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«Est-il humain de s'exiler pour mourir ?» : Katherine, 68 ans, a fait une demande d'euthanasie en Belgique

En Belgique l'euthanasie est dépénalisée depuis 2002. [ETIENNE ANSOTTE / BELGA / AFP]

Ce dimanche 2 avril, la Convention citoyenne sur la fin de vie s'est dite majoritairement favorable à l'ouverture en France d'une aide active à mourir. Une lueur d'espoir pour Katherine, qui prévoit d'avoir recours à l'euthanasie.

Le simple fait de respirer n'est plus une évidence pour Katherine Icardi Lazareff. Malgré l'assistance respiratoire, elle cherche son souffle et peine à parler. Atteinte de la maladie de Charcot, qu'elle sait incurable, cette femme de 68 ans a décidé d'avoir recours à l'euthanasie, en Belgique, pour mettre fin à ce quotidien qui l'effraie plus que la mort.

Dans sa situation, la sexagénaire a attentivement suivi les débats de la Convention citoyenne sur la fin de vie, dont les travaux se sont achevés ce dimanche 2 avril. Ses membres ont adopté un rapport qui fait notamment état d'une position majoritaire en faveur d'une ouverture de l'euthanasie et du suicide assisté.

Avant son diagnostic il y a deux ans, Katherine Icardi Lazareff n'aurait jamais pensé être un jour directement concernée par le sujet. La sclérose latérale amyotrophique (SLA), aussi appelée maladie de Charcot, a tout changé. Dégénérative, cette pathologie détruit les neurones moteurs et provoque une paralysie progressive qui conduit au décès dans les 3 à 5 ans.

Aujourd'hui, Katherine Icardi Lazareff se débat avec un quotidien qu'elle «n'aurai[t] même pas imaginé deux ans auparavant». «Je suis paralysée, j'ai beaucoup de problèmes de respiration et je suis appareillée pratiquement toute la journée et toute la nuit. J'ai des difficultés à écrire et je ne tiens plus debout. Je suis obligée d'utiliser le lève-personne, manipulé par une aide à domicile, pour me mettre dans le fauteuil ou aller aux toilettes».

Si sa demande d'euthanasie a été acceptée en Belgique, la sexagénaire n'a pour l'heure pas fixé d'échéance précise pour la procédure. «Le jour où je ne pourrai plus parler, où je sentirai que c'est trop compliqué, je me positionnerai sur une date», explique-t-elle. Avant de préciser qu'elle espère «que la loi passera en France» d'ici là.

Car, «est-il humain de s'exiler pour mourir ?». Ce voyage en Belgique s'annonce «très difficile émotionnellement» et cette mère s'inquiète pour ses trois enfants. «On part avec sa maman et on revient sans elle. Ils sont prêts à l'accepter si je souffre trop mais je préfèrerais mourir chez moi, entourée des miens.»

La sédation profonde autorisée en France

A l'heure actuelle, en France, la fin de vie est encadrée par la loi Claeys-Leonetti. Elle prévoit une «sédation jusqu’au décès» pour les malades en phase terminale et aux souffrances inapaisables, sans pour autant permettre de provoquer activement leur décès ou leur en donner les moyens.

La sédation profonde n'était toutefois pas envisageable pour Katherine Icardi Lazareff. D'abord parce qu'elle n'entre pas dans le cadre d'éligibilité, étant donné qu'elle n'est pas «en fin de vie à court terme», mais aussi parce que ces soins palliatifs lui «font peur». «Ça me fait penser à une agonie, le temps que ça va prendre pour que mon corps lâche. Je pense à mes enfants qui vont venir voir chaque jour si leur maman est morte. C'est inhumain. Je préfère m'endormir comme pour une anesthésie.»

L'aide active à mourir, à laquelle la Convention citoyenne s'est dite majoritairement favorable, recouvre à la fois le suicide assisté et l'euthanasie. Le premier revient à fournir au malade le moyen de mettre lui-même fin à sa vie. L'euthanasie, elle, correspond, selon la définition retenue par le Comité consultatif national d'éthique, à un «acte destiné à mettre délibérément fin à la vie d’une personne atteinte d’une maladie grave et incurable, à sa demande, afin de faire cesser une situation qu’elle juge insupportable». Dans ce cas, le produit létal est donc administré par un tiers.

Katherine Icardi Lazareff a choisi cette dernière option car sa maladie évolue vite et ne lui permet pas «mécaniquement de faire le suicide assisté». Elle a été aidée dans ses démarches par l'Association pour le droit de mourir dans la dignité (ADMD), qui l'a orientée vers la Belgique, où l'euthanasie est dépénalisée depuis 2002.

Une «porte de sortie»

La législation belge stipule que la demande doit répondre à une souffrance «constante, insupportable et inapaisable», résultant d'une affection «grave et incurable». Deux avis concordants, celui du médecin généraliste et celui d'un spécialiste, doivent par ailleurs être recueillis pour que l'injection létale ait lieu.

Comme le veut la loi, la Française a fait établir un certificat médical établissant qu'elle est «en pleine possession de [ses] moyens intellectuels pour prendre une telle décision». Elle a échangé à plusieurs reprises avec les médecins, qui ont également rencontré ses enfants.

«Ça a été difficile pour eux, reconnait-elle. J'étais condamnée de toute façon par une maladie qui est vraiment horrible. Deux de mes enfants m'ont dit qu'ils feraient la même chose à ma place. Mon autre garçon a d'abord été plus réservé, mais ensuite il a compris. C'était très important pour moi qu'ils soient d'accord.»

Paradoxalement, Katherine Icardi Lazareff estime aujourd'hui que cette procédure d'euthanasie est «peut-être ce qui [la] fait aller plus loin dans [sa] maladie». «C'est le soulagement qui domine, parce que je sais que j'ai une porte de sortie, qu'à un moment donné je peux dire stop. Je ne suis pas suicidaire, je demande juste à la médecine de mettre un terme aux souffrances des gens dont les maladies sont incurables.»

«C'est le malade qui décide»

Elle dit respecter l'opinion de ceux qui s'opposent à l'ouverture de l'aide active à mourir en France, mais assure que toute est différent lorsqu'on est «confronté à la souffrance». «Il faut vraiment voir ce que c'est pour comprendre l'intime conviction que peut avoir le malade».

Réagissant aux réserves émises par l'Ordre des médecins et par certaines organisations de professionnels de la santé jugeant que l'aide active à mourir ne relève pas du soin, la sexagénaire exprime son désaccord. «Le soin en tant que tel ils ne sont pas capables de nous le donner puisqu'il est question de maladies incurables. Dans ce cas, soigner c'est soulager la souffrance. Pour moi l'euthanasie est un soin quand il n'y a plus rien à faire».

Elle estime que les médecins doivent être davantage formés «à la souffrance, à la douleur», et appelle à ne pas entraver une évolution de la législation. «En Belgique les docteurs ont une clause de conscience, explique-t-elle. S'ils ne veulent pas pratiquer l'euthanasie, ils ne le font pas. On ne les oblige pas.»

Consciente que le sujet est délicat, Katherine Icardi Lazareff invite chacun à revenir à l'essentiel : le patient lui-même. «C'est le malade qui décide», insiste celle qui fonde à présent tous ses espoirs sur Emmanuel Macron. «J'espère que le président de la République va tenir ses promesses. Il a dit à Line Renaud, la marraine de l'ADMD, qu'il allait faire tout son possible pour faire évoluer la loi. C'est de l'humanité.»

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