Portraits et témoignages de sinistrés des Alpes-Maritimes après les inondations meurtrières

Une semaine après la tempête Alex et les inondations dévastatrices qui ont frappé les vallées montagneuses des Alpes-Maritimes, le photographe de l'AFP, Nicolas Tucat est parti à la rencontre de sinistrés dans ces villages meurtris de l'arrière-pays niçois, les 8 et 9 octobre 2020. Ils ont encore en mémoire les «scènes d'horreur » qu'ils ont vécues. [©Nicolas TUCAT/AFP]
Jean-François Roux, 45 ans, maçon, se tient devant une de ses maisons à Saint-Martin-Vésubie. «On avait deux maisons et un entrepôt. Il ne reste plus que la moitié d'une maison. Le reste est parti avec les eaux et les rochers. On a vu des camions et des voitures emportés par la rivière. Les enfants ont eu très peur, ils sont choqués. Dans ces moments-là, on pense avant tout à sauver sa vie, pas aux biens matériels. Maintenant, on ne pourra plus reconstruire ici, il n'y a plus de terrain. Et puis les zones rouges inondations vont être modifiées. C'est mon village d'enfance, j'ai toujours vécu ici, des amis ont aussi tout perdu. Ce sont des scènes d'horreur.», déclare-t-il au photographe de l'AFP. [©Nicolas TUCAT/AFP]
Hélène Rey, 54 ans, gérante d'une épicerie, est devant son magasin à Breil-sur-Roya. «On avait entendu les bulletins météorologiques et on était en alerte. On a fermé l'épicerie à 12H30 le vendredi (2 octobre). On est revenu le samedi matin et il ne restait plus rien. L'eau était montée jusqu'au plafond, la plupart des produits a été emporté par la crue. J'ai deux magasins à Breil-sur-Roya, et l'autre c'est pareil, le local a été dévasté. Je n'ai plus rien. On se dit qu'on va recommencer, du moins on l'espère. On doit attendre de voir ce que les assurances vont faire pour nous.», dit-elle. [©Nicolas TUCAT/AFP]
Arnaud Leclercq, 45 ans, propriétaire d'un camping à Roquebillière, prend la pose devant l'un de ses mobil-homes en ruines. «Nous étions le plus grand camping de la vallée de la Vésubie. Nous avions près de cinquante personnes sur place, mais comme la préfecture nous a placé en vigilance orange, j'ai fait évacuer tout le monde la veille de la crue. Le lendemain, le vieux pont a cédé et son tablier a détourné l'eau dans la rue au-dessus du camping. Une vague d'un mètre a balayé les mobil-homes, et là 80% du camping est en ruines. On avait tout fait à partir de zéro, il y a six ans avec ma femme. On va recommencer. Je pense qu'on sera prêts pour la saison 2022. Nous aurons toujours peur que cela se reproduise, alors il faudra discuter pour faire construire une digue. Actuellement, nous attendons des nouvelles des assurances.», explique-t-il. [©Nicolas TUCAT/AFP]
Matthieu Hue, 32 ans, peintre en bâtiment, pose pour un portrait photo à Saint-Martin-Vésubie. «Ma maison n'a pas bougé, heureusement, mais elle se trouve désormais pas très loin d'un précipice. En revanche, nos ateliers ont complétement disparu ainsi qu'un véhicule et notre stock. C'est dur, je ne veux pas du tout voir ça. On me l'a dit mais je n'y suis pas revenu, je ne suis pas encore prêt à le faire. Au début, c'était principalement l'action humanitaire qui prévalait, maintenant c'est l'heure du questionnement. Comment allons-nous être aidés ? Combien de temps cela prendra-t-il ? Il y a eu beaucoup d'entraide au sein du village, tout le monde s'y est mis. Croisons les doigts pour que la vallée se reconstruise. Je n'avais encore jamais rien vu de tel de toute ma vie, c'était comme être dans un film d'horreur.», dit-il. [©Nicolas TUCAT/AFP]
Bernard Ramin, 63 ans, directeur d'une jardinerie, est photographié devant son magasin de jardinage dévasté à Saint-Martin-Vésubie. «De mémoire d'habitants, nous n'avions jamais vécu un tel événement, c'était l'apocalypse. Certains n'ont plus rien, mais nous allons reconstruire car il y a beaucoup de solidarité et d'entraide. On va se retrousser les manches. Cela prendra du temps, et nous espérons que le président Macron tiendra ses engagements. La vie doit reprendre, tout comme l'économie. L'urgence est de rétablir tous les accès au village. Après cette catastrophe, un accord a été donné pour l'ouverture d'une antenne du Secours populaire, ici à Saint-Martin-Vésubie, pour une durée de deux ans.», indique-t-il. [©Nicolas TUCAT/AFP]
Emilien Farge, 32 ans, menuisier, se tient debout au milieu de ce qui reste de son ancien lieu de travail, à Saint-Martin-Vésubie. «J'étais dans mon atelier avec un collègue lorsque des trombes d'eaux ont percé les joints en pierre et jailli des murs. Un grondement et puis l'eau pénètre par la porte. Tout va très vite, on est sortis par une porte du haut et là, on a vu que les maisons voisines avaient été emportées. On était impuissants. Il y a eu un autre grondement et une vague a déferlé. Je suis rentré chez moi, on a hébergé une amie mais on n'a pas fermé l'œil de la nuit. Le lendemain, je suis retourné voir l'état de mon atelier. Il ne faisait pas encore jour. À un moment, la route s'est arrêtée, il n'y avait plus qu'un gouffre noir. Plus d'atelier, rien. Là, on ne pense plus à rien. Depuis, je participe à l'aide générale, notamment à l'installation d'une passerelle en bois pour pouvoir traverser un pont endommagé.», raconte-t-il. [©Nicolas TUCAT/AFP]
