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Adrien Taquet : « Ma boussole, c’est toujours l’intérêt supérieur de l’enfant »

Le secrétaire d'Etat à la protection de l'enfance, nommé il y a tout juste deux mois, entend dialoguer avec les acteurs du secteur pour revitaliser l'Aide sociale à l'enfance (ASE)[LUDOVIC MARIN / AFP]

Face aux à la multiplication des critiques à l’encontre de l’Aide sociale à l’enfance (ASE), le secrétaire d’Etat rassemble les acteurs du secteur pour une grande concertation. Les résultats sont attendus avant la fin de l'été.

Vous lancez aujourd’hui une concertation rassemblant de nombreux acteurs de la protection de l’enfance : comment comptez-vous améliorer ce système, vivement critiqué depuis quelques mois ?  

Aujourd’hui, l’objectif était de lancer la concertation avec tous les acteurs de la protection de l’enfance : les départements, les associations, les administrations, les enfants placés ou anciennement placés et les familles. L’objectif est de travailler d’ici fin juin pour aboutir à des propositions concrètes pour améliorer la prise en charge des enfants, ils seront répartis en six groupes de travail. Le timing est serré mais cela me semble nécessaire pour que l’ensemble des mesures soient mises en œuvre début 2020.

La prise en charge des enfants incasables, ceux qui écument les foyers et les familles d'accueil, est remise en cause : est-ce que le système est vraiment adapté ?

Ce terme d’incasable me dérange. En effet, ces enfants vont connaître sept ruptures en moyenne, entre foyers et familles d’accueils. Pour les jeunes les plus en difficultés, ça peut aller jusqu’à douze changements de lieux, avec autant de liens d’attachements rompus. Ma boussole, c’est toujours l’intérêt supérieur de l’enfant. Nous avons, dans la concertation, annoncé un groupe de travail précisément centré sur la question des ruptures de parcours et des moyens pour les éviter. Ce qu’il faut privilégier c’est la construction dans la durée d’un lien d’attachement et d’un cadre sécurisé d’accueil des enfants.

Le modèle de familles d’accueil de l’ASE doit-il être réformé ?

Ce qu’on veut, c’est améliorer ce modèle pour le revitaliser. Les familles d'accueil françaises sont plutôt âgées, 53 ans en moyenne. Or, les départements peinent à recruter de nouvelles familles. Des enfants en grande difficulté, avec des histoires souvent lourdes à porter sont confiés à des assistants familiaux, sans qu’on leur donne forcément les moyens en termes de formation ou d’intervenants extérieurs pour assumer ces situations complexes. Il est nécessaire de revoir les conditions d’exercice de cette profession pour mieux accompagner les familles d’accueil et pour la rendre plus attractive.

Au-delà des familles d’accueils, les départements peinent également à recruter des éducateurs spécialisés : comment comptez-vous pallier ce manque de personnel ?

Nous souhaitons avant tout réfléchir ensemble, départements, État et associations, et construire des référentiels communs sur le « taux » d’encadrement et la formation nécessaire dans les centres d’accueil. Il y a besoin d’homogénéiser un certain nombre de pratiques, et de donner plus transparence.

Comment comptez-vous traiter des enjeux liés à la scolarité des enfants placés ?

Globalement, le niveau de scolarité des enfants placés est plus faible. Ils ont rencontré plus de ruptures et de difficultés que le reste des enfants de leur âge. L’école doit apporter une attention particulière à ces enfants, et c’est déjà le cas.

Mais on pourrait s’inspirer de pratiques déjà existantes, comme les enseignants qui peuvent se déplacer à l’hôpital pour maintenir la scolarité des enfants atteints de maladies de longue durée. 

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La concertation entre départements, administrations et associations a été lancée aujourd'hui, et doit durer jusqu'au mois de juin. [©Secrétariat d’Etat chargé de la protection de l’enfance]

Un SDF sur quatre est un ancien enfant de l’ASE. Les dispositifs, comme les contrats jeunes majeurs, sont-ils suffisants ?

On ne peut pas réduire la question au contrat jeune majeur, parfois vide de contenu, ou s’enfermer dans la limite des 21 ans. C’est pourquoi la stratégie pauvreté qui est en train de se déployer sur tout le territoire, propose d’aider financièrement les départements à condition qu’ils proposent aux jeunes sortants d’ASE un accompagnement vers un parcours universitaire, une formation, un emploi ou pour accéder à un logement. Bref, afin que ces jeunes ne se retrouvent pas sans solution à leurs 18 ans.

Aujourd’hui, au-delà de ce qui a déjà été lancé, je me demande si on a suffisamment mobilisé les dispositifs de l’État déjà existants. La mission confiée à la députée Brigitte Bourguignon doit ainsi permettre de réfléchir à des solutions pour mieux intégrer ces jeunes qui sortent de l’aide sociale à l’enfance, notamment en s’inspirant des expériences positives que l’on rencontre dans les territoires.

Cette semaine était également lancé le collectif « Cause majeur » rassemblant une quinzaine d’associations réunies pour améliorer l’inclusion des jeunes majeurs. Avez-vous vocation à travailler ensemble ?

Rencontrer, dialoguer, réfléchir avec les associations, c’est ce que je fais tous les jours. Je ne peux que me féliciter qu’un nombre important d’acteurs investissent le sujet de l'enfance. Il devrait être en haut de l’agenda politique et ce n’est pas toujours le cas.

J’ai été nommé il y a deux mois. Depuis, nous avons rencontré beaucoup d’acteurs. Des mesures ont déjà été annoncées, par exemple lors du comité interministériel pour la santé du 25 mars avec la mise en place prévue d’un parcours de soin coordonné incluant des soins psy pour les jeunes de l’ASE. 

Nous avons donc commencé à mettre des choses en place, et, là, nos projets se lancent de manière concrète. C’est excitant, mais on ne part pas de rien. Il faut saluer toutes les belles histoires de l’ASE. Des gamins qui étaient mal partis dans la vie, et qui, grâce à notre système parviennent à redresser leurs trajectoires de vie mal embarquées.

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