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Fin de vie : euthanasie, suicide assisté, aide active à mourir… Quelles sont les différences entre ces dispositifs ?

L'Académie nationale de médecine s'est prononcée pour un droit «à titre exceptionnel» à l'assistance au suicide, mais écarte le recours à l'euthanasie, dans son avis du lundi 17 juillet. [PIXABAY]

Alors qu'un projet de loi sur la fin de vie se prépare, l'Académie nationale de médecine s'est prononcée, lundi 17 juillet, pour un droit «à titre exceptionnel» à l'assistance au suicide. Euthanasie, suicide assisté... CNEWS fait le point sur l’ensemble des dispositifs qui existent pour encadrer la fin de vie.

Aide active à mourir

Voulue par Emmanuel Macron pour être le pivot d’un «débat national sur la fin de vie», qu’il a lancé en septembre 2022, la convention citoyenne devait répondre à une question posée par la Première ministre, Elisabeth Borne : «Le cadre d’accompagnement de la fin de vie est-il adapté aux différentes situations rencontrées ou d’éventuels changements devraient-ils être introduits ?» La majorité des 184 citoyens tirés au sort (76 %) a tranché en faveur de l'ouverture d'un accès à une aide active à mourir. 

Et pour cause, l’espérance de vie ayant augmenté dans certains pays industrialisés de pair avec une modernisation scientifique et technologique de la médecine, la part jouée par la décision médicale dans les décès a augmenté corrélativement à cette hausse. Avec l'intensification des moyens médicaux est apparue la notion d'«acharnement thérapeutique», qui désigne «une obstination déraisonnable, refusant par un raisonnement buté de reconnaître qu’un homme est voué à la mort et qu’il n’est pas curable». La disproportion entre des thérapies exagérément lourdes pour le patient et la faible amélioration attendue, qui est de l'ordre du court répit, font que l'acharnement thérapeutique est de plus en plus fréquemment rejeté.

Néanmoins, pour ouvrir ou modifier des droits, il faut commencer par clairement les définir. Ainsi, selon la convention citoyenne, l’aide active à mourir pourrait se définir par l’ensemble des dispositifs qui permettent d’offrir « comme un soin» qui « soulage les souffrances» et un «accompagnement» pour des situations ou pathologies « pour lesquelles la médecine n'a pas de solution». Concrètement celle-ci pourrait prendre plusieurs formes et pas moins de dix-neuf approches d'accès à l'aide active à mourir ont été proposées et mises au vote.

Alors que le gouvernement doit dévoiler «d'ici la fin de l'été» son texte pour créer une «aide active à mourir», les deux grands dispositifs qui sont majoritairement plébiscités et utilisés à l’étranger restent le suicide assisté et l’euthanasie.

Suicide assisté

L'aide au suicide, ou suicide assisté, est l'acte de fournir un environnement et des moyens nécessaires à une personne pour qu'elle se suicide. Dans un avis rendu lundi 17 juillet, l'Académie nationale de médecine accepte d'aménager «de manière encadrée le dispositif actuel par l’ouverture de droits nouveaux pour aider à mourir le moins mal possible, en acceptant à titre exceptionnel l’assistance au suicide, sous conditions impératives».

Il s’agit d’offrir la possibilité à une personne de déclencher elle-même (et non un tiers) sa propre mort. Celle-ci peut se mettre en place selon plusieurs modalités, et en répondant à un certain nombre de critères que la loi est chargée de définir.

Par exemple, une approche de suicide assisté pourrait notamment permettre aux personnes suicidaires d'avoir un espace sécuritaire et accueillant pour explorer leur désir de mort, parler librement, être écoutées par des professionnels de la santé et, le cas échéant, être accompagnées dans leur processus, si la décision est éclairée et que la situation de santé, mentale ou physique, du patient répond aux exigences prévues par la loi.

