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L'édito de Paul Sugy : «Antifascisme en carton-pâte»

Dans son édito de ce lundi 1er novembre, Paul Sugy, journaliste au Figaro, revient sur les affrontements samedi à Nantes entre la police et des manifestants anti-Eric Zemmour, protestant contre la venue du polémiste pour un meeting au Zénith de la ville.

Alors, qu’Éric Zemmour n’en finisse plus de faire résonner à grand fracas le tintamarre des bonnes consciences, voilà qui ne fait pas l’ombre d’un doute que son arrivée en politique crée des remous. Mais les scènes de chaos filmées autour du zénith de Nantes n’en sont qu’un vague et lointain symptôme : Zemmour, ici, est hors-sujet.

Samedi, sa venue à Nantes n’était que le dernier prétexte à la mode pour que des révolutionnaires en carton-pâte aillent cogner à grand coups de caddies la police, leur seule et véritable ennemi, l’unique objet de leur ressentiment. C’est que l’extrême gauche radicale mendie en guise de pain quotidien son lot rituel d’indignations faussement outrées, comme autant d’occasions de sortir mimer sa révolution de pacotille.

Leur parodie de violences anarchistes est un vaste théâtre où les rôles sont connus d’avance : côté cour, trois ou quatre grenouilles menacées d’extinction ; côté jardin, quelques bribes de manifeste vaguement inspirées de leur lecture de Bakounine en version abrégée pour CE1, et voilà que sur scène ces bouffons vous rejouent la dramaturgie de la ZAD. Remplacez en l’espèce les batraciens menacés par un politicien angoissé, et les zadistes vous jouent cette fois la comédie de la République en danger.

Que l’AFP, au passage, ait cru voir samedi des heurts entre pro- et anti-Zemmour ne change rien à l’affaire : son seul tort ici est d’avoir répété en jubilant, mais peut-on cette fois lui en vouloir, que l’extrême gauche était l’un des fléaux responsables du déclin français. Autour de la salle, en affrontant violemment et en toute impunité les forces de l’ordre, ces militants semblaient curieusement s’acharner à vouloir lui donner raison.

Par tous les saints du Ciel, qu’on fête d’ailleurs en ce jour de Toussaint, peut-on cesser de les appeler encore « antifascistes » ? C’est leur faire bien trop d’honneur.

Vous savez qu’on fait dire à Marx que l’histoire se répète toujours deux fois, la première comme tragédie et la seconde comme farce ; aujourd’hui on ne compte plus les occurrences de la médiocre comparaison entre la vie politique contemporaine et les années 30 : ce n’est plus une farce, c’est un triste carnaval où l’on se hasarde sans y croire à des comparaisons bancales pour tâcher d’oublier que l’on a rien à dire. Si Zemmour est fasciste, où sont ses faisceaux ? S’il est pétainiste, où est le képi ?

La cohorte des nervis d’extrême gauche aux prises avec les forces de l’ordre ne crient au fascisme que pour mieux se faire mousser ; les taxer d’antifascisme, c’est insulter le passé. C’est se moquer d’un Malraux ou d’un Bernanos, exilés volontaires dans une Espagne en proie à la guerre civile parce que la perspective de se faire descendre par les franquistes n’a pas suffi à leur faire renoncer à leurs idéaux de jeunesse. C’est avoir oublié le geste héroïque d’un Claus von Stauffenberg ou le dévouement d’une Sophie Scholl.

Qu’ils l’aient seulement connu et affronté, le fascisme, nos petits Nantais en mal de sensations fortes ! Alors peut-être auraient-ils médité avec Bernanos sur la complexité de l’histoire, qui résiste souvent à l’analyse des simples d’esprit et des schémas manichéens. L’auteur des Grands cimetières sous la lune écrivait ainsi :

« La guerre d’Espagne est le charnier des principes vrais et faux, des bonnes intentions et des mauvaises. S’il est un spectacle digne de compassion, c’est bien celui de ces malheureux accroupis depuis des mois autour de la marmite à sorcière et piquant de la fourchette, chacun vantant son morceau — républicains, démocrates, fascistes ou antifascistes, cléricaux ou anticléricaux, pauvres gens, pauvres diables. »

Décidément l’antifascisme, c’était mieux avant.

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