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Patrick Coulombel, cofondateur d'Architectes de l'urgence : «à Beyrouth, il faut reloger les habitants avant l'hiver»

Pour Patrick Coulombel, l'une des priorités est de reloger les Beyrouthins Pour Patrick Coulombel, l'une des priorités est de reloger les Beyrouthins. [PATRICK BAZ / AFP]

Comment reloger efficacement les habitants de Beyrouth ? Près d'un mois après l'explosion du port, et alors qu'Emmanuel Macron s'y rend à nouveau ce 1er septembre, Patrick Coulombel, cofondateur d'Architectes de l'urgence, fait part de son inquiétude sur le sujet. Sur place il y a quelques jours, il a pu discuter avec la population locale.

Comment décririez-vous la situation un mois après l’explosion du port de Beyrouth ?

Il y a eu une auto-prise en charge impressionnante de la part de la société civile. La réactivité de la population, pour déblayer notamment, est très importante. Il y a un fond d’urgence qui est en place, mais il faut définir ce qui fait partie des urgences. Car sur le plan médical, les besoins se résorbent. En revanche, il faut reloger les personnes touchées avant l’hiver, et je suis plus inquiet car nous avons des grosses difficultés à trouver des moyens. 

Dans ce contexte, quelle est la priorité aujourd'hui ? 

Il y a trois volets : la santé, la nourriture et le logement. Aujourd’hui les logements sont particulièrement affectés, en particulier les vitres, qui permettent de garder les gens au sec et au chaud. Or les changer se fait sur le long terme. Nous butons sur la recherche des moyens. Pour la réparation des vitres, des portes d’entrée et des carreaux, nous aurions besoin de 500 euros par logement environ. Dans un deuxième temps, il y aura aussi les réparations en menuiserie, qui prendront plus de temps. 

L’une des craintes était le détournement des fonds récoltés par les ONG à cause de la corruption. L'inquiétude perdure ? 

C’est une réelle inquiétude de la population libanaise. Les gens se débrouillent par eux-mêmes et les ONG pallient les carences d’un Etat qui ne fonctionne pas bien. Les habitants ont confiance dans l’armée, mais pas dans les gouvernants politiques. C’est une vraie plainte qui perdure. 

Le port de Beyrouth est le poumon économique du pays. Quand pourrait-il être de nouveau fonctionnel en étant optimiste ? 

Aujourd’hui il fonctionne mal, mais il fonctionne. La première étape est le nettoyage. À titre de comparaison, nous étions intervenus au Japon après le tsunami, et il y avait toujours des déchets 6 mois après. Toute l’installation portuaire est à terre ou très endommagée. La partie démolition des infrastructures devrait durer 6 mois.

En soi, le port peut refonctionner normalement assez vite, le problème se situe plutôt pour les environs. À Toulouse, il a fallu 10 ans pour reconstruire le tout après l’explosion du site AZF. Je ne serai donc pas étonné que cela prenne du temps, car même si la population est très dynamique, la crise bancaire et économique freine les avancées. Ensuite il y aura un vrai choix de société pour définir la relation entre la ville et le port. Car nous avons un port quasi industriel en centre-ville. Il est possible de faire autrement aujourd’hui. 

Vous allez intervenir sur des chantiers spécifiques ? 

Nous avons amené du matériel pour la réparation des logements, et nous avons des programmes tels que Windows for Beirut, qui est dirigé par des membres de la société civile libanaise. L’objectif est d’aider à reloger 10.000 personnes environ, ce qui représente un coût légèrement supérieur à 1 million d’euros.

Ensuite nous travaillons avec des écoles, qui n’ont pas forcément de gros dégâts, mais plutôt une multitude de petites choses à régler avant d'accueillir les enfants. C’est important car si on ne les met pas en classe, où vont-ils aller ? D’autant que le Liban a un niveau d’éducation élevé, donc il serait bénéfique de remettre les élèves à l'école. Enfin nous sommes intéressés pour travailler sur la relance économique. Beaucoup de petits commerces ont vu leur rez-de-chaussée endommagé, et nous pouvons travailler là-dessus. 

Qu’est-ce qui vous a marqué dans les discussions que vous avez pu avoir avec les Libanais sur place ? 

Il y a un enjeu géopolitique clair. 90% du secteur touché est chrétien. Le Liban est un des rares endroits au Moyen-Orient avec une communauté chrétienne aussi importante. Aujourd’hui, beaucoup d’entre eux se disent prêts à partir, et c’est une vraie question à se poser, car il est possible qu’ils ne reviennent que pour les vacances. La communauté internationale peut les encourager à rester en les aidant, mais il faudra voir dans un futur proche si ce choix sera fait. 

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