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Dijon : une ancienne charcuterie squattée

Des dermandeurs d'asile et des réfugiés squattent une ancienne charcuterie à Dijon le 18 janvier 2013 [Philippe Desmazes / AFP]
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Sur la façade délavée d'une ancienne charcuterie industrielle de Dijon, un palmier est dessiné à côté des mots "Hotel Refuges". C'est là que vivent une centaine de demandeurs d'asile, faute de place dans un Centre d'accueil des demandeurs d'asile (Cada).

"Voilà le lieu de villégiature", ironise Guy Jacob, militant associatif, devant le bâtiment délabré qui fait face aux anciens abattoirs. L'ensemble est voué à la démolition, pour la construction d'un écoquartier de 1.500 logements.

En attendant la fin de la trêve hivernale et l'arrivée des pelleteuses, ils sont une centaine, en majorité des hommes seuls, à squatter l'ancienne usine spécialisée dans la transformation de la viande.

Pays d'origine: République démocratique du Congo, Angola, Mali, Tchad, Guinée, Géorgie, Albanie... Tous ont fait une demande d'asile, certains ont épuisé les recours, d'autres attendent que leur cas soit réexaminé.

Aucun n'a accès aux Centres d'accueil des demandeurs d'asile (Cada), surchargés. Il y avait 1.352 demandes d'asile en Côte d'Or en 2011 pour 490 places en Cada. Sur la même période, à l'échelle nationale, plus de 57.000 dossiers de demande d'asile avaient été déposés, pour 22.000 places.

Restent les options de la rue ou du squat. Dans l'entrée, un ruisseau glacé prend sa source dans un lavabo qui fuit.

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L'ancienne charcuterie squattée par des demandeurs d'asile, à Dijon le 18 janvier 2013
 

Les chambres froides ont été converties en dortoirs tiédis par des radiateurs électriques. Des trous percés au-dessus des portes hermétiques laissent passer un peu d'air.

Les hommes se regroupent par nationalité. Ici, une dizaine de Tchadiens occupent une pièce couverte de matelas.

Le réchaud est lancé et le courant s'arrête soudain, plongeant la chambre dans le noir, hormis la lueur des écrans des téléphones portables.

"Certains sont arrivés hier soir, glisse un bénévole qui refuse de donner son nom. Il a créé, avec Guy Jacob Urgence solidaire, un réseau qui accompagne les demandeurs d'asile dans leurs démarches et relaie sur son site internet des demandes de chaussures, plaques de cuisson ou livre de grammaire.

Ce dernier est destiné à un Tchadien, Mohammed, 22 ans, qui veut apprendre à conjuguer les "verbes français".

"Il y a beaucoup de choses qui manquent, on n'a pas de chauffage, pas d'habits, quand il pleut l'eau rentre", décrit dans un sourire gêné le représentant de cette petite association, en conflit ouvert avec l'administration.

Nouveau-né

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Des bénévoles distribuent de la nourriture à des demandeurs d'asile et réfugiés dans une ancienne charcuterie à Dijon le 18 janvier 2013
 

Des bénévoles organisent une distribution alimentaire. Les migrants leur tendent cabas et petits papiers attestant du nombre de personnes à nourrir.

Les denrées destinées à une Guinéenne sont mises de côté. Elle occupe avec ses trois enfants une pièce située dans un couloir plongé dans le noir.

Une famille de Kurdes de Géorgie vient quant à elle de s'agrandir: dans un coin du lit parental, la tête du nouveau-né dépasse à peine sous les couvertures.

"La préfecture et la mairie feignent d'ignorer cet endroit parfaitement glauque", s'énerve Jean-Louis Dufour, membre du collectif dijonnais d'organisations défendant le droit d'asile.

L'ancien directeur de cabinet du préfet, Arnaud Schaumasse, a répondu vertement, en décembre, en livrant son "coup de gueule" à la presse locale: "Vouloir faire croire que l'Etat ne fait rien, c’est de la manipulation. Un tout petit noyau d'acteurs associatifs mène un combat politicien pour faire exploser le dispositif d'accueil", lançait-il alors.

"En faisant vivre cette illusion qu’à Dijon il y a une solution, le collectif contribue à alimenter le trafic des passeurs qui font payer le voyage jusqu’en France à des gens qui n’ont pas le droit d’y être hébergés", affirmait M. Schaumasse.

Le tribunal administratif de Dijon rappelle toutefois régulièrement à l'Etat qu'il est tenu de loger les demandeurs d'asile le temps de l'examen de leur dossier.

Depuis décembre, le juge des référés a ainsi ordonné à la préfecture de Côte d'Or d'assurer l'hébergement de six familles, dont certaines étaient passées par l'ancienne charcuterie.

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