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La semaine de Philippe Labro : le sacrifice américain, le sacre d’un Anglais

Philippe Labro est écrivain, cinéaste et journaliste. [THOMAS VOLAIRE]

Philippe Labro est écrivain, cinéaste et journaliste. Chaque vendredi, pour Direct Matin, il commente ce qu'il a vu, vécu et observé pendant la semaine. Un bloc-notes subjectif et libre.

 

VENDREDI 6 JUIN

A chaque fois que je m’y rends, l’émotion me saisit à la gorge. Ces milliers de petites croix blanches, alignées dans le silence et la verdure du cimetière de Colleville-sur-Mer, en Normandie, ces milliers de destins d’Américains jeunes et inconnus qui périrent en ce jour inoubliable, comment serait-il possible de les ignorer ?

Le 6 juin 1944, dont on célèbre aujourd’hui le 70e anniversaire, aura été la plus prodigieuse entreprise militaire de l’Histoire, une faramineuse élaboration due à des ingénieurs, des constructeurs, des stratèges, au génie de cette nation d’inventeurs et de bâtisseurs qui s’appelle l’Amérique, avec, à ses côtés, l’Angleterre, le Canada, et une poignée de Français.

Il est logique, utile, nécessaire, que ce chiffre rond (70 ans) soit respecté et donne lieu à des cérémonies de grande ampleur. Parfois, on est en droit, particulièrement en France, d’éprouver une certaine lassitude au moindre anniversaire de tel ou tel événement, telle ou telle disparition de tel ou tel artiste, politique, savant.

Nous avons la «commémorativité» chevillée au corps. En revanche, pour ce 6 juin 2014, le rappel de ce qui faillit (pendant de longues heures terribles) s’achever en désastre puis, par la force d’appui, la certitude des chefs, l’héroïsme absolu des troupes, l’irrésistible rouleau compresseur d’une machine à nulle autre pareille, est tout à fait estimable.

C’est aussi la confirmation de la formule d’un jeune homme appelé Michel Sardou, dans une chanson qui date de 1967, intitulée Les Ricains :«Si les Ricains n’étaient pas là, Vous seriez tous en Germanie, A parler de je ne sais quoi,A saluer je ne sais qui.»

Je me souviens qu’à l’époque – nous sommes un an avant la «grande révolution» de Mai 1968 – les paroles de Sardou avaient fait ricaner les idéologues du politiquement et intellectuellement correct : comment, on osait rendre hommage aux «Ricains», qui étaient en train de s’embourber au Vietnam ? Ironie et dérision du cours des choses : ce sont, aujourd’hui, unanimes, tous les contempteurs, ou leurs héritiers, qui admettent que ce grand mouvement de reconquête de la liberté en Europe doit être attribué à une coalition internationale, certes (sans compter que de l’autre côté, à l’Est, l’armée soviétique fut déterminante), mais dominée par l’ingénierie et le sacrifice de la nation américaine. Voilà pourquoi la célébration d’aujourd’hui efface tout autre événement de la semaine.

Il n’empêche : qu’on me permette, au moins, un autre coup de chapeau, en un court flash-back. 

 

DIMANCHE 1er JUIN 

Jonny Wilkinson fait gagner à Toulon le championnat de France de rugby à XV. Sur 18 points, il en marque 15. Il a l’immense sagesse de s’arrêter au sommet. Le demi d’ouverture anglais de légende figure, dans le palmarès des champions d’exception, en tête de liste.

Dans peu de sports (individuels ou collectifs) on aura observé un tel exemple d’élégance, modestie, intelligence. Je n’ai jamais lu, dans les multiples portraits qui lui ont récemment été consacrés, une seule vulgarité, une seule bêtise, une seule banalité.

Quel destin, désormais, va connaître cet adepte du bouddhisme qui se passionne pour la physique quantique et travaillait plus que tout autre, ses drops et coups de pied ? La deuxième vie de Sir Jonny Wilkinson, est un roman que lui seul peut écrire.

 

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