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La Poste offre un service de visite à domicile chez les personnes âgées

Ce nouveau service, proposé par la Poste, ne semble pas faire l'unanimité.[CHRISTOPHE ARCHAMBAULT / AFP]

Depuis le 22 mai dernier, La Poste propose le service : «Veiller sur mes parents». Le principe est simple et semble partir d'une bonne intention : grâce à un abonnement mensuel, les facteurs rendent visite aux personnes âgées pour s'assurer de leur bonne santé.

Avec «VSMP», le facteur doit s'arrêter chez l'habitant et vérifier s'il se porte bien. Les seniors en question peuvent également être connectés à un centre de téléassistance, disponible toute la semaine à n'importe quelle heure, qui se charge d'appeler les pompiers ou tout autre service en cas de problème. 40.000 facteurs ont déjà commencé à se former pour offrir ce service facturé sous forme d'abonnement entre 19,90 et 139,00 euros par mois, en fonction du nombre de visiste hebdomadaire. 

Fausse bonne idée

Avant son lancement, le service avait été testé dans quelques régions de France. «Le but, c'est vraiment de lutter contre l'isolement et de rassurer les proches», expliquait la direction de La Poste à l'Express. Et pourtant, «Veillez sur mes parents» suscite quelques craintes chez les facteurs. Selon certains, ce service est inutile puisqu'ils le rendent déjà depuis des années. Interrogé par Le Monde, Pascal Frémont, facteur en Loire-Atlantique et délégué syndical SUD-PTT, s'est ainsi inquiété : «On marchandise quelque chose qu'on faisait gratuitement. Or tout le monde ne pourra pas le payer», a-t-il confié au quotidien.

Sur Europe 1, il a réitéré son appréhension : «En tant que facteur, nous avons un rôle social. On discute quand on peut, quand on a le temps aussi. Pour nous, le service public doit être ouvert à tous et non seulement à une certaine catégorie de personnes qui peut se l'offrir».

Sur Twitter, c'est une ancienne factrice de la Creuse qui déplore cette «marchandisation du service public», arguant que La Poste encourage depuis longtemps ses employés à ne s'en tenir qu'à la livraison du courrier, limitant les interactions sociales avec les personnes âgées, pour qui la venue du facteur est parfois leur seule visite de la journée.

«Autrefois, les facteurs faisaient souvent de petites courses pour les personnes isolées, comme leur rapporter leurs médicaments de la pharmacie. On appelait ça l'entraide, en zone rurale où tout le monde se connait, la solidarité est une pratique normale, quotidienne, et nécessaire...», a-t-elle écrit. «Mais ça aussi, on a commencé à l'interdir (aux facteurs), et à tout faire pour qu'il n'aient pas le choix. Transport de courrier, rien d'autre».

Les facteurs dans le flou

Quel impact ces «visites» auront-elles sur le temps de travail des employés de la Poste ? «Si l'on me demande d'aller rendre visite à trois clients, est-ce que ça va rallonger mon temps de tournée ? Est-ce que le travail que je n'aurais pas le temps de faire se répartira sur d'autres postiers ?, s'est interrogé Samuel Ruesche, secrétaire départemental Unsa-Poste dans le Maine-et-Loire, sur Europe 1. «Malgré la baisse de l'activité courrier, les facteurs ne manquent pas de travail. Car depuis plusieurs années le nombre de postiers a baissé».

Ce système permettra-t-il une hausse de recrutement de la part La Poste ? À en croire l'entreprise, c'est possible. Elle a assuré que si le service connaissait un succès important, elle n'hésiterait pas à engager de nouvelles recrues. En attendant, «si cela dépasse du temps hebdomadaire, dans un premier temps, les facteurs seront payés en heures supplémentaires puis les tournées pourront être aménagées».

Un premier essai en 2015

L'entrée en service de «VSMP» surprend d'autant plus qu'un service similaire a été lancé, en 2014 : «Cohésio». En prônant le «lien social», La Poste proposait alors à ses clients jugés «fragiles» ou «isolés» de faire venir les facteurs. Ils étaient ensuite priés de répondre via un smartphone à un questionnaire sur l'état de santé de la personne visitée.

Ce premier essai, sorte de brouillon de «Veillez sur mes parents» réservé aux collectivités et toujours en activité, a révélé quelques couacs. Ainsi, un facteur interrogé par le Monde affirme n'avoir jamais suivi de formation pour Cohésio, alors qu'elle était, là aussi, obligatoire. Il raconte que lorsqu'il avait dû répondre au questionnaire, il s'était retrouvé embêté et n'avait donc rien rempli. «Je ne suis pas médecin, comment savoir ? Du coup, j’ai été convoqué et j’ai écopé d’un blâme». Par la suite, on lui a simplement expliqué que «s'il tient debout, tu dis qu'il va bien».

Pour lui, de Cohésio à «Veille sur mes parents», il n'y a qu'un pas. «Ils sont prêts à tout pour faire du chiffre. Pour 'Veiller sur mes parents' c'est pareil, c'est la nouvelle logique». La CGT a également publié un tract où elle dénonce : «La Poste, le service public n'est pas une marchandise !»

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