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Faut-il avoir peur des «sortants», ces détenus radicalisés libérés de prison ?

Plus de 500 détenus poursuivis pour association de malfaiteurs à but terroriste ou terrorisme islamiste sont incarcérés en France actuellement (image d’illustration).[GEORGES GOBET / AFP]

D’ici à 2022, 250 condamnés pour terrorisme islamiste seront libérés. Si, durant leur incarcération, le système pénitentiaire met en place toute une série de mesures pour tenter de les déradicaliser et préparer leur sortie, le danger qu’ils pourraient représenter une fois à l’extérieur est difficile à anticiper.

S’il est légitime que l’opinion publique s’inquiète de leur retour à la liberté, ces détenus, parmi les premiers à avoir été condamnés pour des faits de terrorisme islamiste, ne sont pas les plus dangereux. «Ils n’ont pas de sang sur les mains, à la différence de ceux qui ont commis des attentats», rappelle Véronique Brocard, auteur du livre Les Sortants : comment la France prépare la sortie des détenus radicalisés ? (éditions Les Arènes). 

Ils ont ainsi été condamnés pour apologie du terrorisme, pour son financement, ou bien pour tentatives, avortées ou réussies, de se rendre en Syrie pour rejoindre Daesh. Aucun d’entre eux n’a d’antécédent meurtrier connu. Mais leur profil incite cependant à la prudence. «Le risque zéro n’existe pas», affirment d’ailleurs, dans l’ouvrage, les spécialistes de la prévention de la récidive.

«ni les enfermer le reste de leur vie, ni les tuer»

D’autant que chez certains de ces détenus, la radicalisation est allée de pair avec une propension à la violence déjà fortement présente. Comment faire, alors, pour que ces personnes qui ont ou vont terminer leur peine, ne deviennent pas un risque pour la société ? Et ne pas revivre un 26 juillet 2016, où Adel Kermiche, un fiché S sorti de prison quelques temps plus tôt - après dix mois de réclusion pour avoir tenté de rejoindre la Syrie - et assigné à résidence sous bracelet électronique en attendant son procès, avait pu sans aucun problème entrer dans une église pour égorger le père Hamel

Comme le rappelle Véronique Brocard, dans un pays de droit comme la France, il est illégal de garder les détenus en prison plus longtemps que leur peine : «ils sortiront de toute façon, c’est comme ça». Un surveillant lui résumait ainsi parfaitement la situation : «on part du postulat qu’on ne peut pas faire un Guantanamo français, qu’on a aboli la peine de mort. On ne va donc ni les enfermer le reste de leur vie, ni les tuer. Ils vont tous sortir un jour de prison. Si on les traite comme des animaux, on sait ce qui va se passer».

Charge donc à l’administration pénitentiaire d’essayer de les déradicaliser, dans un climat carcéral où ils ne se sentiront pas stigmatisés et moins bien traités que les autres.

Une déradicalisation à l'efficacité contrastée

Pour son livre, la journaliste a ainsi passé une année dans des établissements pénitenciers, en observant les mesures prises à propos de ces détenus, baptisés «terros» ou «TIS» (pour «terrorisme islamiste»). «L’administration pénitentiaire s’est rendu compte que lorsqu’ils étaient mis ensemble, ils se radicalisaient encore plus. Et lorsqu’ils étaient avec les autres, ils faisaient du prosélytisme», présente-t-elle. Alors, des quartiers spéciaux leur ont été dédiés, où ils sont pris en charge par des équipes composées notamment de psychologues, d’éducateurs, de dirigeants de l’administration, de conseillers en réinsertion, etc. Avec comme objectif de les détourner progressivement de leur idéologie radicale.

Les détenus problématiques sont alors ceux qui rejettent ces mesures. Ceux dont il est impossible d’espérer les sortir de leur fanatisme religieux. D’autres se montrent plus sournois, en laissant croire à leur bonne volonté, en réalisant les activités sans problème, en faisant semblant de s’ouvrir aux intervenants. Il s’agit de la «taqqiya», un terme qui désigne le fait de cacher ou nier sa foi pour éviter de se faire remarquer. Un «mensonge» qui est parfois détecté, parfois non.

Quelles solutions pour éviter le risque ?

Pour limiter les risques que composent ces individus inchangés par les mesures de déradicalisation, le système empêche qu’ils soient relâchés sans contrôle dans la nature. «La plupart doivent être inscrits au Fijait (fichier des auteurs d’infractions terroristes), qui les oblige à pointer au commissariat ou à la gendarmerie», décrit Véronique Brocard. «S’ils déménagent, ils le signalent, s’ils ont un changement dans leur vie, ils le signalent. Ils peuvent aussi avoir des assignations à résidence, où ils sont obligés de rester dans leur quartier, dans leur ville, dans leur région, pour les empêcher de trop circuler. Et pour les plus dangereux, ou supposés comme tel, ils sont suivis par la DGSI, le renseignement».

Des conditions qui peuvent suffire pour la plupart, mais n’empêchent malheureusement pas des récidives ou un passage à l’acte violent (comme pour Adel Kermiche). D’autres solutions plus sécurisantes peuvent-elles alors exister ? Dans ce sens, une proposition de loi obligeant les détenus condamnés pour terrorisme à se présenter trois fois par semaine aux forces de l’ordre dans les cinq ans suivant leur peine, d’être interdit de paraître dans des lieux déterminés, de rencontrer certaines personnes, ou d’obtenir l’accord de la juridiction pour changer de résidence ou d’emploi, avait été présentée en juin. La géolocalisation par un bracelet électronique avait également été abordée, avant d’être retirée. Un recul insuffisant, le Conseil constitutionnel ayant rejeté en bloc le texte, jugé contraire aux libertés fondamentales.

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