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L'édito d'Eugénie Bastié : «Antilles, une révolte sanitaire ou identitaire ?»

Dans son édito de ce mercredi 24 novembre, Eugénie Bastié, journaliste au Figaro, revient sur la situation en Guadeloupe et en Martinique, sur fond de crise sanitaire et sociale.

Hôpitaux bloqués par des barrages filtrants de soignants antivax, policiers blessés, armes de guerre dérobés, tirs à balles réelles sur les forces de l’ordre : oui la situation est très grave, et semble avoir totalement échappé au gouvernement, puisque le ministre de l’Outre-Mer Sébastien Lecornu, à la tête de l’Association de soutien à la réélection d’Emmanuel Macron a annoncé seulement hier et sans donner de date précise, qu’il se rendrait sur place.

Si l’état semble dépassé, est-il pour autant responsable de cette situation chaotique ? Est-ce vraiment l’attitude arrogante de la métropole qui est la cause de ces émeutes, qui ressembleraient à celles des gilets jaunes comme on l’entend parfois ? Il semble au contraire que le gouvernement ait été plus indulgent pour les territoires ultramarins puisque l’échéance de l’obligation vaccinale des soignants, prévu mi-septembre dans la métropole y avait été repoussée.

Les soignants y ont même obtenu une dérogation : celle de pouvoir se faire vacciner avec des vaccins sans ARN-messager, pourtant moins efficaces, et les pompiers non vaccinés le droit à un test PCR gratuit toutes les 72h. Alors que ces territoires se plaignent souvent d’avoir un traitement différencié de celui de la métropole, c’est ce qu’ils réclament en matière vaccinale, avec succès.

Tout le monde a en tête le précédent des grandes grèves de 2009 qui avait pour objet la vie chère en Guadeloupe, et certains projettent la révolte des gilets jaunes aux Antilles. Certes, la Guadeloupe cumule la misère économique et le dénuement sanitaire. Certes le précédent de la chlordécone, pesticide utilisé pendant des années sur l’ile avec des conséquences sanitaires très graves jette une suspicion paranoïaque envers ce qui vient de la métropole.

Mais est-ce uniquement cela qui explique l’extraordinaire défiance des habitants des Antilles envers le vaccin ? le taux de vaccination des adultes est de près de 90% dans la métropole pour seulement 46% en Guadeloupe 40% en Martinique et 28% en Guyane. L’exemple de Christiane Taubira, qui avait refusé d’inciter les guyanais à la vaccination, ce qui montre à quel point les responsables locaux sont tenus par les opinions de leurs admnistrés. Il y a une dimension postcoloniale et identitaire dans cette révolte, dont le vaccin n’est qu’un prétexte.

«Il semblerait que chez nous, ne pas se vacciner soit également un fait de patriotisme, analysait par exemple le directeur général du CHU dans le Figaro. On affirme sa guadeloupéanité en refusant le vaccin». L’ancien ministre socialiste des Outre-mer, Victorin Lurel, a déclaré sur Franceinfo voir chez les manifestants «un combat anticolonialiste, anti-France, anti-autorité, antisystème et personne n’ose le dire». Ce n’est pas la «présidence verticale» qui est en jeu, comme l’a dit Valérie Pécresse lors du débat LR, mais l’autorité de l’Etat. Face à la minorité jeune radicalisée et violente qui agite la Guadeloupe, la réponse simplement économique (comme les 600 millions deversés en 2009), sécuritaire ou sanitaire ne suffiront pas.

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