En direct
A suivre

ExxonMobil : selon une étude, le groupe pétrolier disposait de prédictions exactes sur le réchauffement climatique il y a 40 ans

«Ils en savaient autant que les scientifiques indépendants», selon l'un des auteurs de l'étude. [Brandon Bell / GETTY IMAGES NORTH AMERICA / Getty Images via AFP]

Dès les années 1980, le groupe pétrolier ExxonMobil disposait de prédictions sur le réchauffement climatique d'une justesse remarquable, réalisées par ses propres scientifiques, et qui se sont révélées être exactes plusieurs décennies plus tard, a confirmé une nouvelle étude parue jeudi 12 janvier.

De quoi jeter le trouble sur le groupe pétrolier américain. Selon une étude publiée dans la prestigieuse revue Science, ExxonMobil était parfaitement au courant du réchauffement climatique grâce aux recherches menées par ses propres scientifiques. Malgré cela, l'entreprise a durant des années publiquement jeté le doute sur l'état des connaissances scientifiques en la matière.

ExxonMobil, l'un des plus gros groupes pétroliers du monde, a «modélisé et prédit le réchauffement de la planète avec une exactitude troublante, pour finir par passer les décennies suivantes à nier cette même science climatique», a déclaré à l'AFP Geoffrey Supran, co-auteur de ces travaux.

Un double discours ?

En effet, ExxonMobil est accusé depuis des années d'avoir tenu un double discours sur le changement climatique, provoqué par les immenses quantités de gaz à effet de serre rejetées par l'humanité dans l'atmosphère, notamment via la combustion de charbon ou de pétrole pour produire de l'énergie.

Plusieurs procédures juridiques ont même été lancées contre l'entreprise aux Etats-Unis, dont certaines sont toujours en cours. Des auditions ont été organisées au Parlement européen et au Congrès américain. Mais c'est la première fois que les projections réalisées par les scientifiques du groupe sont analysées de façon systématique et comparées à celles d'autres chercheurs de l'époque, ainsi qu'au réchauffement effectivement observé par la suite.

Le point de départ de cette enquête sont des documents, archives publiques et publications scientifiques, révélés en 2015 par des journalistes d'Inside Climate News et du Los Angeles Times, montrant que l'entreprise savait depuis longtemps que le changement climatique était réel et causé par les activités humaines.

Une première étude scientifique, réalisée en 2017 par les mêmes chercheurs que celle publiée ce jeudi, avait prolongé cette enquête journalistique en analysant précisément le langage utilisé par l'entreprise d'abord dans ces documents, puis publiquement. «Mais même si par le passé, nous nous étions focalisés sur le langage et la rhétorique contenue dans ces documents, d'un coup nous avons réalisé qu'il y avait (...) tous ces graphiques et tableaux sur qui personne ne s'était jamais penché», a expliqué Geoffrey Supran.

«Cette question a fait plusieurs fois surface ces dernières années», a déclaré à l'AFP un porte-parole de la compagnie. «A chaque fois, notre réponse est la même : ceux qui évoquent ce que 'Exxon savait' ont faux dans leurs conclusions.» Pourtant, ExxonMobil n'a jamais nié l'authenticité des documents en question.

Au total, les chercheurs ont analysé 32 documents internes produits par des scientifiques d'ExxonMobil entre 1977 et 2002, et 72 publications scientifiques dont ils étaient co-auteurs entre 1982 et 2014. Ces documents contiennent 16 projections de températures. «Dix d'entre elles sont cohérentes avec les observations» réalisées par la suite, note l'étude.

Parmi les six autres, deux prédisaient un réchauffement encore supérieur. En moyenne, elles prédisaient un réchauffement d'environ 0,2 °C par décennie, ce qui correspond effectivement au rythme actuel. Et les prédictions formulées par d'autres chercheurs de l'époque étaient peu ou prou similaires.

ExxonMobil «ne savait pas juste vaguement quelque chose à propos du changement climatique il y a des décennies», a souligné Geoffrey Supran, professeur actuellement à l'université de Miami, mais qui a mené ces travaux à Harvard. «Ils en savaient autant que les scientifiques indépendants et gouvernementaux, et vraisemblablement assez pour prendre des mesures et alerter le public.»

Or, les responsables du groupe ont fait tout le contraire, martèle l'étude, qui cite des propos de l'ancien PDG d'ExxonMobil Lee Raymond en 2000. «Nous n'avons pas une compréhension scientifique suffisante du changement climatique pour faire des prédictions raisonnables.»

En 2013, le PDG d'alors, Rex Tillerson, déclarait qu'il existait des «incertitudes» autour des «principaux facteurs du changement climatique». Certains des chercheurs employés par la compagnie ont toutefois témoigné devant le Congrès américain. L'un d'eux, Martin Hoffert, interrogé en 2019 par l'élue démocrate Alexandria Ocasio-Cortez qui soulignait à quel point ses prédictions s'étaient révélées exactes, avait alors simplement répondu : «Nous étions d'excellents scientifiques.»

À suivre aussi

Ailleurs sur le web

Dernières actualités