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La semaine de Philippe Labro : la liberté de penser, la liberté de chanter

[AFP]

Philippe Labro est écrivain, cinéaste et journaliste. Chaque vendredi, pour CNEWS, il commente ce qu'il a vu, vécu et observé pendant la semaine. Un bloc-notes subjectif et libre.

MERCREDI 23 SEPTEMBRE

Il était 15h, en l’église de Saint-Germain-des-Près, à Paris. Une messe y était dite à la mémoire de Jean-Loup Dabadie. Disparu en pleine crise sanitaire, le 24 mai dernier, il n’avait pu être honoré à sa mesure. Or, cet homme singulier aux multiples talents, ce parolier de Julien Clerc, de Michel Polnareff,  de Serge Reggiani et de douzaines d’autres, ce scénariste-dialoguiste des grands films de Claude Sautet, cet académicien souriant, bourré de charme, d’esprit, d’intelligence, cet amoureux des mots, auteur des sketches irrésistibles de Guy Bedos, bref, ce merveilleux personnage éclectique – qui fut mon ami dès le lycée, à 15 ans ! – méritait bien, en effet, cet hommage.

La messe était longue et fastidieuse, hélas, mais elle a été sauvée par les témoignages poignants de ses trois enfants, Florent, Clémentine et Clément – et par un coup de génie de Nicolas Bedos, dont Dabadie était le parrain. Vers la fin, le brillant héritier de Guy Bedos a d’abord prononcé un beau discours, vivant, drôle, intimiste, et, soudain, devant une assemblée jus­qu’alors un peu figée, il a sorti son portable, appuyé sur quelques applications et lancé Ma préférence, l’un des plus beaux succès de Julien Clerc, écrit par Jean-Loup Dabadie.

Collant le portable sur le micro situé au milieu de l’autel, il fit alors résonner les paroles et la musique dans cette église qui s’était voulue si traditionaliste et devant quelques académiciens qui n’en croyaient pas leurs oreilles. Julien Clerc envahissait le lieu, l’assistance reprenait le refrain final, et donnait à ce qui aurait pu être un moment guindé, l’allure et l’ambiance d’une séquence de Nous irons tous au paradis, film aux dialogues signés Dabadie. On s’est mis à applaudir, le carcan était brisé, nous n’étions plus à la messe, mais, grâce à Nicolas Bedos, nous offrions à Jean-Loup, dont le beau visage (une grande photo en noir et blanc) occupait l’espace entre des bouquets de fleurs, le véritable au revoir dont l’épidémie de Covid-19 l’avait privé.

Ce même jour, il s’est produit un événement important : face à la violence des mots, les menaces sur les réseaux sociaux, les pressions diverses venues d’organisations terroristes, voire de certains Etats, et à l’occasion du procès des victimes des attentats de  janvier 2015, toute la communauté journalistique française publie un message solennel : «Ensemble, défendons la liberté.» CNEWS, votre journal, participe, bien sûr, à cet appel réunissant plus de soixante organes d’information et d’opinion.

C’est sans précédent : une liste impressionnante, allant des journaux les plus modestes jusqu’aux médias les plus lus ou regardés. Dans l’ordre alphabétique, cela commence avec L’Abeille de la Ternoise et cela s’achève avec Vosges Matin. Entre ces deux titres, il y a toutes les chaînes de télévision et de radio nationales, les magazines d’opinion et d’influence, bref, tout ce qui compose, en France, dans notre pays des droits de l’homme et du citoyen, la transmission de l’information, la critique, la caricature ou la polémique, tout ce qui contribue à défendre la liberté. La «Lettre ouverte à nos concitoyens» se conclut par une évidence, une mission : «Plus que jamais, dans cette époque incertaine, nous devons réunir nos forces pour chasser la peur et faire triompher notre amour indestructible de la liberté.»

«Incertaine», notre époque. L’adjectif est en effet bien choisi. J’en ajouterais un autre : «inattendue». Qui, il y a encore quelques jours, pouvait imaginer que le débat sur la succession d’une juge à la Cour suprême des Etats-Unis ferait rebondir à ce point la campagne électorale présidentielle américaine, qui entre dans ses quarante derniers jours ? Qui pouvait prédire que Donald Trump, habile stratège politique, y gagnerait peut-être de quoi gagner ?

L’automne est là. Faisons tous en sorte que ce soit la saison de la liberté de s’exprimer, de penser et de rire.

Retrouvez toutes les chroniques de Philippe Labro ICI

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