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La semaine de Philippe Labro : la volonté de gagner, le courage de se battre

[GERARD JULIEN / AFP]

Philippe Labro est écrivain, cinéaste et journaliste. Chaque vendredi, pour CNEWS, il commente ce qu'il a vu, vécu et observé pendant la semaine. Un bloc-notes subjectif et libre.

mercredi 6 octobre

Tapie. Tandis qu’une messe se déroule aujourd’hui à Saint-Germain-des-Prés et qu’à Marseille, toutes celles et ceux qui ont aimé cet homme singulier se préparent à une cérémonie dans ce Vélodrome qui pourrait vite devenir – on en parle – le Stade Bernard-Tapie, puis, vendredi, à un enterrement au cimetière de Mazargues, il y a lieu de s’interroger. Qui était-il ? D’où lui venait ce désir de vaincre, cette volonté de surpasser les obstacles, de défier la mort ?

Tout a été dit et écrit sur lui depuis l’annonce de sa disparition, et les meilleurs portraits, entretiens, bilans, ont été publiés, ainsi que de multiples documents télévisés – tout, ou presque. Le livre de notre confrère Franz-Olivier Giesbert, Bernard Tapie : leçons de vie, de mort et d’amour (éd. Presses de la Cité), est à recommander. Alors, modestement, après cette légitime déferlante, essayons quel­­ques indices de réflexion. Il y a d’abord, cité par Paul Molga dans Les Echos du 4 octobre, le principe de «l’élan vital» du philosophe Henri Bergson – auquel, très souvent, se référait le général de Gaulle.

«Certains êtres vivants sont habités par ce qui est bien plus encore que de l’énergie»

Certains êtres vivants sont habités par ce qui est bien plus encore que de l’énergie. Une capacité de résilience. D’où vient-elle ? Est-ce dans l’ADN d’une personne ? Pas forcément. Ce sont, me semble-t-il, les circonstances, l’enfance et la jeunesse, qui fabriquent ce genre de posture face à tout événement. Il y a, ensuite, chez Tapie, un don pour le verbe, l’expression, la communication, la faculté de dire les choses avec un bagout, un talent de raconteur, un sens du public, du «populo». Etre «street wise» : la sagesse de la rue. Il y a, aussi, un amour de la réussite, de la «gagne» (la fameuse expression des footballeurs à la mi-temps d’un match difficile : «On ne lâche rien»), soutenu par un optimisme à tous crins, une audace qui séduisait les Français, malgré le travers national du dénigrement, de la jalousie et, parfois même, leur détestation de la réussite. Eh bien, Tapie les emportait, comme Johnny Hallyday, mû par «l’envie d’avoir envie», le besoin «d’allumer le feu». Oui, il y a quelque chose de Hallyday en Tapie, ou de Tapie en Hallyday.

Des hommes venus de nulle part, en qui les anonymes se reconnaissent. Et, une fois l’instant fatal venu, oubliant les glissements de comportement, les truqueries, les condamnations, les mises au cachot, on lui trouve comme un air de Monte-Cristo. La revanche sur la honte et le mépris, sur les erreurs et les punitions. Enfin, le courage. A partir du moment où Bernard Tapie s’est retrouvé confronté au cancer, sa franchise, son acharnement à le combattre, l’exemple qu’il donnait à tant d’autres, il a gagné en stature. Avoir souffert, souffrir, savoir parler de cette souffrance, montrer que l’on peut et que l’on doit l’affronter, la dominer, lui a conféré, aux yeux de l’opinion publique, une aura de rédemption.

«Les mille vies de Tapie, ses mille exploits comme ses mille dérapages, ont construit son destin»

On pardonne beaucoup à celui qui lutte contre la mort et qui ose en parler. Non seulement, on lui pardonne, mais on éprouve une manière de gratitude. André Malraux écrivit un jour que la mort transforme la vie en destin. Les mille vies de Tapie, ses mille exploits comme ses mille dérapages, ont construit son destin. Il est évident, enfin, que l’amour et l’amitié qui l’ont entouré – en premier lieu, l’amour de sa femme et de ses enfants – ont contribué à la définition de ce personnage indéfinissable. L’amour, en fin de compte, qui est au-dessus de tout.

Je tiens à signaler la nouvelle sortie au cinéma, en version restaurée, du chef-d’œuvre d’Alain Cavalier, Thérèse, prix du Jury à Cannes en 1986 et six fois césarisé en 1987. Trois salles à Paris et plus d’une vingtaine en province le projettent. Le jeune Cavalier (il n’a que 90 ans) va faire le tour de France pour le présenter à la presse locale et aux spectateurs. C’est une chance.

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