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Marion Van Renterghem : «Merkel veut le pouvoir, pas les attributs du pouvoir»

La chancelière allemande Angela Merkel, qui brigue un quatrième mandat, est en tête dans les sondages. La chancelière allemande Angela Merkel, qui brigue un quatrième mandat, est en tête dans les sondages.[CHRISTOF STACHE / AFP]

Chancelière fédérale depuis douze ans, Angela Merkel devrait être réélue à la tête de l’exécutif allemand fin septembre. Marion Van Renterghem a consacré un livre-portrait à cet « ovni politique ».

Centriste à la tête d’un parti conservateur, enfant de l’Allemagne de l’Est communiste mais très attachée à sa religion protestante, femme et divorcée, Angela Merkel détonne à la fois au sein du paysage politique allemand, et parmi ses homologues du G7 ou de l’OTAN.

Mais cet éternel décalage n’a pas empêché sa longévité. Populaire à l’intérieur et respectée à l’extérieur, celle que les Allemands surnomment « Mutti » (maman) brigue actuellement un quatrième mandat. Une course qu’elle est bien partie pour gagner, avec 37% des intentions de vote pour les législatives du 24 septembre, contre 21% pour son principal rival, le candidat SPD Martin Schulz.

Dans son livre Angela Merkel, l’ovni politique, la journaliste Marion Van Renterghem, qui suit la chancelière depuis son arrivée au pouvoir en 2005, décrypte la personnalité et le parcours de la dirigeante. Pour elle, cette physicienne de métier est avant tout une femme d’action, plus que d’idéologie ou de représentation.

Votre livre donne l’image d’une Angela Merkel arrivée à la politique presque par hasard, visiblement dénuée d’ambition personnelle mais capable d’éliminer ses adversaires. Du coup, la question que l’on se pose c’est : que veut vraiment Angela Merkel ?

Il est vrai qu’Angela Merkel veut le pouvoir, mais sans avoir l’apparence de quelqu’un fasciné par les attributs du pouvoir, par tout ce qui va avec. Elle est très loin du faste à la française. C’est quelqu’un qui aime avant tout agir, mettre les mains dans le cambouis.

Elle aime négocier, trouver des solutions pour faire s’entendre les gens. C’est une dirigeante qui veut mettre la main à la pâte. Elle n’est pas dans la grande vision ni dans la grande stratégie, mais dans la résolution des problèmes au cas par cas. C’est clairement plus une pragmatique qu’une idéologue.

Elle s’apprête à être réélue après douze ans au pouvoir. Cette longévité est rare mais pas exceptionnelle en Allemagne, où Konrad Adenauer et Helmut Kohl ont fait quatre mandats. Comment expliquer cette facilité à laisser si longtemps le pouvoir à une seule personne ?

Le système institutionnel allemand fonctionne de manière très différente du nôtre. Le pouvoir est extrêmement partagé entre le chancelier et le Bundestag. D’ailleurs le chancelier est un membre du Bundestag à part entière : Angela Merkel retourne presque tous les mois dans sa circonscription. Donc, paradoxalement, même si la chancelière est très exposée, à l’intérieur du pays, elle n’a pas tant de pouvoir que ça.

Merkel retourne tous les mois dans sa circonscriptionMarion Van Renterghem

Dans le cas d’Angela Merkel, une autre raison de cette longévité est que l’Allemagne se porte bien, contrairement à d’autres pays. Il ne s’agit pas, bien sûr, de prétendre qu’il n’y a aucune zone d’ombre, mais l’Allemagne est majoritairement contente de son sort : 75% des Allemands sont optimistes sur la situation du pays. Dans ces circonstaces, Angela Merkel n’a pas grand-chose d’autre à faire que leur promettre une continuité.

Angela Merkel est une femme, divorcée, sans enfants. En France, on imagine qu’un tel profile aurait suscité de nombreux commentaires. Est-ce le cas en Allemagne ?

Non. Ce n’est pas en tant que femme qu’on la considère. D’ailleurs, si elle avait été très féminine, elle n’en serait peut-être pas là, elle aurait peut-être été prise pour cible.

Ce n'est pas en tant que femme qu'on la considère.Marion Van Renterghem

Mais elle a réussi à imposer une sorte de neutralité. On oublie qu'elle est une femme.

Votre livre s’ouvre sur les cinq minutes d’entretien que vous avez réussi à arracher à la chancelière au bout de dix ans à lui courir après. Pensez-vous que sa discrétion médiatique soit un atout au service de sa popularité constante ?

J’en suis convaincu. Ce n’est pas une habitude nécessaire chez les Allemands, Helmut Kohl était quelqu’un d’imposant et ça ne l’a pas empêché d’être populaire. Mais Angela Merkel est très différente, et elle devrait inspirer les autres dirigeants. Elle prouve qu’on peut faire preuve d’autorité, être à la tête d’une grande puissance économique, tout en conservant une simplicité extrême.

Elle est très respectée de ses homologues étrangers. Mais ici, dans l’opposition, les eurosceptiques de droite et de gauche ont fait d’elle le symbole de tout ce qu'ils reprochent à l'Europe. Cette colère anti-Merkel est-elle spécifiquement française ?

Non. La colère anti-Merkel est aussi très forte dans les pays du Sud de l’Europe. Elle a laissé une trace extrêmement négative au moment de la crise grecque. En France, au centre de l’Europe, on est un peu entre les deux : certains sont virulents contre Angela Merkel, d’autres au contraire sont très admiratifs. Cela s'inscrit dans un fantasme anti-allemand typiquement français, qui consiste à reprocher aux autres ce qu’on n’arrive pas à faire.

 

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