Lorsque le chanteur décède brutalement, Vernon se fait expulser de son appartement. Il prend soin d'emporter un enregistrement posthume de son ami. N'assumant pas ses déboires, l'ancien disquaire fait alors croire à ses copains susceptibles de l'héberger qu'il vit désormais au Canada. Peu à peu, de plus en plus de personnes veulent se procurer l'enregistrement et Vernon devient malgré lui, une sorte de modèle de marginalité...

Sortis en 2015 et en 2017, les trois tomes de la trilogie écrite par Virginie Despentes reçurent un accueil critique et public exceptionnel. Il faut dire qu'outre l'écriture à vif de la romancière qui trouve à chaque fois un public plus grand, le sujet, éminemment social, a su toucher les français au coeur. Outre Vernon et la bande d'illuminés qui croient en lui comme en un Messie d'un genre nouveau, cette saga donne à voir nombre de déclassés qui tentent d'évoluer comme il peuvent, ballotés dans une France gangrénée par la précarité, le racisme et l'égoïsme de chacun. Depuis, «Vernon Subutex» est devenu une série portée par notamment par Céline Sallette et Romain Duris (décriée par Virginie Despentes, après avoir dans un premier temps participé à l'adaptation).

«Vernon Subutex», de Virginie Despentes, tome 1, 432 p., 7,90 €.

«Pour que tu ne te perdes pas dans le quartier», de Patrick Modiano

Jean Daragane, écrivain, a perdu son carnet de notes. Il est contacté par Gilles Ottolini qui souhaite le lui rendre. Lors de leur rencontre, les deux hommes évoquent un certain monsieur Guy Torstel dont le carnet fait état. Mais Jean Daragane dit ne pas s'en souvenir. L'histoire de ce roman de Patrick Modiano sorti en 2014 reste éminemment «modianesque» pour le plus grand bonheur de ses (nombreux) lecteurs. Peu importe que cette histoire puisse faire penser à d'autres romans de l'écrivain, avec «Pour que tu ne te perdes pas dans le quartier», l'auteur aborde ses sujets de prédilections : le temps, les souvenirs, les balades dans un Paris surranné, les lieux qui n'en sont plus, les rencontres et la réalité déformée, amplifiée ou oubliée.

En 2014, année de la sortie de cet envoûtant roman, Patrick Modiano a rejoint le cercle restreint des auteurs français ayant reçu le très prestigieux Prix Nobel de littérature, l'Académie suédoise couronnant «l'art de la mémoire avec lequel il a évoqué les destinées humaines les plus insaisissables et dévoilé le monde de l'Occupation».

«Pour que tu ne te perdes pas dans le quartier», de Patrick Modiano, 160 p., Gallimard, Folio, 6,80€.

«La vérité sur l'affaire Harry QuEbert», de Joël Dicker

Printemps 2008, New York. Marcus Goldman, jeune écrivain à succès, ne parvient pas à écrire le nouveau roman qu'il doit remettre à son éditeur prochainement. Parallèlement, ce dernier apprend qu'Harry Quebert, son ami, ancien professeur d'université, et accessoirement écrivain respecté, est accusé d'avoir assassiné en 1975, une jeune fille de 15 ans, avec qui il aurait eu une liaison.

Thriller à tiroirs extrêmement addictif, «La vérité sur l'affaire Harry Quebert» de Joël Dicker fut un véritable coup de poing dans l'univers du polar. Le jeune Suisse, auteur d'un seul roman avant celui-ci («Les derniers jours de nos pères», éd. De Fallois), remporta non seulement le Grand Prix du roman de l'Académie française mais aussi le Prix Goncourt des lycéens en 2012. Au-delà de l'intrigue parfaitement construite, ce roman livre en filigrane une réflexion sur l'Amérique, notre société moderne, ses médias et sa justice ainsi qu'il questionne sur la littérature. Depuis, Joël Dicker ne cesse d'étonner et de rassembler un peu plus autour de son oeuvre unique et foisonnante. La télévision ne s'y est d'ailleurs pas trompée et le roman a vu naître une adaptation portée par Patrick Dempsey pour TF1.

«La vérité sur l'affaire Harry Quebert», de Joël Dicker, éd. De Fallois, 864 p., 9,20€.

«Le lambeau», de Philippe Lançon

Au cas où certains auraient habité la station spatiale internationale ces dernières années et auraient loupé quelques commentaires sur «Le lambeau», le livre de Philippe Lançon sorti en 2018, rajoutons en une couche. 7 janvier 2015. La rédaction de Charlie Hebdo est décimée par un attentat perpétré par deux tueurs. Philippe Lançon, journaliste pour l'hebdomadaire, est gravement touché. Depuis son lit d'hôpital, ce dernier va écrire et peu à peu «réparer» son corps mais aussi son âme.

