«Levez la main si vous ne saviez pas que vous auriez à changer vos propres couches aussi». Cette phrase, postée sur Instagram par Ashley Graham, jeune maman et mannequin américain, est un bon résumé du mouvement qui se déploie depuis quelques jours sous le hashtag #Monpostpartum.
Des mères se saisissent des réseaux sociaux pour faire entendre les douleurs et les peurs qu'elles subissent ou ont subi après leur accouchement. Une souffrance selon elles entourée d'un tabou qui empêche les femmes de s'y préparer.
Tout a commencé outre-Atlantique, lundi 10 février, pour la cérémonie des Oscars 2020, lorsque la chaîne ABC et l'Académie ont refusé la diffusion d'une pub sur la convalescence post-partum.
On y voit une femme, réveillée par les pleurs de son nouveau-né. Elle se lève difficilement pour le calmer et se déplace avec peine. Elle semble avoir mal tandis qu'elle se dirige vers les toilettes. A priori pas d'image choquante, obscène ou violente. Pourtant, la publicité a été jugée «trop crue» et censurée.
Le post d'Ashley Graham date du jour suivant. «Personne ne parle de la convalescence que traversent les jeunes mères, écrit-elle. Je voulais vous montrer que ce n'est pas que des arcs-en-ciel et des papillons !»
Depuis, les réactions n'ont cessé d'affluer, y compris en France. Illana Weizman, Morgane Koresh, Masha Sacré et Ayla Linares ont créé le hashtag #Monpostpartum pour permettre aux mères de témoigner de leur vécu. Elles-mêmes ont partagé leurs expériences post-accouchement.
«Si le vécu féminin ne rentre pas dans l’album d’images d’Epinal de la mère resplendissante et épanouie, si son expérience ne vient pas alimenter le mythe, elle est disqualifiée, s'indigne Illana Weizman, contributrice pour Cheek. Et pour les nouvelles mamans n’ayant jamais été exposées à la réalité du post-partum, la descente est violente.»
Ce qu'elles déplorent toutes, c'est avant tout le manque d'informations : «Je n’étais pas préparée parce qu’on ne m’avait pas dit. C’est ce silence que j’accuse», explique ainsi Masha Sacré, qui tient également un blog dédié à l'éducation sexuelle.
#monpostpartum ?? Des règles abondantes durant 9 mois , impossible de faire pipi sans avoir les larmes au yeux , impossible de marcher normalement, des contractions même APRÈS l’accouchement
— (@lisaaliseaa) February 15, 2020
Oh, et je n'ai pas connu cette grosse bouffée d'amour dont parlent certain.e.s. Je me suis attachée à mes enfants au fur et à mesure que je les découvrais, pas du jour au lendemain. Je trouve ça important de le dire parce que pr mon 1er j'ai cru que j'avais un pb #monpostpartum
— Voldemwhore (@Aleewhale) February 16, 2020
Un silence qui, selon les témoignages, engendre honte, souffrance et culpabilité. Avec #Monpostpartum, les mamans ont donc décidé de tout dire : «La douleur, le sang, les larmes, la fatigue, les hémorroïdes, l'incontinence, les points de suture qui tirent, les crevasses sur les tétons...», énumère Morgane Koresh, illustratrice et militante.
Avec le temps, des témoignages positifs sont également apparus sous le même hashtag. «Bien sûr que nous ne vivons pas toutes cette période de la même manière, commente cette dernière. Certaines sont plus affectées que d'autres.» Selon elle, il s'agit de «casser cette idée de bonheur extatique qui nous tombe dessus à la naissance de notre bébé» sans «rien enlever à la joie de la rencontre».
#monpostpartum
Une grossesse merveilleuse, randonnée jusqu'à 8mois, 10h de contraction ou j'ai dormi, accouchement sans péridurale, 5min, 3 poussées, bébé à fait les nuits dès le premier jour de vie, allaitement jusqu'à 8mois sans aucun problème— (@OtsoZuri__) February 16, 2020
Nous avons eu la chance de pouvoir prendre 4 mois à 2 pour rentrer dans la vie de parents.
Bilan après 7 mois:
*un bébé peace and love
*mon #MonPostPartum a été plutôt dou
*mon conjoint est pleinement impliqué dans l’éducation du bébé.— Popo 0,1% (@popocmoi) February 19, 2020
Celles qui témoignent se défendent d'ailleurs de favoriser les craintes des mères en devenir. «Le savoir ne conduit pas à la peur, explique Illana Weizman. La connaissance c'est le pouvoir. La peur c'est de ne pas savoir. La peur c'est de ne pas être préparée.»