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Tout savoir sur les émeutes du Rif au Maroc

La situation est susceptible de «basculer dans la violence» au moindre incident[FADEL SENNA / AFP]

Au Maroc, dans la région montagneuse du Rif, une fronde socio-économique est à l'origine de violentes tensions entre jeunes manifestants et forces anti-émeutes.

Le 28 octobre 2016, la mort atroce d'un jeune vendeur de poisson, broyé par une benne à ordures alors qu'il tentait d'empêcher la destruction de sa marchandise (500 kilos de poissons pêchés illégalement), bouleverse les Marocains.

La population s'embrase. C'en est trop pour les habitants d'une région marquée par le chômage, la pauvreté et la corruption. Tous descendent dans la rue pour dénoncer le comportement jugé abusif des autorités dans cette affaire.

Un conflit social et religieux

Depuis, sept mois ont passé. Mais les habitants d'Al-Hoceïma, où le drame s'est produit, ne faiblissent pas. A leur combat contre l'exclusion sociale, s'ajoute une lutte contre la répression, puisque une trentaine de membres du Hirak («mouvement») ont été arrêtés par les forces de l'ordre. Et notamment Nasser Zefzafi, leader de la contestation.

Le 26 mai 2017, les revendications prennent une nouvelle forme. Le jeune homme de 39 ans est arrêté après avoir interrompu le prêche d'un imam. Pour le roi, un point de nom retour est atteint. Les Rifains sont désormais perçus comme des séparatistes qui cherchent à destabiliser le Maroc. L'imam lui-même reproche aux contestataires d’encourager la «fitna» («discorde»).

Un mois plus tard, le 26 juin, jour de l'Aïd el-Fitr, les manifestants continuent de manifester dans les rues d'Al-Hoceïma. Pour empêcher les habitants des villes voisines de rejoindre la foule, les forces de l'ordre bloquent tous les accès. 

Une vidéo montre des citoyens venus d'autres localités, protester contre la police qui leur a intimé l'ordre de rentrer chez eux.

Des images et des vidéos partagées sur internet montrent les manifestants dispersés à coups de matraque. Dans la localité d'Adjir, près d'Al-Hoceïma, ces affrontements violents auraient fait de nombreux blessés, relaye France 24.

Interrogé par Libération, le chercheur Pierre Vermeren explique qu'avec la réaction de la justice, le pouvoir n'a pas obtenu l'effet escompté. Au lieu de s'éteindre, le mouvement contestataire s'est amplifié, revigoré. Cette détermination serait le produit de la libération de la parole depuis les printemps arabes, mais aussi de ce que le spécialiste désigne comme «l'esprit rifain».

Un contexte social tendu

C'est à dire que la mort tragique du jeune pêcheur n'est que la pointe de l'iceberg. En toile de fond, se dessine le contexte social du Rif.

Cette région, qui est parmi les plus pauvres du Royaume, est marquée par un passé économique difficile. La guerre du Rif, qui opposa la République d’Abdelkrim aux Espagnols et aux Français entre 1921 et 1926, en est l'illustration parfaite. Les habitants se souviennent aussi des «émeutes du pain», qui avaient pour objectif de dénoncer les réductions des subventions et l'augmentation brutale des prix de certains aliments de base tels que le blé, l'huile, le beurre et la farine.

En 1984, les révoltes avaient été durement réprimées par Hassan II. Le prince héritier et futur roi avait soulevé l'indignation des habitants, qualifiant ceux qui ont pris part aux émeutes d'«awbachs». («déchets de la société)

Depuis, la situation ne s'est pas améliorée. Les Rifains, qui s'auto-désignent comme les «laissés pour compte» du pouvoir marocain, reprochent à ce dernier de les avoir abandonnés, et revendiquent l'accès à l'aide au développement souvent promise par le roi, comme le rappelle Respect mag dans un article.

Fin juin, le roi Mohammed VI s'en est pris à ses ministres. Il leur reproche notamment la «non exécution» du vaste programme de projets d'infrastructures relancé par l'Etat ces derniers mois. Une enquête pour déterminer les responsabilisés de ce dernier vis à vis du Rif et de ses habitants a été ouverte.

Si la mobilisation se concentre pour le moment sur la région d'Al-Hoceïma, les autorités appréhendent qu'elle ne s'élargisse. La situation est susceptible de basculer dans la violence au moindre incident, à la moindre bavure policière.

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