Au-delà du récit fin et sensible des traumatismes inéluctables qu'un tel acte a laissé sur le journaliste allité, «Le lambeau» - Prix Femina 2018 et Prix spécial du jury Renaudot, entre autres - , devenu best-seller, vaut par la mise à nu d'un homme qui lentement va se reconstruire grâce à la petite lumière que lui donnent l'art, la musique et la littérature. Rien de voyeuriste, ni de plaintif dans ce récit de survivant, mais au contraire un hymne à la vie et à la résilience, un hommage aux équipes soignantes et à l'humanité dans ce qu'elle a de plus beau, bien loin - à l'opposé même - de la barbarie.

«Le lambeau», de Philippe Lançon, Gallimard, 512 p., 21€.

«Le lambeau», de Philippe Lançon, Gallimard Folio, 512 p., 8,50€.

«Le chardonneret» de Donna Tartt

Connue pour mettre environ dix ans à écrire chacun de ses romans, Donna Tartt publia son troisième «Le Chardonneret» dix-neuf ans après son premier livre (et best-seller), «Le maître des illusions». Tout débute alors que Théo Decker, 13 ans, visite le Metropolitan Museum à New-York, en compagnie de sa mère. Soufflés tous deux par une explosion, il va survivre, pas elle. Sonné pourtant, l'adolescent va se retrouver en possession du «Chardonneret» , peinture néerlandaise représentant un petit oiseau et exposée dans le musée. Obsédé par ce minuscule tableau aussi recherché qu'invendable, Théo va vivre une existence faite d'errances, des milieux très hype de la Grosse Pomme aux bas-fonds mafieux d'Amsterdam, en passant par la consommation de drogues assomantes dans les recoins du Nevada.

Une question sous-jacente : comment survivre à la perte de l'être le plus aimé au monde ? Comment se construire dans un monde privé de l'amour inconditionnel d'une mère ? Prix Pullitzer de la fiction en 2014, «Le Chardonneret» ne laisse jamais au repos et fait partie des rares livres qui s'ancrent profondément au fond de l'âme de chacun de ses lecteurs. Chef d'oeuvre est-il un mot galvaudé ? Certainement pas pour ce roman à la puissance narrative ébourriffante entre récit rythmé (voire halletant) et profondeur des sentiments. S'il a été adapté en film depuis, lisez donc le roman.

«Le Chardonneret», de Donna Tartt, 1296 p., éd. Pocket, 11,50€

Bonus : «50 shades of Grey», de E.L. James

Michel Houellebecq, Jonathan Franzen et E.L. James dans la même liste ?!?! Non mais WTF, diront certains. Si la rédaction de CNews s'est accordé à mettre en avant les livres qui ont marqué la décennie et non forcément «le meilleur» de l'édition, force est de constater que l'intérêt littéraire de «50 shades of Grey» est très (trop ?) limité pour figurer parmi quelques grands auteurs de notre temps. Si une partie de la rédaction a donc crié au scandale face à un tel livre au sein d'une toute petite liste de titres choisis pour toute une décennie, on ne peut néanmoins que constater à quel point ce livre fut un phénomène de librairie incroyable. Tempête qui déboucha ensuite sur toute une littérature de genre qui fleurit aujourd'hui chez certains éditeurs.

L'histoire de «50 nuances de Grey» est simple : une jeune femme très naïve tombe follement amoureuse de l'irrésistible Christian Grey qui lui fera connaître les plaisirs charnels par le biais d'un peu de sadomasochisme. Lu par près de 100 millions de lecteurs dans le monde à sa sortie en 2012 (2013 pour la France), couvrant automatiquement de Livres Sterling la romancière britannique, E.L. James, le livre fut considéré au départ, comme du «Mommy porn» («du porno pour maman» littéralement) avant de s'imposer comme phénomène de librairie et de s'attirer la curiosité du grand public, des sociologues, des médias et des producteurs de cinéma (le livre a bien entendu été adapté en film). Au final, E.L. James aura peut-être eu le pouvoir de desinhiber quelques lectrices qui, avec un peu de chance, auront abandonné la saga au profit du très classique - et joliment écrit - «Histoire d'O» de Pauline Réage, réédité par Fayard en France au même moment.

«50 nuances de Grey», de E.L. James, 672 p., 7,40€.

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