Une partie non-négligeable des citoyens interrogés au cours de la convention (28%) juge qu'il faut avant tout privilégier la possibilité du suicide assisté, qui favorise l'autonomie du patient. D'autant que cette forme d'aide active à mourir ne nécessite pas l'intervention des soignants pour réaliser le geste létal. Ce modèle éviterait l'écueil d'une « trop grande implication» des soignants, que certains citoyens jugent problématique.

Au regard actuel de la loi, le suicide médicalement assisté est illégal dans la plupart des pays, sauf pour la Suisse, les Pays-Bas, la Belgique, le Luxembourg, le Canada, l’Allemagne, l’Italie, l’Espagne, l’Autriche et cinq états des Etats-Unis. En France, le suicide assisté est pour l'instant toujours interdit. 

L’Euthanasie

À ne pas confondre avec l’aide au suicide, l'euthanasie est caractérisée par l'intentionnalité et par l'intervention d'un tiers. Il s'agit de provoquer le décès d'un individu, avec des circonstances précises : maladie sans espoir de guérison et souffrances intolérables. Selon la définition retenue par le Comité consultatif national d'éthique (CCNE) dans un avis de 2013, il s'agit d'un «acte destiné à mettre délibérément fin à la vie d'une personne atteinte d'une maladie grave et incurable, à sa demande, afin de faire cesser une situation qu'elle juge insupportable».

Il est d'ailleurs d'usage de séparer l’euthanasie active, qui désigne un acte volontaire en vue d'abréger la vie du patient, de l’euthanasie passive, qui consiste à cesser un traitement curatif ou à arrêter l'usage d'instruments ou de produits maintenant un patient en vie. Dans ce dernier cas, on n'utilise aucun moyen hâtant la mort du patient.

L'euthanasie est autorisée, sous conditions, dans 7 pays à travers le monde : aux Pays-Bas, au Luxembourg, en Belgique, au Canada, en Colombie, en Espagne, au Portugal et dans cinq Etats américains. En France, si l’euthanasie n’est pas formellement légale, la législation actuelle, fixée par la loi Claeys-Leonetti de 2016, permet aux soignants de mettre sous sédation irréversible des patients proches de la mort, dont les souffrances sont intolérables. Mais elle ne va pas jusqu'à autoriser une assistance au suicide (le patient s'administre lui-même le produit létal) ou l'euthanasie (un soignant l'injecte).

Au niveau de la législation européenne, la Cour européenne des droits de l’homme ne reconnaît pas le suicide et l’aide au suicide comme des droits fondamentaux dont les citoyens européens pourraient se prévaloir pour mettre en cause les lois de leur Etat respectif. Même si les patients requérants étaient dans des états pathologiques et sous des régimes juridiques différents, la Cour a déclaré lors d'affaires sur la question qu’il n’existe «aucun droit de mourir», que ce soit avec l’assistance d’un tiers ou celle de l’Etat, et que «le droit à la vie ne comporte aucune liberté négative correspondante».

L’article 3 de la Convention européenne des droits de l’Homme n’oblige en principe pas l’Etat à garantir l’impunité pénale pour l’aide au suicide ou à créer une base légale pour une autre forme d’aide au suicide : «l’Etat ne doit pas cautionner des actes visant à interrompre la vie», précise le texte.

Selon un sondage Ifop pour La Croix et le Forum européen de la Bioéthique publié en janvier 2019, 89% des Français souhaitent aller plus loin sur la législation actuelle, en légalisant le suicide assisté (18%), l’euthanasie (47%) ou les deux conjointement (24%).

L'euthanasie reste rejetée par l'Académie nationale de médecine, pour sa «portée morale et symbolique», et parce que «les professionnels et membres des associations de l’accompagnement en fin de vie s’y opposent et redoutent cette pratique». «L’euthanasie, à la différence du suicide assisté transgresse le Serment d'Hippocrate - "Je ne provoquerai jamais la mort" - prêté par tout médecin», avance l'institution.

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