En direct
A suivre

Grève : les maires peuvent-ils mettre des cars à disposition de leurs agents pour aller manifester ?

Plusieurs maires ont décidé d'affréter des cars pour que leurs agents puissent aller manifester. Plusieurs maires ont décidé d'affréter des cars pour que leurs agents puissent aller manifester. (Photo Archive)[© PHILIPPE LOPEZ / AFP]

Alors que plusieurs maires ont annoncé mettre des cars à disposition de leurs agents, afin qu'ils puissent se rendre à la manifestation contre la réforme des retraites prévue ce mardi 7 février à Paris, la question de la neutralité du service public se pose.

Est-ce seulement légal ? Les maires peuvent-ils mettre des cars à disposition de leurs agents pour aller manifester ? Si la pratique est loin d'être nouvelle, la question n'est toujours pas tranchée et continue de faire polémique. A ce jour, au-delà de l'aspect légal de ces décisions, c'est davantage la question de «la neutralité du service public» qui est invoquée par les personnes, souvent d'opposition, qui se positionnent contre cette pratique.

«une vraie question politique»

Une zone grise du droit français que même le ministre du Travail Olivier Dussopt a décidé de balayer. Interrogé le 27 janvier dernier au sujet de la décision de certains maires de participer activement à la mobilisation contre la réforme des retraites, il avait préféré parler d'un problème «moral ou politique». «C'est une vraie question politique, en termes de neutralité et de respect des convictions des concitoyens, des administrés qui, pour certains, sont opposés à la réforme et pour d'autres, favorables».

A Pantin, en Seine-Saint-Denis (93), le maire socialiste Bertrand Kern a annoncé le 3 février dernier sur Facebook mettre des cars à disposition de ses agents, se disant prêt à se battre «contre cette réforme qui touche d'abord et avant tout les femmes et les plus fragiles». «Nous poursuivrons le combat encore mardi prochain et je soutiendrai une nouvelle fois le mouvement en mettant à disposition 4 cars au départ de la mairie», avait-il ainsi expliqué.

Pour le conseiller municipal d'opposition Geoffrey Carvalhinho, cette décision «n'a rien à voir avec le fonctionnement d'une collectivité territoriale». L'élu parle même d'une «mauvaise utilisation de l'argent public», pratique qui peut être selon lui «signalée à la Chambre régionale des comptes (CRC)». En outre, celui qui est également conseiller régional regrette que cette décision – qu'il a apprise sur les réseaux sociaux – n'ait pas été soumise au conseil municipal.

Lui, qui «n'ose imaginer les montées au créneau si une municipalité de droite affrétait des bus pour un meeting politique par exemple», se dit prêt à «faire un signalement à la CRC, qui prendra ensuite toutes les dispositions». Et c'est bien là que le flou juridique est entier : sans signalement et sans plainte, tant que cela ne dérange personne pour ainsi dire, les maires semblent pouvoir faire ce qu'ils veulent. Dans le cas contraire, les dossiers sont traités au cas par cas.

Des vieux cas de jurisprudence

Quelques cas similaires ont d'ailleurs fait jurisprudence. En 1990, le Conseil d'Etat avait jugé illégale la prise en charge dans le budget communal des frais de transport de certains participants à une manifestation pour la «défense de la sécurité sociale» et à une «marche de la paix» organisées 3 ans plus tôt. A l'époque, l'institution avait fait valoir que cette décision «ne présentait pas un caractère d'utilité communale», s'appuyant sur le principe de neutralité du service public.

Même chose en 1997, lorsque la commune de Béziers avait participé aux frais de transport des différentes associations organisatrices d'une manifestation pour la défense de l'école publique, le 16 janvier 1994 à Paris. Le Conseil d'Etat avait alors estimé que «cette participation au financement d'une manifestation de portée nationale ne présentait pas un caractère d'intérêt communal», citant l'article L. 2121-29 du code général des collectivités territoriales qui stipule que le conseil municipal ne doit régler par ses délibérations «que «les affaires de la commune».

La mise à disposition de cars pour aller manifester n'est pas la seule décision politique qui a choqué ces derniers jours, puisqu'à Paris, par exemple, plusieurs élus se sont indignés cette semaine de l'installation d'une banderole «Mairie solidaire avec le mouvement social», déployée sur la façade de l'Hôtel de Ville. La semaine dernière déjà, la fermeture de la Mairie de Paris par «solidarité» avait créé la polémique, alors qu'Anne Hidalgo avait répondu à l'appel de Fabien Roussel qui invitait les maires à fermer leur mairie.

À suivre aussi

Ailleurs sur le web

Dernières actualités