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L'Appel de Cthulhu : Le mangaka Gou Tanabe nous raconte sa vision de Lovecraft

H.P. Lovecraft a marqué le XXe siècle le récit horrifique de son empreinte. [© Tanabe Gou 2018-2019 / KADOKAWA CORPORATION]

Difficile de parler de littérature horrifique sans citer le maître du genre : H.P. Lovecraft (1890-1937). Un auteur prolifique dont le génie est notamment reconnu à travers L'Appel de Cthulhu. Un chef d'œuvre du genre que l'auteur japonais Gou Tanabe a brillamment adapté en manga.

Ce mangaka de 45 ans est aujourd'hui reconnu pour ses adaptations fidèles des nouvelles du maître. Pour CNEWS, il explore les méandres de l'indicible, alors que son ouvrage est désormais disponible ce 17 septembre dans une superbe édition chez Ki-oon.

Comment et quand avez-vous découvert les œuvres de Lovecraft ?

Gou Tanabe : C’était l’automne de mes 29 ans, il y a maintenant 15 ans. Je traversais une passe difficile et j’étais d’humeur sombre. J’ai demandé à mon éditeur s’il pouvait me proposer des histoires de monstres sans issue positive. C’est alors qu’il m’a présenté le mythe de Cthulhu. Je suppose qu’il l’a choisi en prenant en compte mon style de dessin et mon humeur du moment.

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© Tanabe Gou 2019 / KADOKAWA CORPORATION

Qu’est-ce qui vous impressionne le plus dans l’univers qu’il dépeint ?

Il y a toujours un instant où les personnages comprennent que de monstrueuses entités dominaient la Terre dans le passé, bien avant l’avènement de leur propre monde ou l’apparition de leur Dieu. Ils perdent alors tout espoir et appétit de vivre. C’est ce point commun aux récits de Lovecraft qui m’a particulièrement marqué.

Pouvez-vous nous expliquer la manière d’illustrer l’«indicible» ?

Je dessine l’inconcevable tel quel. J’installe la confusion dans l’esprit du lecteur en plaçant des éléments qui ne devraient pas être là. Il suffit d’une partie incongrue dans l’image pour rendre l’ensemble inexplicable. Il n’est alors plus nécessaire de tout détailler pour rendre l’impression d’étrange. C’est la même technique que pour le test de Rorschach. Le cerveau humain fait le travail pour relier les points manquants et se créer sa propre illusion. De ce point de vue-là, je me dis que j’ai peut-être justement tendance à mettre trop de détails. Ça enlève une part du mystère et de l’effroi.

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© Tanabe Gou 2015 / KADOKAWA CORPORATION

Vous êtes-vous inspiré d’illustrateurs ou d’artistes qui s’étaient déjà intéressé à Lovecraft ?

J’étudie sur internet les illustrations des autres artistes inspirés par Lovecraft. Ça me sert de support pour la version manga. Quand on sait qu’Alien ou The Thing ont leurs racines dans l’œuvre de Lovecraft, ça donne des idées pour la mise en image. Heureusement que nous vivons à une époque où il est aisé de se procurer de telles informations. Sans ça, ce serait bien plus compliqué de créer périodiquement des adaptations en bande dessinée.

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© Tanabe Gou 2015 / KADOKAWA CORPORATION

Votre style parvient à cristalliser l’effroi, les personnages sont moins dans l’action mais davantage dans la contemplation, la peur, souvent figés face aux événements. Pouvez-vous nous expliquer la manière dont vous pensez vos planches et conceptualisez la peur ?

Je n’ai pas de technique de dessin préconçue, j’expérimente au fur et à mesure. Je prends soin de montrer les choses du point de vue du personnage principal. Je construis les cases de façon à avoir un angle de vue qui permette l’identification des lecteurs au héros, afin qu’ils aient les mêmes informations visuelles. J’essaie aussi de créer un contraste entre mon style graphique et le monde sombre, oppressant, incompréhensible et rempli de zones d’ombre de Lovecraft. Je fais de mon mieux pour rendre mon trait beau, réaliste et précis.

Quand on est confronté à la terreur (...) on passe tous par une phase de pétrification

Ce travail d’adaptation a cela de particulier que ce sont moins les personnages qui sont au centre de l’histoire que le mythe de Cthulhu lui-même. Pour faire passer cette impression, je rends les héros aussi statiques que possible. Pour moi, quand on est confronté à la terreur ou dominé par des sentiments incontrôlables, on passe tous par une phase de pétrification et de fixation. Ce n’est qu’ensuite que chacun exprime des émotions ou agit différemment selon son propre caractère. Personnellement, à la lecture des romans de Lovecraft, je n’ai pas eu l’impression que ses personnages se montraient particulièrement pro-actifs. C’est peut-être une idée préconçue, mais c’est ainsi que je l’ai ressenti. Quoiqu’il en soit, je prends toujours soin d’instaurer un climat de peur et d’inquiétude avant de faire apparaître les créatures monstrueuses.

Parmi les nouvelles de Lovecraft que vous avez adaptées, laquelle préférez-vous et pourquoi ?

Mon histoire préférée est Le Temple. J’ai beaucoup apprécié le ressort dramatique créé par ce décor de cité oubliée au fond des mers et ces personnages de soldats perdus, prêts au sacrifice.

Sur quel projet travaillez-vous actuellement ? Y a-t-il un genre (SF, Fantasy, Romance…) qui vous attire actuellement, ou vers lequel vous aimeriez vous diriger ?

Je publie en ce moment l’adaptation du Cauchemar d’Innsmouth dans le magazine Comic Beam.

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