Steve Mathieu, 43 ans, hôtelier à Breil-sur-Roya, pose devant son hôtel familial. «Ma mère et les clients ont vu l'eau monter très rapidement et ils sont partis pour trouver un refuge ailleurs. J'étais absent à ce moment-là mais je suis arrivé au village parmi les premiers, le samedi matin. Arrivé par des routes endommagées, je ne l'ai pas reconnu. Je pensais que qu'il y avait eu un bombardement. Un beau petit village, complétement détruit. Désormais, ce ne sera plus comme avant. j'ai évacué ma mère, très choquée, vers Nice. Maintenant, je nettoie du mieux que je peux. Avec le Covid et les inondations, c'est une année où nous avons beaucoup souffert du point de vue économique. Mais je me souviens de la solidarité entre les habitants ici, c'est réconfortant et c'est le point positif.», affirme-t-il. [©Nicolas TUCAT/AFP]
Eric Gili, 52 ans, professeur d'histoire-géographie, fixe l'objectif du photographe Nicolas Tucat, devant les ruines du musée du Patrimoine du Haut-Pays, à Saint-Martin-Vésubie. «Notre musée venait de fêter son quarantième anniversaire. Des quatre pièces, il n'en reste que deux. La rivière a creusé près de quatre mètres en dessous du niveau initial. Nous avions près de 3.000 pièces historiques, j'ai réussi à en sauver une centaine... C'est difficile mais on remet ça en perspective. On y retournera, mais nous nous en souviendrons. C'était plus qu'une inondation historique. Elle façonnera en quelque sorte l'avenir du village, même s'il n'est pas nécessaire de faire du tourisme de catastrophe.», analyse-t-il. [©Nicolas TUCAT/AFP]
Yvon Dalmaso, 67 ans, retraité pose à Breil-sur-Roya. «J'habite près de la gare et n'ayant eu que des dégâts mineurs, je suis venu donner un coup de main aux amis du village. La solidarité est importante. Lorsque j'ai vu l'état du village, j'ai cru que c'était l'apocalypse. ce n'est plus la Vallée des Merveilles, c'est la vallée de l'horreur. De chez moi, avant je ne pouvais pas voir la rivière, mais son cours a tellement changé en l'espace d'une nuit que maintenant je peux très bien la voir. On se pose beaucoup de questions mais les secours ont été formidables. Nous sommes encore sous l'effet de l'adrénaline du moment, mais c'est après que cela sera dur. Le temps de tout reconstruire, les touristes mettront du temps à revenir, les entreprises et les commerces vont beaucoup souffrir... », confie-t-il au photoreporter de l'AFP. [©Nicolas TUCAT/AFP]
Julien Massa, 37 ans, maçon, se tient à proximité de sa maison à Breil-sur-Roya. «C'est dur. Je venais d'acheter une maison avec un garage, il y a un mois à peine. Je devais réparer la maison avant d'y habiter mais j'avais entreposé une voiture et tous mes outils dans le garage. Tout a été emporté, je n'ai plus rien. Lorsque c'est arrivé, j'étais sur un chantier à Fontan. Coincés là-haut, nous avons dormi dans la gare et le matin je suis descendu par la voie ferrée. J'ai découvert les dégâts mais je ne m'attendais pas à ce que l'eau monte autant. J'ai vraiment cru qu'il y avait eu la guerre. Quand j'ai vu l'état de mon garage, j'ai pleuré pendant cinq minutes. Pour les assurances, nous ne savons pas combien de temps cela prendra. Ma priorité est de retourner au travail, mais que puis-je faire sans mes outils ?», relate-t-il. [©Nicolas TUCAT/AFP]
Laurent Fredj, 52 ans, brasseur, promène son chien à Saint-Martin-Vésubie. «Nous brassions comme d'habitude ce jour-là. Souvent il y a des orages mais l'eau a commencé à monter très vite. J'ai alors dit à tout le monde de partir. On a trouvé refuge dans les maisons sur les hauteurs. Le lendemain, nous avions une vue plongeante sur le village. Voyant l'ampleur des dégâts, j'ai pensé qu'il y avait des dizaines de morts. Depuis je reste hanté par cette vision. Ma brasserie a été totalement détruite. Le réflexe est d'être actif. Aider les autres nous aide aussi à ne pas nous morfondre. Personne ne doit être oublié dans ces moments-là. Il y a eu une solidarité exceptionnelle. Des brasseries de la région vont commercialiser des bières labellisées «Comté sur nous», qui fait référence au nom de ma brasserie, la Brasserie du Comté. Cela servira à récolter des fonds pour que je puisse reconstruire ma brasserie ici car je veux absolument rester dans la vallée.», déclare-t-il. [©Nicolas TUCAT/AFP]