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L'Affaire Merah a révélé un antisémitisme décomplexé

Des élèves de l'école juive Gan Rachi observent une minute de silence, à Toulouse le 20 mars 2012, après la tuerie d'Ozar Hatorah [Pascal Pavani / AFP/Archives] Des élèves de l'école juive Gan Rachi observent une minute de silence, à Toulouse le 20 mars 2012, après la tuerie d'Ozar Hatorah [Pascal Pavani / AFP/Archives]

Un samedi à Marseille, un jeune en kippa est agressé par un groupe qui vocifère: "Vive Mohamed Merah, nique les juifs..." La tuerie de Toulouse est devenue une référence pour des antisémites "de plus en plus décomplexés".

Cette agression est relatée dans un rapport du service de protection de la communauté juive (SPCJ), qui fait état d'une hausse de 58% des actes et violences antisémites en 2012 avec un pic juste après le 19 mars, quand le tueur au scooter a assassiné à Toulouse un professeur et trois enfants juifs devant l'école Ozar Hatorah, rebaptisée depuis le drame Ohr Torah.

Dans les dix jours qui ont suivi, 90 actes antisémites ont été recensés. Certains violents, d'autres apologétiques, un tag qualifiant Merah de "preux chevalier de l'Islam".

"Il y a une sorte de désinhibition", déplore Alain Jakubowicz, président de la Ligue contre le racisme et l'antisémitisme (Licra): "les auteurs sont de plus en plus décomplexés, ils ne se cachent même plus derrière le faux-nez de l'antisionisme."

Le président de la Ligue contre le racisme et l'antisémitisme, Alain Jakubowicz (C) à Paris le 31 mai 2010 [David Fritz / AFP/Archives]
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Le président de la Ligue contre le racisme et l'antisémitisme, Alain Jakubowicz (C) à Paris le 31 mai 2010
 

L'année 2012 a également vécu une attaque à la grenade contre un supermarché casher de Sarcelles (Seine-Saint-Denis) en septembre. Au total, 614 actes antisémites ont été décomptés sur l'année. C'est plus qu'en 2011 (389), mais moins qu'en 2009 (832), ou que le pic historique de 2004 (974).

"Ce qui est nouveau, c'est le caractère hyper violent des actes", souligne le politologue Jean-Yves Camus, spécialiste de l'extrême-droite et de l'antisémitisme, en soulignant qu'un quart des agressions sont désormais commises avec une arme.

Cette situation est remontée jusqu'au secrétaire général de l'ONU, Ban Ki-moon, qui a déclaré en octobre être "profondément attristé par les incidents antisémites" commis en France.

De son côté, le ministre de l'Intérieur, Manuel Valls, déplorait en juillet l'émergence depuis quelques années d'un "nouvel antisémitisme", "né dans nos quartiers".

Des policiers devant le supermarché casher visé par une attaque, à Sarcelles le 19 septembre 2012 [Joel Saget / AFP]
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Des policiers devant le supermarché casher visé par une attaque, à Sarcelles le 19 septembre 2012
 

Pour Jean-Yves Camus, ce "nouvel antisémitisme", qui émane "de jeunes de culture arabo-musulmane" et non plus de l'extrême-droite, remonte en fait à la seconde intifada, fin 2000.

"La majorité des auteurs ne sont pas des islamistes radicaux, mais des gens qui sont dans une référence très confuse au Moyen-Orient, à la Palestine, en même temps qu'à des stéréotypes très anciens sur l'argent et le pouvoir supposé des juifs", souligne le chercheur, lui-même converti au judaïsme.

En France, vivent à la fois la plus importante communauté juive d'Europe occidentale (entre 500.000 et 700.000 personnes) et la plus grosse communauté musulmane (au moins 4 millions de personnes).

Pour Jean-Yves Camus, les pouvoirs politiques, toutes étiquettes confondues, ne sont pas restés passifs face à ce regain d'antisémitisme. "Mais rien n'y a fait", dit-il, car le phénomène "s'auto-nourrit: cet antisémitisme entraîne une image de plus en plus négative de l'islam et des musulmans dans la société française, qui entraîne en réaction une crispation identitaire et une hausse de l'antisémitisme..."

Les actes islamophobes ont d'ailleurs augmenté de 28% en 2012.

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