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Colère des agriculteurs : quelles mesures pourraient mettre fin au mouvement ?

Malgré les annonces de Gabriel Attal, la colère des agriculteurs ne retombe pas et le mouvement continue de prendre de l’ampleur. Les agriculteurs, qui ne s’estiment pas entendus, réclament des mesures concrètes pour mettre fin à la contestation. Parmi les plus importantes : le respect de la loi Egalim et la réduction des normes environnementales.

Depuis maintenant près de deux semaines, les agriculteurs manifestent leur colère partout en France en bloquant de nombreuses autoroutes afin de faire entendre leurs revendications auprès de l’exécutif. Malgré deux interventions du Premier ministre, ces derniers ne s’estiment pas entendus et réclament l’application immédiate de mesures concrètes pour mettre fin au mouvement. Respect de la loi Egalim, fin de la superposition des normes environnementales françaises et européennes, ou encore refus de l’accord avec le Mercosur, l’exécutif devra passer à l’action s’il souhaite résoudre la crise. 

Application des lois Egalim 

La première concerne le respect des lois Egalim. Entrés en vigueur en 2018, 2021 et 2023, ces trois textes de loi sont censés protéger la rémunération des agriculteurs, notamment en les mettant en position de force dans les négociations avec la grande distribution et les industriels. Pour cela, le premier texte voté en 2018, Egalim I, prévoyait le regroupement des agriculteurs dans des organisations de producteurs, ainsi que le droit pour ces derniers de proposer un prix de vente à la grande distribution et aux industriels et non plus l'inverse. Enfin, la loi prévoit la limitation des promotions sur les denrées alimentaires, désormais limitées à 34% du prix et 25% du volume acheté jusqu’en 2023. L’application de la loi de 2018 est toutefois considérée insatisfaisante, ce qui entraîne, trois ans plus tard, la création d’un second texte, la loi Egalim II, votée en janvier 2022.

Ce dernier rend notamment obligatoire la signature d’un contrat écrit pour la vente d’un produit agricole et protège davantage les agriculteurs en cas d'une évolution du prix du marché. Il impose également une révision des prix des produits à valeur fixe négociés avec le producteur, en fonction de l’évolution des coûts de production et du prix du marché. Une troisième disposition majeure d’Egalim II est de rendre non-négociable par les distributeurs le prix des matières premières contenues dans leurs produits, lors de leurs négociations avec les industriels. En cas d’augmentation du prix d’une matière première donnée (blé, lait, soja), les grandes surfaces seront forcées de répercuter elles-mêmes le coût de l’augmentation et ne pourront pas forcer les agriculteurs à baisser leurs prix.

Toujours insuffisant pour les agriculteurs, qui s’estiment lésés face à la puissance des industriels et des distributeurs. Deux ans plus tard, en avril 2023, la loi Egalim III est donc encore venue renforcer la protection des producteurs face à l’évolution du cours des matières premières, en leur octroyant le droit de ne pas reconduire leurs conditions de vente au distributeur ou à l'industriel, négociées l’année précédente, en cas d’échec des négociations à la date butoir du 1er mars. Davantage encore que de protéger les producteurs, Egalim III met aussi en place des sanctions contre les moyens de pression des distributeurs. S’ils ne respectent pas une éventuelle révision du contrat avec le producteur au 1er mars, ils sont passibles «d'une amende administrative ne pouvant excéder 200.000 € pour une personne physique et 1 million d'euros pour une personne morale», précise le texte.

Enfin, Egalim III prévoit aussi que les litiges entre les producteurs et les entreprises de la grande distribution soient obligatoirement jugés en France, pour éviter que des lois de pays étrangers ne s’appliquent dans ces procès entre les agriculteurs français et leurs clients, dont les centrales d’achat seraient situées dans un autre pays. Des dispositions qui ne sont pourtant pas toujours respectées par les industriels et les distributeurs. «Ils ont laissé des puissances économiques se mettre en place, des puissances économiques telles, qu’ils n’arrivent plus à leur imposer quelque loi que ce soit. Donc ce que l’on veut c’est que les négociations reprennent avec l’appui des pouvoirs publics», réclame Jean-François Guitton, secrétaire général de la confédération paysanne du 44. 

Superposition des normes environnementales

Autre point de discorde : les normes environnementales. Face au défi climatique, de nombreuses lois ont été votées, à l’échelle nationale mais aussi à l’échelle européenne afin de mieux répondre au besoin de protection de l’environnement et de la biodiversité. Les agriculteurs déplorent notamment la superposition des normes françaises et européennes, qui «étouffent» une partie des exploitants. C’est notamment le cas pour les produits phytosanitaires, dont l’utilisation a été drastiquement réduite avec la loi «Ecophyto 2030» qui prévoit une réduction de 50% de l’usage de produits phytosanitaires. C’est aussi le cas pour l’élevage où les règles nationales provoquent une «concurrence déloyale» au niveau européen, dans le secteur. 

«Nous avons des basses-cours par rapport à nos voisins européens, nous sommes incapables d’appliquer les nouvelles normes, nos éleveurs n’ont pas la capacité à amortir ces nouvelles normes. Donc cela créé de la distorsion de concurrence, et c’est de la perte de souveraineté», déplore Mickaël Trichet, le président de la FNSEA 44. Face à ces contraintes, les agriculteurs dénoncent le fait de n’avoir «aucune solution» et réclament «une vision d’avenir et du revenu sur les exploitations».

Invité de la Grande Interview, ce jeudi 1er février, sur CNEWS et Europe 1, Christophe Guilluy, géographe et essayiste, a abondé en ce sens : «Il y a une crise agricole qui est notamment liée aux normes européennes que subissent les paysans», a-t-il déploré, ajoutant que ces normes sont «imposées par des gens qui ne s'imposent aucune norme, qui sont dans le no limit du marché».

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