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Le procès Kerviel, entre trader fou et homme seul

L'ancien trader Jérôme Kerviel au tribunal le 14 juin 2012 à Paris[AFP]

"Homme seul contre grosse machine ou cas d'école de trader fou"? Le procès en appel de Jérôme Kerviel, arrivé à mi-course, chemine entre ces thèses extrêmes, ainsi résumées en une phrase à l'audience par un trader-polytechnicien.

La deuxième semaine du procès de l'ancien trader, 35 ans, rejugé pour une perte record de 4,9 milliards d'euros en 2008 à la Société Générale, s'est achevée sur un témoignage très humain en sa faveur, plein de bon sens et de soif affirmée de justice pour les faibles face aux forts.

Venant d'un salarié d'une filiale de la Société Générale, la société de courtage Newedge, ce témoignage a pris un relief particulier.

Philippe Houbé, 55 ans, a affirmé que la banque savait que Jérôme Kerviel jonglait avec les milliards, mais l'a laissé faire. Il a aussi dit que la Société Générale avait alourdi les pertes du trader pour masquer ses propres turpitudes sur le marché des "subprimes", les prêts immobiliers américains à l'origine d'une crise financière mondiale.

M. Houbé est donc allé dans le sens de la thèse de la machination dont Jérôme Kerviel s'affirme victime. Il ne l'a pas démontrée, pas plus que ses documents écrits n'avaient convaincu la cour. Mais le bouillant avocat de l'ancien trader, David Koubbi, assure néanmoins que la relaxe est en vue.

"Théorie du complot"

Jérôme Kerviel a été condamné en première instance à cinq ans de prison dont trois ferme et à 4,9 milliards d'euros de dommages et intérêts. Il risque jusqu'à cinq ans ferme et 375.000 euros d'amende, en plus des dommages et intérêts.

La présidente, Mireille Filippini, a écouté avec bienveillance le témoin clé de la défense.

Mais le temps manquant, elle n'a pas jugé indispensable de le confronter au chef trader venu expliquer juste avant lui comment il avait dénoué dans l'urgence, en janvier 2008, pour 50 milliards d'euros de positions spéculatives prises par Jérôme Kerviel.

Si ce "débouclage" n'avait pas été fait, la banque coulait, a-t-il dit, qualifiant de "complètement délirante" la théorie du complot.

Me Koubbi a de son côté contraint ce "trader senior" à révéler le montant de son bonus annuel d'alors (plusieurs millions d'euros), tout comme il a évoqué plusieurs fois les indemnités de licenciement proposées à d'anciens salariés de la banque, pour prix de leur silence, accuse-t-il.

"Pas super malins"

L'avocat va pouvoir continuer sur ce terrain lundi, la troisième semaine devant démarrer avec des témoignages d'anciens supérieurs hiérarchiques directs de Jérôme Kerviel, que tous avaient abondamment traité de menteur au premier procès.

Ils vont certainement répéter être tombés des nues en apprenant qu'un trader qui opérait sous leurs yeux avait pulvérisé toutes les limites imaginables.

D'autres témoins de la défense sont également attendus, mais la vedette de la semaine devrait plutôt être cette fois l'ancien PDG de la Société Générale, Daniel Bouton qui, après l'éclatement de l'affaire, qualifiait Jérôme Kerviel d'"escroc", de "fraudeur", de "terroriste"...

A l'époque, Nicolas Bonin, 38 ans, était à New York. Ancien trader et toujours salarié de la Société Générale, brillant élément issu de l'Ecole Polytechnique entendu mercredi comme témoin, il a constaté que l'affaire Kerviel avait été perçue par l'opinion française comme "un homme seul contre une grosse machine".

"Alors que de l'autre côté de l'Atlantique, c'était un cas d'école du +rogue trading+" (trading voyou, ndlr), de ces choses imparables, rares, mais qui arrivent. "C'est pour ça qu'on a eu sans difficulté (après l'affaire Kerviel) une augmentation de capital", a-t-il estimé. "Même si on n'était pas super malins de s'être retrouvés dans cette situation".

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