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Watergate: 40 ans après, les Américains se méfient toujours du pouvoir

Manifestations hostiles au président Nixon le 30 janvier 1974 à Washington[AFP/Archives]

Un cambriolage raté, une source mystérieuse surnommée "gorge profonde", des micros cachés: tels sont les ingrédients du Watergate, l'affaire qui a secoué les Etats-Unis il y a 40 ans et dont les Américains ont gardé une méfiance épidermique envers le pouvoir.

Le 17 juin 1972, deux jeunes journalistes du Washington Post, Bob Woodward et Carl Bernstein, apprennent qu'un mystérieux cambriolage a eu lieu au siège du parti démocrate, dans un immeuble appelé Watergate, à Washington. Cinq hommes sont pris la main dans le sac: ce n'est que le début du retentissant scandale qui fera tomber le président républicain Richard Nixon, contraint à la démission en août 1974.

Pendant deux ans, Woodward et Bernstein vont enchaîner les révélations sur l'affaire en partie grâce à leur source "Deep Throat" ("gorge profonde"), en fait un responsable du FBI, Mark Felt, qui ne sortira de l'ombre qu'en 2005, trois ans avant sa mort.

"Gorge profonde" ne veut pas prendre de risques et donne des rendez-vous nocturnes à Bob Woodward dans des parkings souterrains pour lui confirmer des informations ou bien le mettre sur de nouvelles pistes.

Le Congrès s'en mêle car rapidement le lien est établi avec M. Nixon avant que des enregistrements de conversations --grâce à un système qu'il a lui-même mis en place dans le bureau Ovale-- n'achèvent de l'accabler.

"C'est l'étonnante histoire d'une présidence. Ce qui était frappant, c'est à quel point il était en colère et malheureux d'être président", analyse Bob Woodward lors d'une conférence à Washington. "Les présidents peuvent faire de grandes choses. (...) Nixon a raté ça, il a mal compris la fonction", juge-t-il.

M. Nixon sera ensuite gracié, en septembre 1974, par son successeur Gerald Ford. A ce moment-là, Carl Bernstein appelle son confrère, Bob Woodward, qui se trouve dans un hôtel à New York. "Le salopard a gracié le salopard", lui lance-t-il.

Libertés "en danger"

Selon Steve Billet, professeur d'histoire à l'université de Georgetown, "le Watergate a, d'une certaine façon, sapé la confiance des citoyens envers l'Etat, envers la présidence". Selon lui, le scandale a "transformé le pouvoir en ennemi (des Américains). C'est devenu la réalisation d'une prophétie selon laquelle l'Etat pourrait mettre en danger nos libertés".

Quarante ans après, les deux reporters de légende multiplient les conférences. Mercredi soir à l'auditorium du Newseum (musée de la presse et du journalisme), M. Woodward, 69 ans, a fait salle comble devant des journalistes en herbe et des universitaires passionnés.

Le silence se fait lorsqu'il raconte sa rencontre avec Mark Felt alors qu'il était dans la Marine, avant ce qui deviendra "le Watergate". La scène se déroule à la Maison Blanche, où le lieutenant Woodward est venu porter un pli. "Je me suis présenté, il s'est présenté, j'ai pris son numéro de téléphone. Et j'ai entretenu cette amitié de prédateur avec lui", plaisante-t-il.

Aujourd'hui, malgré la transparence que permettraient les outils dont disposent les médias (internet, réseaux sociaux...), la tournure que prendrait un tel scandale ne serait pas "si différente", selon M. Woodward.

"On trouve beaucoup de bonnes choses sur internet (...), mais une conspiration criminelle comme le Watergate ne se trouve pas en ligne", assure-t-il.

Pour le romancier Thomas Mallon, qui a écrit sur l'affaire, un nouveau Watergate "impliquerait certainement du piratage informatique". "A un moment donné de l'histoire américaine, il y aura un scandale qui éclipsera le Watergate", prédit-il.

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