En direct
A suivre

Chine: 75 ans après le massacre de Nankin, Xia Shuqin vit toujours l'horreur

Une petite fille chinoise entre les statues du mémorial aux victimes du massacre de Nankin, le 21 mai 2012 à Nankin, en Chine [Peter Parks / AFP] Une petite fille chinoise entre les statues du mémorial aux victimes du massacre de Nankin, le 21 mai 2012 à Nankin, en Chine [Peter Parks / AFP]

Trois quarts de siècle après le massacre de sa famille par des soldats japonais qui l'avaient laissée pour morte, Xia Shuqin revit cette journée de terreur à chaque négation du massacre commis par les troupes de l'Empire du Soleil levant.

Le 13 décembre 1937, alors que Nankin tombait aux mains des Nippons, la petite Xia entend frapper à la porte.

En l'espace de quelques minutes, sept membres de sa famille ont été assassinés, au premier jour d'une série de massacres, de viols et de destructions qui allaient durer deux mois.

Le père de Xia a été tué par balle alors qu'il ouvrait la porte, tandis que des soldats empoignèrent sa mère, refugiée sous une table avec sa petite soeur âgée de un an.

Xia Shuqin et Li Gaoshan (d), au mémorial des victimes du massacre de Nankin, le 21 mai 2012 à Nankin, en Chine [Peter Parks / AFP]
Photo
ci-dessus
Xia Shuqin et Li Gaoshan (d), au mémorial des victimes du massacre de Nankin, le 21 mai 2012 à Nankin, en Chine

"Ils ont jeté ma soeur à terre et ont maintenu ma mère sur la table, lui arrachant ses vêtements" avant de la violer, a déclaré la vieille femme à l'AFP, la voix brisée.

La mère et le nourrisson ont été achevés à coups de baïonnette. Deux enfants d'une maison voisine ont également été tués tandis que Xia se cachait dans une pièce du fond avec ses trois autres soeurs, ses grand-parents restant assis sur le lit.

Les soldats sont entrés, ont tiré une balle dans la tête aux grands-parents, avant de violer et de tuer ses deux soeurs aînées âgés de 15 et 13 ans.

"Je n'avais que huit ans à l'époque, mais j'avais vu ce qui était arrivé à mes soeurs aînées, qu'elles avaient été violées et étaient mortes dans des souffrances terribles", a expliqué Mme Xia.

Xia a reçu trois coups de bayonnette dans le dos avant de s'évanouir. Lorsqu'elle s'est réveillée, sa soeur âgée de quatre ans et elle-même étaient les seules survivantes du carnage.

Xia Shuqin, au mémorial des victimes du massacre de Nankin, le 21 mai 2012 à Nankin, en Chine [Peter Parks / AFP]
Photo
ci-dessus
Xia Shuqin, au mémorial des victimes du massacre de Nankin, le 21 mai 2012 à Nankin, en Chine

Les deux petites filles se sont terrées pendant dix jours au milieu des corps en putréfaction avant d'être découvertes par un couple de personnes âgées qui les a emmenées dans la Zone de sécurité internationale, mise en place par des étrangers restés à Nankin pour tenter d'empêcher les tueries.

La Chine et le Japon continuent à s'affronter sur l'ampleur du carnage. Selon Pékin, 300.000 personnes ont été tuées.

Dans une étude réalisée en commun il y a deux ans et qui n'a pas permis d'arriver à un accord, les Japonais font état de "différentes estimations" allant de 20.000 à 200.000 morts.

Mais certains politiciens ultra-conservateurs au Japon vont jusqu'à nier la réalité du massacre.

Des visiteurs au mémorial des victimes du massacre de Nankin, le 21 mai 2012 à Nankin, en Chine [Peter Parks / AFP]
Photo
ci-dessus
Des visiteurs au mémorial des victimes du massacre de Nankin, le 21 mai 2012 à Nankin, en Chine

"J'ai plus de 80 ans et je subis encore ce genre d'agression et d'humiliation", dit Xia, qui a passé les 12 dernières années à poursuivre en justice les négationnistes nippons.

Les deux puissances asiatiques - aujourd'hui deuxième et troisième économies de la planète - ont beaucoup renforcé leurs liens économiques, mais l'histoire pèse toujours de tout son poids sur leurs relations.

La Chine souligne son humiliation par le Japon impérialiste à chaque contentieux, comme la "nationalisation" par le Japon cet été d'îlots en mer de Chine orientale revendiqués par Pékin, suscitant une vague anti-japonaise en Chine aux lourdes conséquences économiques.

"Cela fait maintenant 75 ans que le massacre a eu lieu, mais les Japonais refusent de faire face à leur histoire", accuse M. Wang Weixing, directeur adjoint de l'Institut d'Histoire de l'Académie des sciences sociale de la province du Jiangsu (est), dont Nankin est la capitale.

Pékin accuse Tokyo d'éluder le sujet dans ses manuels scolaires et réagit avec fureur à chaque fois que des responsables japonais de premier plan se rendent au sanctuaire de Yasukuni à Tokyo, où sont vénérées les âmes des Japonais morts à la guerre.

Tokyo assure éprouver de "profonds remords et s'excuse du fond du coeur" pour son rôle dans le conflit.

"Le Japon reconnaît parfaitement que durant une certaine période de son histoire, à travers le pouvoir et l'agression coloniales, il a infligé d'énormes dommages et souffrances aux peuples de nombreux pays", déclare le ministère nippon des Affaires étrangères sur son site.

Mais pour Mme Xia, cette position officielle ne va pas assez loin et la justice japonaise devrait agir contre ceux qui nient le massacre.

En 2007, un tribunal japonais lui a donné raison contre Shudo Higashinakano, professeur à la Asia University de Tokyo et son éditeur, qui l'avaient accusée de mensonge. Elle a obtenu 4,5 millions de yens de dommages.

Pour les dissidents chinois toutefois, le sentiment anti-japonais est manipulé par le pouvoir communiste. L'artiste Ai Weiwei estime ainsi, et il n'est pas le seul, que les manifestations antijaponaises du mois de septembre ont été "préparées" par Pékin.

À suivre aussi

Ailleurs sur le web

Dernières actualités