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Fonds Marianne : tout comprendre à l'affaire qui met en cause Marlène Schiappa

Le Fonds Marianne a été lancé en avril 2021 par Marlène Schiappa, alors ministre déléguée à la Citoyenneté. [Thomas SAMSON / AFP]

La gestion de l'argent du «Fonds Marianne», projet de promotion des «valeurs de la République» lancé en avril 2021 par Marlène Schiappa, fait l'objet d'une enquête judiciaire depuis le 4 mai. Les domiciles de plusieurs protagonistes du dossier ont été perquisitionnés ce mardi 13 juin.

Qu’est-ce que le «Fonds Marianne» ?

Le «Fonds Marianne pour la République» a vu le jour en avril 2021, après l’assassinat de Samuel Paty, professeur d’histoire-géographie décapité le 16 octobre 2020 par un islamiste.

Doté de 2,5 millions d’euros, il vise à «financer des personnes et associations qui vont porter des discours pour promouvoir les valeurs de la République et pour lutter contre les discours séparatistes», affirmait Marlène Schiappa, alors ministre déléguée à la Citoyenneté et à l’initiative du projet.

L’objectif est de «mieux lutter contre les contenus terroristes», notamment sur Internet et les réseaux sociaux, pas seulement en les supprimant mais aussi en agissant pour leur «apporter la contradiction» et «démentir les «fake news» qui font le lit de l’islamisme radical».

Qu’est-il reproché au «Fonds Marianne» ?

Confiée au Comité interministériel de prévention de la délinquance et de la radicalisation (CIPDR), la procédure de sélection des associations subventionnées a été extrêmement rapide. Dès juin 2021, le CIPDR annonçait que 17 dossiers étaient retenus pour un montant global de 2,017 millions d'euros au total.

Pour des «raisons de sécurité», la liste des bénéficiaires a été gardée secrète mais, d'après l'enquête de nos confrères de Marianne et France 2, quatre structures se partageraient à elles seules 1,3 million d'euros.

La principale bénéficiaire, à hauteur de 355.000 euros, serait l'Union des sociétés d'éducation physique et de préparation militaire (USEPPM), une association née à la fin du XIXe siècle.

La mission confiée à l'USEPPM consistait «à déployer un contenu multimédia, un message positif de réenchantement des valeurs de la République», selon la convention de subvention consultée par les deux médias.

Mais l'argent n'aurait servi qu'à alimenter un site internet et des publications très peu suivies sur les réseaux sociaux, ainsi qu'à salarier deux ex-dirigeants de l'USEPPM.

Selon plusieurs sources, une structure baptisée «Reconstruire le commun» a elle touché plus de 300.000 euros alors qu’elle venait d’être créée et n’avait «aucune activité connue». Cette dernière a notamment publié des contenus attaquant plusieurs personnalités de gauche, via une chaîne YouTube.

Où en est l'enquête ?

Une enquête menée par un juge d'instruction a été ouverte le 4 mai «des chefs de détournement de fonds publics, détournement de fonds publics par négligence, abus de confiance et prise illégale d'intérêts relative à la gestion du fonds Marianne». Dans le cadre de cette enquête, plusieurs protagonistes du dossier ont vu leur domicile perquisitionné : Mohamed Sifaoui, journaliste et ex-membre de l'USEPPM, Cyril Karunagaran, un autre responsable de l'association et Christian Gravel ex-patron du Comité interministériel de prévention de la délinquance et de la radicalisation (CIPDR).

Sur le volet administratif, un rapport accablant de l'Inspection générale de l'administration (IGA), pointe, entre autres, le «traitement privilégié» accordé par le CIPDR à l'USEPPM. L'IGA dénonce aussi les nombreux «manquements» de l'association, à la fois dans le processus de candidature, puis dans l'utilisation des fonds. Elle a relevé de graves «irrégularités», comme, par exemple, «des doublements de salaires pour les deux porteurs du projet USEPPM». Christian Gravel a démissionné de ses fonctions après la publication du rapport.

Enfin, du côté politique, une commission d'enquête sénatoriale a été ouverte le 10 mai. Celle-ci a auditionné l'ancien directeur de cabinet Sébastien Jallet qui a affirmé que Marlène Schiappa, alors Ministre déléguée chargée de la Citoyenneté, était intervenue pour écarter une association pourtant validée par le comité de sélection, sans révéler son nom. Il s'agit de SOS Racisme, selon son président Dominique Sopo, qui avait présenté une demande de subvention de 100.000 euros.

Que disent les personnes mises en cause ?

Devant une telle polémique, la famille de Samuel Paty s’est dite «particulièrement heurtée», estimant que «le nom de Samuel Paty ne peut en aucun cas et en aucune manière être l’instrument de tels agissements».

Marlène Schiappia, de son côté, nie toute ingérence dans le processus de sélection des associations bénéficiaires du projets Fonds Marianne. «AUCUN des lauréats du Fonds Marianne n’est mon ami, ou mon proche, ou que sais-je. Ils l’ont eux même démenti !», explique-t-elle dans un long fil de discussion sur Twitter.

Concernant les contenus YouTube s'en prenant à des personnalités de gauche, elle explique ne pas avoir «validé le contenu de ces vidéos» et affirme que ces dernières «(la) ciblent aussi».

La principale association mise en cause, l'USEPPM s'est retournée contre ses deux anciens dirigeants, selon l'avocat de la nouvelle direction, Me Cyril Fergon. Celui-ci a notamment déclaré à l'AFP que rémunérer les dirigeants entrerait en contradiction avec les statuts de l'association.

Quant à Mohamed Sifaoui, il a assuré à France 2 que «l'argent qui a été capté par l'association est un argent qui a servi principalement aux salaires des geeks – qui ont produit du contenu – et du contre-discours à travers des comptes visibles et d'autres du trolling».

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