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A Goussainville, l'esprit de clocher résiste au bruit des avions

Un avion survole le 26 novembre 2013 le cimetière de Goussainville, près de l'aéroport de Paris-Roissy [Joël Saget / AFP] Un avion survole le 26 novembre 2013 le cimetière de Goussainville, près de l'aéroport de Paris-Roissy [Joël Saget / AFP]

L'église a sauvé le vieux village de Goussainville des bulldozers que lui promettait la bruyante proximité de l'aéroport de Paris-Roissy, mais ce salut tient plus aux dédales de la bureaucratie que du miracle et, aujourd'hui, ce sont les habitants et les commerces qui manquent.

Lorsque l'aéroport a été construit, il y a 40 ans, le vieux Goussainville, à moins de cinq kilomètres des pistes, était voué à la destruction. Trop de bruit. Mais ce petit bourg isolé, à deux kilomètres de la nouvelle ville de Goussainville, a survécu grâce à quelques irréductibles, qui ont refusé de quitter les lieux et ont su tirer avantage du fait que leur église était classée aux monuments historiques.

Saint-Pierre-Saint-Paul, dont une partie date du XIIIe siècle, a été classée il y a 100 ans. Mais ce sont en fait toutes les habitations dans un rayon de 500 mètres autour du clocher qui bénéficient de sa zone protégée.

Aéroports de Paris (ADP) s'était engagé, dans les années 1970, à racheter, à un prix supérieur à celui du marché, toutes les maisons comprises dans les zones jugées trop exposées au bruit.

Une rue de Goussainville, désertée par les commerces et les habitants, le 26 novembre 2013, près de l'aéroport Paris-Roissy [Joël Saget / AFP]
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Une rue de Goussainville, désertée par les commerces et les habitants, le 26 novembre 2013, près de l'aéroport Paris-Roissy

ADP a acquis plus d'une centaine de maisons, avec l'intention de les faire abattre. Mais elle a dû en conserver environ 80, proches de l'église, qui sont aujourd'hui abandonnées, leurs portes condamnées, leurs fenêtres murées, constate Philippe Vieillard, ancien président de l'Association de défense et de sauvegarde du "vieux-pays" de Goussainville.

Depuis la mise en service de l'aéroport, la population totale du vieux Goussainville est tombée de plus de 1.000 à environ 300 habitants, qui vivent avec le bruit.

Quelque 1.500 avions décollent ou atterrissent chaque jour à Roissy, dont la moitié survolent Goussainville, selon Patrick Kruissel, de l'Association de défense contre les nuisances aériennes.

Pour lui, le vieux Goussainville "est un territoire mort".

En 2009, ADP a revendu à la municipalité pour un euro symbolique 80 maisons et propriétés et versé 2,3 millions d'euros pour des travaux de restauration, notamment pour l'église dont les fondations ont été récemment renforcées.

"Faire revenir les habitants"

Mais les moyens manquent pour restaurer les maisons en ruines et, bien que la municipalité cherche à faire revivre la vieille ville, les projets -- artisanat, librairies, tourisme -- se heurtent aussi à une interdiction de construire.

Nicolas Mahieu, bouquiniste et seul commerçant de Goussainville, le 26 novembre 2013, près de l'aéroport de Paris-Roissy [Joël Saget / AFP]
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Nicolas Mahieu, bouquiniste et seul commerçant de Goussainville, le 26 novembre 2013, près de l'aéroport de Paris-Roissy

"Pour faire revenir des habitants, il faut leur donner des logements et des commerces", selon Alain Figuière, conseiller municipal et actuel président de l'association de défense du vieux-pays.

Nicolas Mahieu, bouquiniste, est le seul commerçant du coin. Quand il a repris la boutique de livres d'occasion, en 2003, on lui a dit qu'il "ne tiendrait pas six mois", raconte-t-il.

Il reconnaît d'ailleurs ne voir guère de clients, estimant que 99 pour cent de ses ventes se font sur internet.

Malgré le bruit et les difficultés, les rares propriétés qui arrivent sur le marché s'envolent, "à peine mises en vente", assure Colette Murillo, conseillère municipale et habitante du vieux-pays.

Certes, en l'absence de commerces d'alimentation, "il faut une voiture" pour faire les courses, reconnaît Ramith Benedict, un étudiant originaire du Sri Lanka. Pourtant, avec sa famille, il a choisi de s'installer dans un pavillon au voisinage d'une grange au toit effondré, "parce que le loyer n'est pas trop cher".

Et Goussainville a rejoint récemment une plus large communauté d'agglomération, qui comprend notamment la ville de Roissy, enrichie par les retombées économiques de l'aéroport. De quoi "redonner espoir" à Colette Murillo, qui espère voir le "vieux-pays" bénéficier bientôt lui aussi de la manne.

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