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Albert Chennouf : "Je ne vis ni dans la haine, ni dans la guerre"

Albert Chennouf : "Je ne vis ni dans la haine, ni dans la guerre" Albert Chennouf : "Je ne vis ni dans la haine, ni dans la guerre"[KENZO TRIBOUILLARD / AFP]

Le père d’Abel Chennouf, assassiné par Mohammed Merah le 15 mars 2012, publie « Abel, mon fils, ma bataille » (éditions du Moment). Un an après les événements, alors que les commémorations ont débuté lundi à Toulouse, il se confie à DirectMatin.fr.

 

Qu’avez-vous pensé du discours prononcé lundi matin par Jean-Yves Le Drian en l’honneur d’Imad Ibn Ziaten, la première victime de Merah ?

C’était un discours propre, élégant, subtil. En un mot, digne de la République. Depuis qu’il a pris le dossier en main, sans faire de bruit, le ministre de la Défense a beaucoup œuvré pour que nos doléances soient enfin acceptées. Je pense à la mention « mort pour le service de la Nation » décernée aux parachutistes assassinés, à l’attribution de la légion d’honneur, à leur inscription sur les monuments aux morts,  à leur promotion posthume au grade supérieur. Je fais aussi allusion à la protection juridique dont nous bénéficions désormais. À titre personnel, je songe enfin au statut de pupille de la Nation dont bénéficie mon petit-fils, né après le meurtre d’Abel.

 

Jeudi, ce sont votre fils Abel et son compagnon Mohamed Legouad qui seront honorés. Appréhendez-vous ce moment ?

On dit que j’ai un tempérament plutôt froid, pourtant c’est vrai que j’ai un peu peur d’être submergé par l’émotion. La cérémonie commencera à 11H30 sur la base du 17e régiment de génie parachutiste (RGP), l’unité dans laquelle servait Abel et Mohamed. Nous verrons à ce moment-là.

 

Dans votre livre, vous établissez un parallèle entre votre fils Abel et Mohamed Merah, comme s’ils étaient les deux faces d’une même médaille.

On n’échappe ni à ses origines ni à son passé. À des degrés différents, mon fils et Merah partagent ainsi un lien fort avec l’Algérie. Tous les deux avaient à peu près le même âge, ils étaient nés en fin d’année et partageaient des passions communes pour les automobiles et le foot. L’un s’était engagé dans l’armée, l’autre en avait été refoulé. L’un est parti en Afghanistan pour défendre les couleurs françaises, l’autre pour les détruire. D’une certaine façon, ces deux jeunes étaient faits pour se rencontrer. Peut-être cela sera-t-il le cas dans l’au-delà ? Et Merah devra alors rendre des comptes à Abel et expliquer les raisons de son geste.

 

Vous dîtes que Mohamed Merah est un pur produit de la République. Est-ce à dire que celle-ci est également responsable de son destin ?

Merah demeure un pur produit français, on ne peut pas nier l’évidence. Les services sociaux avaient été alertés depuis longtemps, puis – plus récemment – les services de renseignement. Bernard Squarcini, le n°1 de la DCRI avait lui-même été alerté. Mais rien n’a été fait à temps pour empêcher Merah de nuire. Toutes proportions gardées, je dirais que la France a « créé » Merah, comme les États-Unis ont « créé » Ben Laden.

 

Vous portez un jugement très sévère sur le père de Mohamed Merah…

Je lui en veux particulièrement en effet. Autant j’absous en partie la mère car elle a vécu avec son fils de sa naissance à sa mort.  Autant le père était parti depuis longtemps et à la mort de Merah, il s’est révélé être un opportuniste et un suceur de sang, cherchant à gagner de l’argent grâce à ce drame.

 

Pensez-vous pouvoir pardonner un jour à Mohamed Merah ?

C’est fort possible. Le temps fera peut-être son effet. Mais ce n’est pas à l’ordre du jour. Je ne vis ni dans la haine, ni dans la guerre. Un jour, des voyous m’ont fait savoir qu’ils étaient prêts à aller uriner sur la tombe de Merah ou à déposer dessus une tête de cochon. Je leur ai signifié mon refus et mon rejet définitifs de telles actions. C’est peut-être une faiblesse, mais je suis très respectueux des dépouilles et des morts.

 

 

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